Un sourire malicieux se répandit sur les lèvres du roi.
“En fin de compte, le duc n’aura d’autre choix que de s’en remettre à ma clémence. Même s’il parvient à trouver un moyen de s’en sortir, cela ne m’infligera aucun mal. Ne serait-il pas délicieux de regarder cet homme se débattre pour échapper à cette situation difficile ?”
“…Je ne savais pas que vous étiez profondément mécontent du Duc.”
“Je n’ai aucune considération pour l’or que génère le Duc de Croix. Cependant, je suis profondément vexé par les conflits ennuyeux qu’il provoque.” Le roi se renverse sur sa chaise et pousse un long soupir. “C’est la troisième fois cette année que l’attitude hostile du duc a failli dégénérer en une guerre totale. Le pouvoir du duc doit s’atténuer un peu. Je vais profiter de l’occasion pour l’attraper.”
Riftan ravala les pensées cyniques qui lui traversaient l’esprit. Un monstre capable de terroriser le monde entier est en train de se réveiller, et pourtant le roi élabore un stratagème politique absurde…
Est-ce que tout ce qui se passe dans l’esprit des puissants implique toujours une lutte pour des intérêts inavoués ? demanda intérieurement Riftan avec dégoût.
“Puis-je savoir la raison pour laquelle vous me révélez cela ?”
“Si tu es chargé d’enquêter dans les Monts Lexos, tu devras souvent pénétrer sur le territoire du Duc. Je ne veux pas que le Duc ait le temps de manigancer des choses quand j’ai le dos tourné. Autant que possible, je veux que tu fasses attention à ce que cette information ne parvienne pas à ses oreilles.”
Même s’il faisait un effort dans ce sens, ce n’était qu’une question de temps avant que cette information n’arrive aux oreilles du Duc, étant donné qu’elle avait été discutée lors de la réunion des Sept Royaumes pour le Traité de Paix. Cependant, au lieu de le faire remarquer, Riftan hocha la tête et se leva de son siège.
“Je m’assurerai de garder cela à l’esprit.”
“Je n’ai pas encore dit que tu pouvais te lever.”
Le roi Reuben a grogné en arborant une expression maussade. Riftan se pencha et s’inclina respectueusement.
“Je souhaite me changer de mes vêtements trempés par la pluie et couper notre conversation ici. Sa Majesté donnera-t-elle à son humble sujet la permission de se reposer ?”
Le menton du roi commença à s’agiter comme s’il était sur le point de se vexer, mais il agita rapidement la main en signe de résolution. “Très bien. J’ai divulgué tout ce que j’avais l’intention de dire, tu es congédié.”
Riftan hocha une fois la tête, ramassa son manteau qui était accroché au mur et quitta la pièce. Le bruit de la pluie devenait de plus en plus fort.
Je vais utiliser la pluie comme une excuse pour rester à l’écart pendant un jour ou deux.
Il regarda le ciel brumeux à travers les fenêtres du couloir et accéléra ses pas. Il semblait que l’hiver allait encore être rude cette année.
***
Des montagnes sombres et déchiquetées émergeaient des forêts denses et brumeuses comme des tours de château. Riftan observa son environnement tout en tapotant Talon, qui piétinait anxieusement. Un vent froid et féroce soufflait dans toutes les directions et des corbeaux à la recherche d’une proie étaient perchés sur les branches des arbres dénudés. Il leva les yeux vers les oiseaux qui tournaient au-dessus d’eux avec déplaisir, on aurait dit qu’ils espionnaient les intrus. Le prêtre qui les accompagnait, qui regardait tout le temps autour de lui, déclara d’un air renfrogné.
“Je pense que nous devrions faire demi-tour. Les barrières sont trop fortes, c’est le plus loin que nous puissions aller.”
“Nous ne pouvons pas faire demi-tour alors que nous sommes allés si loin. S’il n’y a pas de passage par ce chemin, nous devrions trouver un autre chemin.”
“Cela ne sert à rien. Nous errons dans la même zone depuis quatre jours. Une puissante magie intervient, je ne peux pas trouver le chemin des montagnes avec mes seules capacités.”
Bien qu’il soit consterné, le prêtre avait raison. Ils tournaient autour du même endroit encore et encore. Malgré une navigation prudente en utilisant le soleil pour s’orienter, ils finiront par se rendre compte et se retrouveront à se déplacer dans la direction opposée.
