Le vent froid et rude ébouriffait ses cheveux alors que les scènes se succédaient, mais Max n’y prêtait pas attention. Blottie dans l’étreinte de Riftan, elle se sentait en sécurité après avoir fait l’amour en plein air. Un sentiment nouveau, venant de l’homme dont elle craignait autrefois de respirer le même air.
En arrivant au château, Riftan embrassa étroitement la jeune fille complètement épuisée et l’amena dans la chambre. Il la lava soigneusement à l’eau chaude, la changea doucement de vêtements et lui donna même affectueusement un bon repas chaud. Puis, comme s’il endormait un enfant, elle s’est allongée sur sa poitrine et a essayé de dormir.
C’était apparemment un comportement inhabituel pour un homme brusque comme Riftan. Car ce n’était certainement pas un événement unique. Chaque fois qu’il était avec elle, il continuait ces actes comme s’il était son baby-sitter. Chaque jour, il lui donnait directement ses repas, insistait pour qu’elle prenne son bain avec lui et allait même jusqu’à venir tôt le matin, prendre le peigne de Rudis et lui peigner les cheveux.
Elle trouvait tout cela un peu gênant maintenant. Elle n’avait jamais connu une telle attention, pas même lorsqu’elle était enfant. De plus, cela allait à l’encontre de l’idée du mariage qu’elle connaissait. ( Elle va pas se plaindre qu’il l’a chouchoute quand même… )
Des manières froides, une indifférence polie, et l’obligation maritale… selon l’idéologie, c’était ce qui existait entre les couples mariés. Il y avait aussi beaucoup de preuves “ambulantes” pour corroborer cette croyance. Elle n’avait jamais vu ni entendu parler d’un mari qui s’occupait de sa femme comme tel, du moins pas avec autant d’enthousiasme.
C’est ce qu’on lui avait appris en grandissant, l’attitude de Riftan s’écartait de ce qu’on lui avait appris d’un “homme marié”. Peut-être était-elle seulement ignorante ? Après tout, les circonstances entourant sa vie au château de Croix l’avaient confinée à l’intérieur de ses murs. Tout au plus pouvait-elle visiter les baraquements du temple. Mais même cela lui était interdit dès qu’elle atteignait l’âge de quatorze ans et c’était donc une vie d’isolement.
Toutes ses connaissances sur le mariage lui venaient de la bouche de ceux qui visitaient le château de Croix. La plupart d’entre eux venaient voir sa sœur Rosetta, plutôt inexpressive et au sourire froid, ou son père. Personne ne s’intéressait à elle, elle doutait même qu’ils aient conscience de son existence.
Lorsqu’elle compare le passé au présent, Max est submergée par la confusion.
Peut-être que le monde qu’elle connaissait était faux ? Son mariage était-il normal ? Est-ce ainsi qu’un mari devrait être ?
Bien qu’elle soit assaillie de questions, elle ne savait pas où trouver ses réponses.
“Vous êtes étonnamment adroite.”
La voix de Ruth a sorti Max de sa rêverie. Il lui adresse un sourire satisfait tout en reprenant méticuleusement les formules qu’il a arrangées. “Et vous êtes beaucoup plus rapide que je ne le pensais.” ajoute-t-il.
C’était censé être un compliment ? Max sourit amèrement.
“Si c’est juste pour répéter la même chose… c’est naturel d’accélérer.”
“Il est temps de terminer. A ce rythme, nous serons en mesure de terminer le sort d’ici demain.”
Elle a poussé un soupir de soulagement. Bien que ce soit excitant pendant un temps, elle finit par se lasser des calculs et des croquis répétés, à tel point qu’elle détestait même regarder le parchemin. Elle frotta son cou raide et se plaignit.
“Je ne savais pas que la magie impliquait autant de paperasse. J’avais pensé que nous ferions quelque chose de plus in-incroyable.”
“La magie est un niveau d’apprentissage avancé. Elle nécessite des calculs et des recherches sophistiqués. Le seul moment où un sorcier peut expérimenter le frisson de la magie est sur le champ de bataille. Les sorciers de la Tour du Monde n’en font jamais l’expérience, même s’ils consacrent leur vie entière à la conception de sorts.”
Max arrêta ce qu’elle faisait et le regarda avec étonnement.
“Ru-Ruth, tu es aussi un sorcier de la Tour du Monde ?”
“Oui, j’y ai résidé.” dit Ruth avec dégoût.
Ses yeux se sont agrandis.
La Tour du Monde était une île artificielle construite par d’anciens sorciers au centre de la Mer d’Ishiria, on l’appelait Nornui. La jeune fille innocente et isolée, Maximillian, n’en entendait pas souvent parler. Elle seule savait qu’il s’agissait du berceau des sorciers, d’un dépôt de toutes les connaissances du monde, d’un non-interventionniste, qui s’abstenait de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays, et d’une île de sages qui protégeaient l’ordre mondial… Nornui.
Mais la réaction de Ruth tout à l’heure y faisait référence avec dégoût, comme s’il niait ces accomplissements. Devant sa stupéfaction, il daigna s’expliquer.
“Les sorciers qui entrent dans la Tour du Monde sont restreints dès qu’ils sont promus à un rang supérieur. Au lieu d’être autorisés à maîtriser toute la magie dangereuse et secrète que Nornui a à offrir, ils sont surveillés pour s’assurer qu’ils n’utilisent pas leur pouvoir personnel pour perturber le monde. Les sorciers supérieurs passent la plupart de leur vie dans la Tour du Monde. Personnellement, je n’aimais pas ça, alors je me suis échappé.”
“Échappé… tu peux y retourner ?”
“Non. C’était de la haute trahison. Même maintenant, quand je rencontre des sorciers de la Tour du Monde, on me traite comme un simple criminel.”
Ruth parlait sans état d’âme, comme s’il s’agissait d’une question insignifiante. Max se demandait si tous les sorciers étaient aussi effrontés.
“Alors… as-tu rencontré Ri-Riftan en errant après t’être échappé de la Tour du Monde ?”
“Oui, je l’ai rencontré peu de temps après être devenu un mercenaire. Le Seigneur Calypse était déjà une figure connue à ce moment-là.”
Max était de plus en plus curieux, ses yeux brillaient.
“P-pourquoi ça ?”
“Ce n’est pas évident ? Avec son allure éblouissante, son physique volumineux incroyable pour un adolescent, un cœur courageux qui regarde toujours droit devant lui, il était déjà célèbre à l’âge de seize ans. Depuis, le Seigneur Calypse est un fou.”