Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 127 – Le passé
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 127 – Le passé

N’êtes-vous pas en train de me compliquer la tâche ?

En entendant la suggestion d’Aaron, Klein faillit tracer sur sa poitrine le signe de la lune cramoisie, mais il se reprit et répondit d’un air très sérieux :

– « Quelque chose dans mon comportement vous a peut-être induit en erreur mais il faut que je vous dise : on ne change pas de foi comme ça. »

Aaron leva les bras en un geste d’excuse.

– « Je suis désolé de m’être mépris sur votre fidélité. Je n’aurais pas dû prendre votre foi à la légère. Cela dit, le fait que nous n’ayons pas les mêmes convictions ne nous empêche pas de devenir amis. »

Klein effaça de son visage l’expression qu’il avait volontairement prise et sourit :

– « Ce qui n’est pas le cas à Feysac et à Feynapotter. Ils ne tolèrent qu’une seule foi. »

En comparaison, avec toutes ces Églises qui coexistaient depuis plus de quatorze cents ans, Loen et Intis étaient beaucoup plus ouverts à cet égard.

Avant qu’Aaron ne puisse répondre, il changea tranquillement de sujet :

– « Avez-vous revu Will Auceptin, le gamin amputé d’une jambe et qui vous a dit que votre chance allait tourner au pire ? »

De façon certaine, les Faucons de Nuit suivraient les indices fournis par Aaron, aussi était-il curieux de savoir si l’enfant qui était à l’origine de la malchance du médecin était toujours en possession de la carte de tarot.

– « Non, je ne l’ai pas revu depuis qu’il a quitté l’hôpital », répondit fermement Aaron.

Dommage. Les Faucons de Nuit ne peuvent trouver son adresse dans les dossiers de l’hôpital et il ne serait pas opportun pour moi de m’impliquer… Cela dit, l’enfant a peut-être déménagé depuis un moment.

Après un bref échange avec Aaron, Klein allait se rendre au stand de tir situé au sous-sol pour se familiariser avec le revolver remis en cadeau et des balles ordinaires lorsque deux autres de ses connaissances arrivèrent.

L’une était Mme Mary, membre du Conseil National de la Pollution Atmosphérique et actionnaire de la Société Coim, et l’autre Stelyn Sammer, la propriétaire du jeune homme. Elles portaient toutes deux des jupes relativement légères qui les faisaient paraître beaucoup plus jeunes.

Comme le règlement ne permettait à un membre d’emmener qu’une seule personne, la femme de chambre de Mary et son garde du corps durent rester à la réception.

Klein les salua poliment et les félicita par courtoisie :

– « Mesdames, vous êtes toujours aussi belles mais il y a quelque chose de différent dans votre beauté. »

Mary, qui avait été en contact avec de nombreuses personnalités ces derniers temps, eut un sourire :

– « Roselle disait que l’exercice est nécessaire dans la vie. Or Stelyn est toujours à la maison à s’occuper de choses futiles. Lorsqu’elle sort, c’est pour se rendre à des réceptions ou à l’opéra. Comme sa santé décline, je l’ai amenée ici jouer au tennis et au squash. »

En tournant son visage aux pommettes saillantes, elle aperçut un membre de la Chambre des Communes et deux députés de la grande région de Backlund. Se tournant vers Stelyn elle lui dit : « J’aperçois des connaissances. Veuillez m’excuser, je vais les saluer. Attendez-moi à la bibliothèque. »

– « Entendu. »

Sans l’ombre d’un doute, Stelyn était beaucoup plus jolie que son amie mais semblait très respectueuse et docile face à elle.

Lorsque Mary se fut éloignée, elle releva légèrement le menton et regarda Klein :

– « Vous semblez très occupé ces jours-ci, M. Moriarty. »

– « Oui, je travaillais avec d’autres détectives pour aider la police dans l’affaire des meurtres en série. Nous leur avons apporté une contribution non négligeable et touché une prime plutôt conséquente », répondit le jeune homme avec sincérité.

Mme Sammer porta la main à sa bouche :

– « Vraiment ? À quoi ressemblait le meurtrier ? Pourquoi a-t-il tué ces dames ? Les journaux sont restés très vagues. »

– « Je suis désolé, je dois me conformer à la clause de confidentialité », répondit Klein, éludant habilement la question.

Je ne peux tout de même pas vous dire qu’il était couvert de fourrure noire, avait une queue lisse et luisante et se plaisait à courir à quatre pattes… Railla-t-il en son for intérieur.