Riftan a tourné la tête pour regarder les visages d’Elliot Caron et de Lombardo. Aucun d’eux ne semblait montrer de signes d’épuisement, mais ils devaient être fatigués d’avoir campé et combattu fréquemment des monstres pendant plus de quinze jours. Il finit par soupirer de résignation et fit faire demi-tour à son cheval.
“Bien. Rentrons en ville pour l’instant.”
Lorsque le prêtre entendit qu’ils s’en sortaient, il tendit les bras vers les cieux et murmura une prière de gratitude. Riftan a fermé les yeux sur la scène et a éperonné son cheval. Heureusement, ils purent s’échapper rapidement des forêts, comme si les forces magiques à l’affût n’étaient pas intervenues alors qu’ils prenaient le chemin du retour.
“Que faisons-nous maintenant ?”
Elliot, qui gardait fermement ses lèvres closes, demanda alors qu’une petite ville entourée de murs apparaissait au pied des collines. Riftan répondit sans ambages en dirigeant son cheval vers les portes.
“D’abord, nous allons attendre l’arrivée des autres. Ils pourraient apporter de nouvelles informations.”
Cela faisait trois semaines qu’il avait été envoyé dans le sud-est, mais tout ce qu’il avait découvert était la forte magie entrelacée dans les forêts brumeuses entourant les montagnes de Lexos. Il n’était même pas capable de trouver un moyen de traverser les bois.
Après avoir vérifié son identité auprès du gardien, Riftan est entré dans le village et s’est installé dans une auberge appelée “La Maison du Voyageur”. C’était un endroit miteux et bruyant, mais beaucoup d’informations pouvaient être recueillies auprès des 30 mercenaires qui y séjournaient. Ils s’asseyaient dans un coin de la taverne, remplissant leur estomac de nourriture si affreuse qu’elle pouvait être donnée aux cochons. La plupart des conversations étaient composées de blasphèmes, de railleries et d’obscénités. Mais de temps en temps, il était capable d’entendre des informations utiles qui révélaient les types de monstres apparaissant dans certaines zones.
Alors qu’il observait les mercenaires, se désaltérant avec une bière fade, quatre hommes au physique robuste entrant dans l’auberge attirèrent son attention. Les yeux de Riftan se sont rétrécis. Les hommes, qui semblaient chercher quelqu’un, se dirigèrent vers la table où il était assis.
“Êtes-vous Sir Riftan Calypse des Chevaliers de Remdragon ?”
Demanda le plus âgé des hommes. Riftan l’a regardé méfiamment de la tête aux pieds. L’homme portait des vêtements propres et une belle armure. “Que voulez vous ?”
“J’ai entendu des rumeurs sur des gens qui ressemblent à des chevaliers qui errent autour des frontières du sud-est, alors je suis venu ici pour vous trouver. Je ne savais pas que vous étiez en fait le commandant des Chevaliers Remdragon…” L’homme a traîné une chaise à côté de leur table sans demander la permission. “Que fait le vassal du roi dans un endroit comme celui-ci ? C’est le territoire du Duc. Ce n’est pas un bon endroit pour se promener sans aucune permission.”
“Vous ne vous êtes toujours pas présenté.” Lombardo, qui avait tranquillement bu, a clamé son mécontentement.
L’homme haussa les épaules et révéla son identité avec une expression agacée sur le visage. “Je suis le vassal du duc de Croix, mon nom est Jared Bayern. Ce domaine est sous ma juridiction.”
“Je m’excuse de ne pas être venu vous demandez votre accord avant de venir ici. Cependant, nous ne sommes pas venus ici pour causer des problèmes.”
Riftan répondit sans ambages et posa un verre devant lui en signe de bonne volonté. L’homme a baissé les yeux sur la bière trouble, puis a lancé un regard méfiant à Riftan.
“J’ai entendu dire que vous avez erré dans les forêts brumeuses ces dernières semaines. Mais qu’est-ce que vous manigancez ?”
“Vous réfléchissez trop. Je suis seulement ici pour gagner de l’argent grâce aux commissions.”
Riftan a légèrement reniflé et a commandé plus de nourriture au serveur qui passait. Jared Bayern lui a répondu avec une expression perplexe.
“Des commissions… ?”
