Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 139 – Petit-déjeuner
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 139 – Petit-déjeuner

Une autre déclaration sur le fait de ne vénérer que la Lune et non la Déesse ? Klein avait le regard de quelqu’un qui réfléchit.

La dernière fois qu’il avait entendu parler de ce genre de choses, c’était lorsqu’il se renseignait sur l’École de Pensée de la Vie. Il ne s’attendait pas à ce que le Roi Chaman, qui avait vécu toute sa vie sur le Continent Sud, ait un point de vue similaire.

Lors de l’Âge Pâle, à la fin de la Quatrième Époque, la Mer Furieuse était véritablement devenue une réalité. Les Continent Nord et Sud s’étaient retrouvés coupés l’un de l’autre et au début de la Cinquième Époque avait été créée l’École de Pensée de la Vie. Manifestement, celle-ci n’avait pu s’étendre jusqu’au Continent Sud avant que Roselle n’envoie ses hommes à la recherche d’une route maritime sûre.

Klarman , le Roi Chaman, était un personnage historique actif à une époque précédant de plus de mille ans l’invasion du Continent Nord.

En d’autres termes, les deux factions Transcendantes – qui vivaient sur des continents différents – n’avaient aucun moyen de communiquer entre elles mais avaient choisi, à peu près à la même époque, de vénérer la Lune elle-même et d’ignorer la Déesse de la Nuit Éternelle.

Devant une telle coïncidence, il était naturel de se poser la question du pourquoi.

Se pourrait-il que la naissance d’une nouvelle divinité ait ôté à la Lune une partie de son autorité ? Pourtant, si c’est une divinité, elle ne devrait pas être aussi obscure et si peu connue… Si je comprends bien, même si la Déesse a arraché à la Lune son autorité, les disciples du Dieu Lune primordial ont survécu depuis la Quatrième, voire la Troisième Époque et lorsque les deux continents ont été séparés, ils ont formé deux groupes : l’un dirigé par le Roi Chaman, l’autre par l’École de Pensée de la Vie ?

Klein manquait d’indices pour réduire la portée de son hypothèse, aussi renonça-t-il a y réfléchir dans l’immédiat et parcourut rapidement le reste du contenu du Livre des Secrets.

Dans le préambule, le roi Klarman écrivait sans ambages que bon nombre des rituels, actes, astromancie et techniques d’invocation figurant dans l’ouvrage étaient issus d’un culte primitif de la lune et il décrivait en détail les titres honorifiques correspondants : La seule et unique lune rouge, symbole de vie et de beauté, mère de toutes les forces spirituelles.

En voilà un titre honorifique ! Cependant, il y manque les mentions les plus populaires comme celles de la Déesse de la Nuit Éternelle ou de la Terre Mère… Si vraiment ce dieu caché existe, ses disciples ont nécessairement créé un titre plus simple pour s’adresser à “Lui”, plus approprié à la louange que le culte de la lune primitive… Se dit Klein en analysant les faits d’après ses connaissances en occultisme. Selon lui, quelque chose dans tout ça n’était pas normal.

De plus, recourir à la Dame du Cramoisi pour organiser un rituel le dirigerait de toute évidence vers la Déesse. Il faudrait, pour contourner celle-ci, utiliser un titre honorifique très similaire mais plus détaillé qui ferait en sorte que le rituel s’adresse à la source de leur pouvoir – la lune primitive… Je me demande de quelle entité mystérieuse il s’agit… pensait le jeune homme, à la fois curieux et inquiet.

Comme il manquait de temps, Klein survola les détails et constata que, comme le Roi Chaman l’avait dit, beaucoup d’actes et de rituels étaient adressés à la Lune.

Comme ce n’était pas pour lui un sujet d’inquiétude, il n’avait pas l’intention de les copier en bloc et de finir par provoquer la lune primitive dont il ne savait absolument rien. Ce qu’il voulait apprendre, c’était la structure globale, la conception et les détails des actes et des rituels.

Ce n’était qu’en maîtrisant les règles sous-jacentes qu’il pourrait créer ses propres actes secrets, rituels, astromancie et techniques d’invocation destinées au Roi du Jaune et du Noir.

Peut-être que dans un avenir lointain, j’aurai mon propre système occulte…

Klein ôta le pendule de son poignet et s’assura de l’authenticité du Livre des Secrets.