Stelyn hocha la tête à regret, puis, curieuse, demanda :

– « Et combien avez-vous touché ? »

– « Nous nous sommes partagés la prime », répondit évasivement Klein.

– « Cinquante livres ? » Insista Stelyn.

« Oui », répondit “honnêtement” Klein.

Mme Sammer eut un sourire :

– « Vous gagnez beaucoup plus que je ne l’aurais cru. Vous devez être très compétent. »

– « Cela n’a rien à voir. Il peut se passer des années avant qu’un détective ne tombe sur un tel cas », répondit Klein.

– « Quoi qu’il en soit, vous avez prouvé vos compétences. » Le regard pensif, Stelyn ajouta : « Dimanche prochain, Luke et moi organisons une fête à la maison. J’espère pouvoir compter sur votre présence. Euh, pardon. Je suis trop présomptueuse. Je vais demander à ma domestique de vous porter une invitation. Il y aura beaucoup de jeunes filles célibataires dont les pères ou mères ont des emplois décents et le revenu familial est supérieur à 200 Livres par an. Certaines d’entre elles travaillent à temps partiel depuis leur domicile, comme par exemple les dactylos. Ce sont toutes d’excellentes femmes ».

C’est… c’est une soirée de rencontres arrangées… Mme Sammer approuve ma capacité à gagner de l’argent en tant que détective et envisage de me présenter à une fille ? Mais à ses yeux, suis-je seulement fait pour être avec une femme de ce niveau ?

De nombreuses pensées traversaient l’esprit de Klein mais compte tenu de la nécessité de maintenir leur amitié de voisinage et de l’ennui d’avoir à préparer lui-même son dîner, il accepta en souriant.

– « Sauf imprévu, je serai à l’heure. »

– « Dans ce cas, Luke et moi attendons votre visite. »

Sur ces quelques mots, elle s’éloigna et se rendit à la bibliothèque du club, tandis que notre détective allait s’entraîner au tir et à l’exercice de ses pouvoirs dans le petit stand de tir fermé.

Il était 21 heures. Klein, assis à son bureau, regardait la lune cramoisie percer progressivement les nuages pour se révéler toute entière.

Le “voile” rouge clair, semblable à de l’eau, s’étendait lentement et les minutes s’égrenaient. À 22 h 15, il entendit des supplications irréelles qui semblaient se superposer et devina sans peine qu’il s’agissait de La Magicienne.

Il ferma les rideaux, éteignit les lumières, fit quatre pas dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et se transporta au-dessus de la brume grise. Là, il tendit la main pour toucher l’étoile cramoisie qui rétrécissait et se dilatait.

En une fraction de seconde, la silhouette brumeuse de Fors apparut sur la chaise ornée du symbole représentant des portes en superposition.

Elle laissa échapper un soupir de soulagement, se leva et s’inclina :

– « Honorable M. Le Fou, une fois de plus, vous m’avez sauvée. »

– « Il n’y a pas lieu de s’inquiéter », répondit Klein d’un ton particulièrement léger et décontracté.

Restée sans voix, la jeune femme se rassit et se mit à réfléchir à ce qui venait de se passer.

Quant à Klein, soucieux de préserver son image, il ne prit pas l’initiative d’aborder un quelconque sujet.

Dans l’imposant palais qui évoquait la demeure d’un géant, le silence devint rapidement le thème principal.

Lorsque Fors reprit ses esprits, elle eut soudain l’impression d’une atmosphère un peu oppressante qui la mettait mal à l’aise.

Durant les réunions, il y a toujours Miss Justice, Mr. Le Monde et compagnie. Il n’y a donc pas à redouter un silence complet, mais à présent, je suis seule avec M. Le Fou. Que dois-je faire ? Cette pression est étouffante ! Je dois dire quelque chose, il le faut. Je ne peux pas rester assise là comme une idiote… C’est M. Le Fou ! Il ne se soucie certainement de rien, mais moi je suis si nerveuse et limitée ! Se dit Fors qui avait soudain l’impression de se retrouver seule avec son patron au moment de son entrée dans la vie active.

Bien que Klein ne fût pas un Spectateur, il percevait clairement la retenue et le malaise de La Magicienne. Il eut un sourire :

– « Peut-être pourriez-vous me dire comment vous êtes devenue Transcendante. »

Dites-moi, par exemple, comment vous vous êtes procuré la formule de l’Apprenti et ce bracelet… Ajouta-t-il pour lui-même, étant donné que c’était la véritable question qu’il tentait d’aborder.

Fors se détendit un peu et fit appel à ses souvenirs.

