Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 24 – Le mort-vivant
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Effrayés, nous reculâmes de quelques pas. Même si nous nous attendions à ce que ce cercueil nous crée des problèmes, la réalité ne manqua pas de nous surprendre. Ce tremblement laissait clairement entendre que le mort bougeait à l’intérieur et lorsque quelque chose bouge dans un cercueil, ce n’est jamais bon signe.

Poids-lourd devint blanc comme un linge et il se mit à trembler :

― On dirait qu’il y a quelque chose de vivant là-dedans. À mon avis, Maître San, mieux vaudrait ne pas ouvrir ce cercueil.

Oncle San regarda attentivement les soudures du sarcophage et secoua la tête :

― C’est impossible. Ce cercueil est si bien scellé que l’air ne peut pas y entrer. S’il y avait une créature à l’intérieur, quelle qu’elle soit, elle serait certainement morte d’asphyxie au bout de trois mille ans ! De plus, nous avons affaire à une série de cercueils, ce qui signifie qu’il y a plusieurs parois à l’intérieur. Perçons-en d’abord une ou deux et nous verrons si nous entendons mieux.

Je fis une estimation approximative du poids du sarcophage. Pour autant que je m’en souvienne, le plus lourd jamais découvert était l’immense sarcophage extérieur de bronze de la tombe du Marquis Yi de Zeng à Leigudun et il pesait environ neuf tonnes. (1) Celui-ci était à peu près de la même taille, mais alors que celui du marquis était un grand coffre de bois avec une armature en bronze, celui que nous avions devant nous était entièrement en bronze. Il pesait certainement bien plus de neuf tonnes mais je n’aurais su dire son poids exact.

Poids-lourd et mon oncle utilisèrent leurs couteaux pour gratter la cire au niveau des joints, puis ils y enfoncèrent leurs pieds-de-biche et appuyèrent bien fort en grognant sous l’effort. Il y eut un bruit sourd et le couvercle du sarcophage se souleva. Je me précipitai pour les aider à le pousser et m’aperçus qu’il pesait au moins 800 catty. (2) Il nous fallut un bon moment pour le déplacer de moitié, ce qui nous laissa épuisés et à bout de souffle. Après avoir uni nos forces et poussé un bon coup, nous parvînmes à le repousser sur le côté et découvrîmes le cercueil intérieur.

Une exquise couverture de jade laqué incrustée de pierres – de jade elles aussi – soigneusement disposées en formes de diamants et de cercles et qui rappelaient l’ancienne théorie chinoise selon laquelle le ciel est rond et la terre carrée, recouvrait un cercueil en bois laqué. Celui-ci était orné de peintures mais je ne pouvais pas voir ce qu’elles représentaient car la couverture de jade m’en empêchait.

A la vue du cercueil, les yeux de Grande-gueule faillirent sortir de leurs orbites. Son visage reflétant à la fois l’excitation et la douleur, il porta une main sur sa plaie :

― Merde, avec tout ce jade, je vais pouvoir faire tout ce que je veux maintenant !

Il voulut s’approcher mais Oncle San le refréna :

 ― Ne sois pas absurde ! C’est du jade de Manasi, dans le Xinjiang. Si tu veux le démonter et le vendre, tu n’en tireras que quelques centaines de milliers de yuans, ce qui ne sera évidemment pas suffisant pour partager entre nous tous. Si nous voulons que cette expédition soit rentable, il faut emporter toute la couverture de jade !

Grande-gueule, qui savait qu’il avait déjà causé assez de problèmes, n’osa rien rajouter. Il se gratta simplement la tête et recula.

Mon oncle tapa sur le cercueil laqué et dit :

― Les rois de la période des Royaumes Belligérants disposaient généralement de deux cercueils extérieurs et de trois cercueils intérieurs. Si nous prenons en compte cet arbre comme étant le premier cercueil extérieur et celui en bronze le second, le plus précieux devrait être le cercueil de bois.

Sur ces paroles, Oncle San utilisa son couteau pour détacher soigneusement tous les fils d’or qui reliaient la couverture au cercueil laqué en prenant soin de ne pas endommager le jade et il lui fallut plus d’une demi-heure pour tout enlever.

Je pus alors voir les peintures colorées qui, heureusement, étaient beaucoup plus faciles à interpréter que les inscriptions. J’allumai l’une de nos lampes de mineur et les examinai attentivement : il s’agissait de peintures narratives. Celle qui se trouvait sur le couvercle du cercueil représentait probablement l’enterrement. Je distinguais un arbre énorme avec un trou en son milieu ainsi qu’un cercueil de bronze ouvert porté par de nombreux squelettes. Sur le côté se trouvaient des gens respectueusement agenouillés.

Oncle San plia soigneusement la couverture de jade et la mit dans son sac à dos. J’essayai de le soulever, mais il était excessivement lourd. De toute évidence, cet objet allait être difficile à transporter.

Stimulé par ce que nous avions trouvé, Poids-lourd voulut ouvrir le cercueil de bois peint, mais mon oncle l’attrapa aussitôt et le remit à sa place.

― Putain, tu t’évanouis quand tu vois des fantômes et tu es prêt à mourir à la vue de l’argent ! Il y a une autre couche en dessous. N’agis donc pas de manière aussi irréfléchie. Vas-y doucement !

Il s’accroupit, posa son oreille contre le couvercle du cercueil et nous fit signe de nous taire.