La réponse était claire. Il ne se précipita pas à utiliser la caractéristique Transcendante du Loup-garou pour procéder à une divination au sujet d’une formule. Après tout, il n’était pas en mesure de la vendre et pour la même raison, il décida de différer ses recherches sur la Bouteille de Poison Biologique.

Le jeune homme retourna rapidement dans le monde réel et tira les rideaux. Le soleil peinait à éclairer la terre. Caché derrière les nuages et le brouillard, il semblait un peu pâle.

Soudain, Klein porta la main à son nez et éternua.

Il réalisa alors qu’il avait la tête douloureuse et le front brûlant. Il se sentait étourdi. De toute évidence, il avait attrapé un rhume.

Je suis Transcendant de Séquence 7 et me voilà malade… pensa-t-il en prenant un morceau de papier et en reniflant.

Il réfléchit un moment et en comprit rapidement la raison.

Les effets négatifs de la Bouteille de Poison Biologique affaiblissaient progressivement son possesseur et provoquaient une maladie ! Si celui-ci la gardait sur lui plus longtemps, elle pouvait même entraîner sa mort et les sceaux spirituels ne pouvaient rien contre ça !

La nuit précédente, après le combat, le jeune homme n’avait presque plus d’énergie spirituelle. Malgré sa faiblesse due au poison, il avait emporté le flacon et était resté caché une demi-heure dans la Cathédrale du Levier…

Le temps de rentrer rue Minsk, il était fâcheusement tombé malade.

Heureusement, ce n’est pas grave… Ça n’affecte rien…

Il éternua de nouveau tandis qu’il se préparait à prendre un bain chaud.

Après s’être lavé le visage et rincé la bouche, il se fit frire un œuf pour se récompenser. L’odeur en était vraiment alléchante.

Le jeune homme prit place à table :

Le Livre des Secrets du Roi Chaman et la Bouteille de Poison Biologique, un objet occulte non moindre que la Broche du Soleil, et la caractéristique Transcendante d’un Loup-garou de Séquence 7. J’ai fait un sacré massacre cette fois… Dommage que je n’aie pas pu récupérer la caractéristique du Zombie… se dit-il tout en mangeant.

Cela dit, il avait mal d’avoir utilisé onze balles Transcendantes d’une valeur de près de dix livres chacune !

J’ai brûlé une centaine de livresJ’ai littéralement jeté cet argent pour créer des dégâts… Pas étonnant que la plupart des Transcendants de basse et moyenne Séquence soient si désespérément en quête d’argent…

Klein baissa les yeux sur son petit-déjeuner qui ne lui coutait que quelques Pences.

Son repas terminé, il lut paresseusement ses journaux. De temps à autres, il éternuait et s’essuyait le nez et la bouche avec un mouchoir en papier.

La cloche de l’église venait de sonner huit heures lorsque la sonnerie de la porte d’entrée retentit.

Klein ne fut pas surpris de voir le journaliste Mike Joseph.

Le reporter aux beaux yeux bleus, à la fine moustache mais à la peau plutôt rugueuse, ôta son chapeau, le salua et alla droit au but.

– « Détective Moriarty, avez-vous du temps pour cette mission ? »

Bien qu’enrhumé, Klein se devait, s’il ne voulait pas attirer les soupçons, d’accepter les missions proposées comme si de rien n’était. La dernière venant de prendre fin, il répondit :

– « Je suis un peu souffrant mais cela n’a aucune incidence sur mes capacités de combat ou de tir. »

– « Merci pour votre aide », répondit Mike en souriant.

– « Allons-y tout de suite. »

– « Mais j’y pense, Détective Moriarty, avez-vous pris votre petit déjeuner ? Je vous l’offre. En tant qu’employeur, je me dois de vous payer vos repas aujourd’hui. »

Vous m’invitez à prendre un petit-déjeuner ? pensa Klein, surpris.

– « Je viens de terminer, cela dit, je vous conseille d’aller prendre le vôtre dans le Quartier Est. Vous y verrez beaucoup de choses. Pour ma part, je prendrai juste une tasse de café. »

– « … Pas de problème », fit Mike en désignant la porte. « La voiture que j’ai louée nous attend. »

Klein le regarda des pieds à la tête :

– « Monsieur, vous feriez mieux de mettre quelque chose d’un peu moins classe, sans quoi je risque d’avoir du travail. »

Mike baissa les yeux sur son manteau de tweed :

– « C’est trop voyant ? »

– « Nous allons dans le Quartier Est. J’ai ici des vêtements à cet effet… voyons, nous sommes à peu près de la même taille. »

– « Vous êtes vraiment un professionnel », ne put s’empêcher de s’exclamer Mike.