– « C’était il y a presque trois ans. J’étais fraîchement diplômée de l’École de Médecine de Backlund.

« Avec l’aide de mon père, je suis entrée dans une clinique privée offrant d’assez bons avantages. À l’époque, mon père était déjà installé à Balam Est.

« Après la découverte d’une route maritime sûre vers le Continent Sud, la jeunesse éminente du royaume a commencé à étendre ses empreintes aux quatre coins du pays. Mon père, un officier militaire de grade inférieur, est parti courir après la richesse et le pouvoir à Balam Est. Ma mère et moi sommes restées à Backlund et avons vécu comme veuve et orpheline. Il fallait des mois pour qu’une lettre venue de loin et envoyée par bateau n’arrive à destination.

« Cette situation n’est pas rare au sein du royaume. J’ai connu un vieux monsieur qui avait cinq enfants, mais ils vivaient soit dans l’archipel, soit à Balam Ouest, soit dans la vallée de la Paz, soit dans les Plaines de l’Haagenti. Ils ont leur propre carrière, leur propre famille, et leur propre richesse, mais ils ont oublié qu’ils avaient un père qui attendait depuis longtemps leur retour.

« Lorsque j’étais au collège, ma mère est tombée gravement malade. Je n’ai eu d’autre choix que de la regarder mourir sur son lit d’hôpital et mon père a mis un mois à répondre à ma lettre et m’a fait savoir qu’il avait une nouvelle famille et une nouvelle vie à Balam Est. Il m’a cédé tous les biens qu’il possédait à Backlund, plus un peu d’argent. Je pense qu’il se sentait un peu coupable ».

Auteur de romans à succès, Fors était passée maître dans l’art du récit décousu.

Klein n’ayant rien à faire, il écoutait tranquillement sans l’interrompre.

Fors soupira et poursuivit : « Bref, mon père m’a faite entrer à la Clinique Yosifov par l’entremise du club des anciens combattants. Le salaire était très avantageux et je m’en sortais plutôt bien, mais j’étais un peu inquiète pour l’avenir. J’ai donc travaillé dur pour apprendre des médecins chevronnés et pour économiser de l’argent jusqu’à ce que je rencontre une vieille dame qui venait me voir régulièrement.

« Elle était très seule, n’avait pas d’enfants et son compagnon était décédé depuis dix ans. Comme j’avais de la sympathie pour cette dame, je bavardais souvent avec elle et lui tenais compagnie.

« Un jour, j’ai découvert avec surprise qu’elle pouvait traverser les murs. Un nouvel univers s’est alors ouvert à moi.

« Cette vieille dame m’a dit qu’elle tenait cela de son mari. Elle m’a vaguement expliqué qu’à moins d’appartenir à une famille, il n’y avait apparemment pas de malédiction.

« Peu de temps après, alors qu’elle était très malade et sur le point de mourir, elle m’a demandé si je voulais devenir comme elle. J’étais très jeune à l’époque et j’avais encore beaucoup de fantaisies dans la tête, aussi ai-je accepté sans hésiter.

« Elle m’a donné la formule, puis elle m’a dit de surveiller son corps après sa mort et d’emporter l’objet lumineux que je verrais apparaître. Ce qu’elle m’a laissé pouvait être utilisé comme ingrédient principal d’une potion.

« Elle m’a aussi donné ce bracelet en me recommandant de ne l’utiliser qu’en cas de danger extrême. Elle m’a également conseillé de ne pas prêter trop d’attention aux délires que je pourrais entendre durant la pleine lune.

« Malheureusement, je n’ai pas su éviter le danger. Dès la première utilisation, les divagations ont empiré. »

Il semblerait qu’il s’agisse de la veuve d’un Abraham… Elle a tiré parti de sa propre expérience pour prouver que la “malédiction” n’existait que dans la lignée du sang…

– « Une fois que vous serez devenue une Transcendante de Haute Séquence, ces délires n’auront plus guère d’effet sur vous. »

– « Je l’espère », répondit la jeune femme qui, même si elle ne pensait pas pouvoir devenir une Transcendante de Haute Séquence, avait confiance en Le Fou.

C’était à nouveau lundi. Aussitôt levé, Klein descendit au salon et vit sur la table basse une feuille de papier sur laquelle il était écrit :

« C’est efficace. »

Parfait, pensa-t-il en soupirant de soulagement.

À quatorze heures quarante-cinq, il se rendit au-dessus du brouillard pour “préparer” la nouvelle réunion du Club du Tarot.

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