“De la chasse aux monstres. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles les monstres apparaissant dans cette zone valent une somme d’argent précieuse, alors j’ai immédiatement conduit mes hommes ici. Mais ce n’était que des conneries. Ces dernières semaines, je n’ai rencontré que des gobelins et des créatures mortes-vivantes. Cela ne m’a apporté que de grands dommages.”
Une lueur de satisfaction a assombri le visage de l’homme. “J’ai entendu des rumeurs sur votre chasse aux monstres dans les régions de l’ouest… mais je ne m’attendais pas à ce que vous fassiez tout ce chemin vers l’est.”
“Je ne vais pas le cacher, je suis dans une situation financière difficile.”
Riftan cracha, ne montrant aucun signe de honte et versa le reste de la bière dans sa bouche. Bayern le regarde d’un air absent, puis secoue la tête.
“S’il vous plaît, soyez plus prudent avec vos mots. Sir Calypse est le vassal du roi. Jusqu’à quand avez-vous l’intention d’agir comme un mercenaire et de continuer à ternir le nom du roi ?”
Elliot saisit la poignée de son épée dans un accès de rage face aux admonestations présomptueuses de l’homme. Riftan donna un léger coup de pied dans ses bottes en guise d’avertissement et répondit d’un ton maussade.
“Je vais faire comme si je n’avais pas entendu.”
Le chevalier toussa légèrement, sentant l’atmosphère tendue. “Quoi qu’il en soit, levez-vous de vos sièges. Je vais vous conduire à mon château.”
“J’apprécie cette faveur, mais je dois décliner. J’ai encore des hommes qui ne sont pas encore revenus.”
“Je dirai au reste du groupe de venir à mon château à leur retour. Alors, s’il vous plaît, levez-vous maintenant. Le chevalier préféré du roi ne devrait pas être laissé dans un endroit aussi miteux.”
Riftan a parlé mot pour mot, exprimant son agacement. “Une fois de plus, je vais devoir décliner. Je suis venu ici pour une affaire personnelle. Je n’ai pas l’intention de m’endetter auprès du Duc.”
Un regard de gêne passa sur le visage de l’homme devant son refus obstiné. Riftan soupira légèrement, devinant qu’il y avait une arrière-pensée à son invitation.
“S’il y a une faveur que vous voulez me demander, dites-le moi maintenant. Je l’accepterai volontiers si ce n’est pas trop difficile, que cela me serve d’excuse pour avoir erré sur votre territoire.”
“…ce n’est pas une faveur si difficile.”
Bayern prit un verre de bière avec une expression sinistre et en prit une gorgée pour s’humecter les lèvres, puis il grimaça comme s’il n’avait jamais bu une boisson aussi horrible. Il sortit rapidement son mouchoir et essuya le coin de ses lèvres et marmonna. ( Qui t’a dit de boire aussi, crétin )
“Si ce n’est pas trop contraignant, j’aimerais vous demander de vous arrêter au château de Croix sur le chemin du retour pour remettre mon cadeau de fiançailles.” ( Oups )
Le corps de Riftan devint raide comme une pierre, tenant une tasse dans sa main. Pendant un instant, il a eu l’impression que son cœur était tombé à ses pieds. Il baissa les yeux sur la tasse vide avec un regard distant et lui demanda lentement en retour.
“…cadeau de fiançailles ?”
“Des rumeurs circulent sur un mariage impliquant la maison du Duc et la famille royale. Je souhaite offrir un petit cadeau en guise de félicitations au Seigneur.”
“Laquellr est-ce ?”
“Huh ?”
Riftan a lentement expiré. “Je voulais dire laquelle s’est fiancée.”
Pensant peut-être qu’il demandait par simple curiosité, Bayern haussa légèrement les épaules et répondit à sa question avec indifférence. “Peu importe laquelle s’est fiancée. Ce qui est important, c’est qu’il y aura une union entre ces familles, non ?” ( Tu veux mourir toi )
Riftan réprima l’envie de l’attraper par le col et de lui faire rappeler clairement qui s’était fiancé avec force. Il se souvenait que Maximillian Croix aurait du mal à se marier dans la famille royale parce qu’elle avait une santé fragile, alors peut-être que c’était la cadette. Cependant, si c’était elle…
“Acceptez-vous la faveur que je vous demande ?”
Riftan a avalé les blasphèmes qui montaient dans sa gorge. Même s’il avait l’impression de tomber dans un brasier, une voix étonnamment posée sortit de ses lèvres.
“Très bien. Je m’arrêterai au château sur le chemin du retour.”