Un criminel professionnel ? Railla le détective pour lui-même.

Les deux hommes revêtirent des tenues d’ouvriers, puis montèrent en voiture et prirent la direction de la périphérie du Quartier Est.

Atchoum !

Klein prit un autre mouchoir en papier, s’essuya la bouche, le nez et se moucha. Puis, comme il n’y avait pas de poubelle à proximité, il le plia soigneusement et le remit dans sa poche.

– « Ce café sert une nourriture tout à fait correcte. Bien évidemment, pour les habitants du Quartier Est », dit notre détective sur un établissement au coin de la rue.

Il venait y prendre son petit-déjeuner chaque fois qu’il passait la nuit dans son studio situé non loin.

– « Ça m’a l’air d’un restaurant plutôt correct », répondit Mike qui ne savait pas que c’était un café.

Il était plus de neuf heures et les clients peu nombreux. Dès sept heures, les habitants du Quartier Est avaient terminé de déjeuner et étaient déjà partis au travail ou à la recherche d’un emploi.

Lorsque Mike eut commandé du ragoût de bœuf aux pommes de terre, du pain et du café, Klein chercha une place près de la fenêtre.

Soudain, il aperçut une connaissance, l’homme âgé qu’il avait aidé en se faisant passer pour un journaliste.

C’est lui qui m’a fait connaître cet endroit… Pourquoi ne prend-il son petit-déjeuner que maintenant ?

Pensif, Klein se tourna vers Mike :

– « Vous avez une personne à interviewer », dit-il en dirigeant sa tasse de café vers le « vagabond ».

L’homme portait la même veste épaisse que la dernière fois qu’il l’avait vu. Ses cheveux grisonnants étaient gras et sa barbe visible. Cependant, il n’avait plus l’air fatigué et son visage n’était plus aussi effroyablement pâle.

– « Bonjour, ravi de vous revoir », dit Klein en s’asseyant en face de l’homme.

Il remarqua au passage que son petit-déjeuner se composait de pain noir accompagné d’une grande tasse de thé bon marché à un penny.

Le vieil homme leva la tête, le regarda attentivement et parut agréablement surpris :

– « C’est vous, monsieur le journaliste ? »

… Klein eut un petit rire sec et, désignant Mike, lui dit :

– « Voici mon collègue qui souhaiterait faire une enquête plus approfondie sur ma précédente interview. »

En journaliste expérimenté et bien informé, Mike se contenta de sourire à l’adresse de l’homme âgé.

Il savait très bien que Moriarty s’était fait passer pour un journaliste étant donné que c’était lui qui avait prêté sa fausse carte de presse !

– « Ainsi vous êtes vraiment un journaliste ! » dit l’homme, étonné. « Mais cela ne vous empêche pas d’être une personne au grand cœur ».

Klein eut un sourire :

– « Comment allez-vous ces derniers temps ? »

Le vieil homme but une gorgée de thé :

– « Grâce à vous, j’ai enfin pu passer une bonne nuit de sommeil et manger à ma faim, ce qui m’a permis de reprendre des forces. J’avais l’intention de revenir à mon métier de cordonnier mais ils n’ont pas voulu de moi. Ils m’ont dit que mes mains tremblaient…

Il baissa la tête, eut un petit rire et ne s’attarda pas sur cet épisode.

– « Par la suite, je suis descendu sur les docks et j’ai trouvé du travail. C’était fatigant, mais au moins j’ai gagné de l’argent. J’ai déjà loué un endroit pour dormir chez un habitant pour six pence et demi par semaine, mais évidemment, c’est uniquement pour la nuit.

« Eh bien, c’est comme ça qu’on travaille sur le quai. Ce matin, j’y suis allé de bonne heure et sans rien manger. J’ai levé la main, crié mon nom et celui du superviseur mais je n’ai pas été choisi, aussi ai-je dû revenir ici.

« Heureusement, j’ai encore une chance dans l’après-midi. Les gens du matin seront peut-être occupés jusque tard et ne nous disputerons pas ces postes. »

Klein écoutait tranquillement. De temps à autres, il buvait une gorgée de son mauvais café. Mike, quant à lui, s’empressait de prendre des notes.

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