Nous retînmes notre souffle de crainte de le perturber. Un long moment plus tard, Oncle San se retourna, le visage pâle.

― On dirait que quelque chose respire dans de ce putain de truc.

Nous en restâmes tous stupéfaits. Qu’un fantôme pleure à l’intérieur du cercueil, nous aurions pu le concevoir. Mais quelque chose qui respire, c’était vraiment trop bizarre.

Poids-lourd était tellement terrifié qu’il se mit à balbutier.

― Ce… ce n’est pas un mort-vivant, n’est-ce pas ?

― Ne sois pas ridicule ! dit Oncle San. Ne commence pas avec tes conneries, après tout ce que nous avons fait ! Quoi, tu veux remettre en place le couvercle du cercueil ?

Il sortit un sabot d’âne, le glissa sous son aisselle et me fit signe. Je levai mon arme en position de tir et Poids-lourd le pied-de-biche qu’il tenait à la main. Nous montâmes la garde aux abords du cercueil, prêts à bondir sur ce tout ce qui pourrait nous sauter dessus.

Mon oncle cracha alors dans ses mains et étira ses bras pour se donner une minute et reprendre courage. Il s’apprêtait à insérer le levier dans le cercueil de bois lorsqu’une voix derrière lui cria :

― Arrête !

Nous nous retournâmes et vîmes que le gros s’était réveillé. Il se frottait la tête et agitait la main vers nous. Non, non. Il va se passer quelque chose de grave si vous l’ouvrez comme ça. Vous avez vraiment l’intention de piller une tombe avec si peu d’expérience ? C’est comme allumer une lampe de poche dans une putain de latrine pour trouver de la merde. Vous cherchez vraiment les ennuis.

― Qu’est-ce que tu suggères ? grogna mon oncle.

Gros-lard fit signe à Oncle San de s’écarter du chemin et glissa sa main dans l’espace entre le cercueil en bois et le sarcophage de bronze. Il ferma les yeux, tâtonna un long moment et tira brusquement. Nous entendîmes un brut sec. Le couvercle du cercueil se fendit en deux par le milieu et nous crûmes percevoir un cri d’angoisse qui provenait de l’intérieur. J’eus tellement peur, que mes mains s’engourdirent et je faillis lâcher mon arme.

Le gros fit un bond en arrière et écarta les mains en criant :

― Reculez !

Machinalement, je pointai mon arme en direction du cercueil et fis aussitôt quelques pas en arrière. Tel une fleur de lotus en pleine éclosion, le cercueil de bois s’éleva du sarcophage de bronze et les deux pans de son couvercle fendu tombèrent chacun de leur côté. L’ingéniosité de cette conception était telle que nous en restâmes bouche bée. Soudain, un homme en armure noire se redressa.

Je pointai mon arme, prêt à tirer, mais Gros-lard m’attrapa le bras.

― Ne tire pas ! L’armure qu’il porte est un précieux trésor. Tu ne peux pas la détruire !

Je vis enfin à quoi ressemblait le mystérieux Roi Shang de Lu. C’était – chose rare – un cadavre humide, c’est-à-dire que son corps n’avait pas pourri et que sa peau était encore humide et souple. Elle était d’une bancheur quasi transparente et l’homme avait les deux yeux fermés. Sa mort avait dû être particulièrement douloureuse car les traits de son visage étaient marqués par l’agonie. J’en fus un peu surpris. S’il avait les moyens de conserver intact le corps de cette femme durant des milliers d’années, pourquoi ne les avait-il pas utilisés pour lui ?

Mon oncle s’approcha du cercueil :

― Je pensais que c’était encore un de ces putain de zombies mais regardez, il y a un morceau de bois derrière lui. Pas étonnant qu’il ait pu s’asseoir.

Nous nous approchâmes pour jeter un coup d’œil. C’était un mécanisme très délicat, conçu de telle sorte que dès l’ouverture du cercueil, le corps, aidé de ce morceau de bois, se redressait. Si un pilleur de tombes lambda tombait dessus, il mourrait certainement de peur.

Alors que nous soupirions de soulagement, je pensai à ce Roi Shang de Lu. Il était regrettable que, tout calculateur qu’il fût, il n’ait pas pris en compte le fait que ceux qui avaient peur des fantômes n’étaient pas des pilleurs de tombes. Ceux-ci ne les craignaient pas. Pour oser ouvrir un cercueil de nuit, il faullait être un desperado ! Manifestement, il nous avait sous-estimés lorsqu’il avait mis au point ces tactiques pour nous effrayer.

Nous nous regroupâmes autour de lui et je pus examiner l’armure qu’il portait, c’est-à-dire la dernière couche du cercueil. Elle avait pour nom scientifique Armure de Jade Fileté d’Or, mais j’ignorais pourquoi, toutes les pièces de jade étaient devenues noires. Je me penchai pour regarder de plus près et quelle ne fut pas ma stupéfaction en voyant la poitrine du mort se soulever et retomber comme s’il respirait encore. Le bruit de son souffle était si distinct que pour un peu, j’aurais pu voir un nuage d’humidité sortir de son nez.

Surpris, Poids-lourd ouvrit grand la bouche :

― On…on dirait… on dirait que ce putain de truc est vivant !

Notes explicatives : 

(1) Le marquis Yi de Zeng a vécu durant la Période des Printemps et Automnes. Sa tombe a été construite vers 433 avant J.-C, probablement au début de la Période des Royaumes Belligérants.

(2) Soit 480 Kg



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