Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 119 – Le Certificat Notarié
Voilà une offre très généreuse… Se dit Klein qui avait peine à en croire ses oreilles.
Même si les objets les plus précieux sont caractéristique Transcendante de Séquence 5 et le puissant Artefact Scellé aux pouvoirs particuliers, le reste n’est pas trop mal non plus !
Il est impossible qu’une puissance de Séquence 5 n’ait en sa possession que des Artefacts Scellés fournis par l’organisation, et s’il y a en plus un Zombie de Séquence 6 et un Loup-garou de Séquence, le butin sera conséquent !
Klein s’adossa à son siège et fit celui qui réfléchissait afin de réprimer son avidité soudaine.
– « Vos conditions me conviennent », répondit-il avant de revenir aussitôt avec une question : « Qui est Klarman, le Roi Chaman ? Quel genre d’informations contient son Livre des Secrets ? »
Maric se frotta les tempes :
– « Le titre de Roi Chaman désigne soit un emploi de Haute-Séquence, soit une personne exceptionnelle qui contrôle des pouvoirs dans les domaines des ténèbres, de la lune et de l’étrange, une personne qui surpasse ses pairs. Klarman fait partie de ces deux catégories.
« Il était actif sur le Continent Sud au début de la Cinquième Époque puis a complètement disparu. Peut-être a-t-il été traqué par l’Église de la Mort, par notre organisation, ou peut-être est-il mort de vieillesse quelque part.
« Son Livre des Secrets comprend des données sur les pactes secrets, les rituels, l’alchimie, l’astrologie, le symbolisme et les interactions naturelles entre autres sujets. S’il tombe entre les mains d’une personne ordinaire, celle-ci peut même devenir un expert dans le domaine occulte et grâce à son énergie spirituelle naturelle, accomplir un petit nombre de tâches Transcendantes sans avoir à prendre de potions. Mais il y a un prix à payer. Peu à peu, sa santé mentale s’en ressentira, l’énergie spirituelle étant incapable d’en supporter le fardeau. »
Pas mal… C’est précisément ce dont j’ai besoin… Ce n’est pas tant que cette mission soit difficile en soi, mais elle engendrera un certain nombre de problèmes. J’ai affaire à une organisation secrète dont l’histoire remonte à plus de mille ans…
– « J’ai besoin d’un peu de temps pour y réfléchir. C’est une affaire particulièrement sérieuse et dangereuse. Je ne saurais me montrer impulsif.
« Je vous donnerai ma réponse demain matin à neuf heures. Euh…je vous attends chez moi. Vous connaissez l’adresse », dit le jeune homme en regardant Sharron, un peu nerveux en prononçant les derniers mots.
Ils m’ont révélé énormément d’informations secrètes importantes, même des problèmes qui les tourmentent. S’il n’était pas d’accord sur le champ, serait-il réduit au silence ?
À moins qu’ils ne me suivent jusqu’à ce que je me sois décidé ?
Dans ce cas, comment pourrais-je me rendre au-dessus du brouillard gris pour procéder à une divination ?
Sharron le regardait calmement. Ses yeux bleus ne reflétaient ni colère, ni doute, ni émotion.
Soudain, elle sortit d’une poche cachée dans sa robe noire une feuille qu’elle déplia.
Le rectangle de papier, d’un jaune-orangé, était couvert de symboles – dont ceux représentant le soleil – autour d’un espace vide.
Klein se souvint aussitôt de ce dont il s’agissait et cela apaisa ses tensions.
C’était le Certificat Notarié, un objet occulte provenant de Rosago, le Maître Marionnettiste et que Sharron avait récupéré lors de la distribution du butin de guerre.
La pâle et délicate jeune femme tendit le papier à Klein et dit d’une voix suave :
– « Posez votre main ici. Promettez de ne pas divulguer ce que vous venez d’entendre. »
Klein soupira et acquiesça gravement.
– « Très bien. »
Il prit le Certificat Notarié et comme on le lui demandait, posa sa main sur la zone vierge. Puis il réfléchit et dit : « Je promets de ne parler à personne de ce que viennent de m’apprendre de Mlle Sharron et de M. Maric. »
A mesure qu’il prononçait ces mots, les symboles et signes magiques qui ornaient le document s’éclairèrent un à un d’une lueur chaude et vive.
Lorsqu’il eut fini de parler, la lumière forma l’image d’un sceau qui traversa la main du jeune homme et vint recouvrir l’espace vierge sur le papier.
Un courant chaud le parcourut et Klein eut la sensation d’une connexion subtile et invisible entre lui et le certificat. Quelque chose lui revint alors à l’esprit :
La capacité d’imitation du Vieil Œil de Sagesse était bien celle du Notaire …
– « C’est fait », dit-il en rendant à Sharron le document magique.
Celle-ci hocha posément la tête, puis sans un mot, disparut.
Réprimant toujours la malice qui passait dans ses yeux, Maric frappa du doigt sur la paroi de la voiture.
Celle-ci s’arrêta lentement et la portière s’ouvrit.
Des zombies pour conduire le carrosse et des ombres faisant office de préposés… C’est bien le style de Maric…
Après avoir activé sa Vision Spirituelle, Klein ôta sa casquette, la pressa contre sa poitrine, s’inclina légèrement et descendit de la calèche.
C’était une rue tranquille où plusieurs réverbères étaient cassés, mais personne ne les avait réparés.
Klein se rendit d’abord dans son studio du Quartier Est puis retourna au 15 de la rue Minsk. Une fois dans son salon, il feignit de procéder à deux divinations : la première pour savoir s’il devait ou non accepter la mission et la seconde pour savoir si c’était dangereux, et à quel point.
Il ne prêta guère attention à la réponse. Les Spectres, en effet, pouvaient prendre la forme de corps spirituels, ce qui leur permettait d’interagir directement avec le monde des esprits pour obtenir des informations. En d’autres termes, ils possédaient naturellement le pouvoir de divination et d’anti-divination, donc que ce soit par le fait de Sharron ou de Steve, leur cible, la révélation obtenue était soit fausse, soit déviée.
Cela fait, il parcourut les journaux, lut un peu comme il avait coutume de le faire, se rendit dans la salle d’activité pour exercer ses pouvoirs Transcendants puis se lava et alla se coucher. Rien de plus normal.
À quatre heures dix du matin, le jeune homme se réveilla brusquement et bondit de son lit.
Il trouva une bougie, créa un mur d’énergie spirituelle et procéda discrètement au rituel destiné à s’invoquer lui-même !
Puis, il fit quatre pas dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, se transporta au-dessus du brouillard gris, mais ne se précipita pas pour répondre à sa propre prière.
Assis sur la chaise à haut dossier du Fou, il se concentra sur la longue table de bronze et regarda l’Œil Noir, le sifflet de cuivre d’Azik ainsi que la carte de l’Empereur Noir et la silhouette sombre et majestueuse de Roselle tenant un sceptre.
Le coin de sa bouche tressaillit et il tendit la main droite pour retourner la Carte du Blasphème.
Ce que je ne peux pas voir ne peut pas me faire de mal !
Il fit apparaître un stylo, du papier, détacha son pendule de topaze et réitéra ses deux premières divinations.
Lors de la première, le pendule tourna dans le sens des aiguilles d’une montre à une fréquence convenable. Cela signifiait qu’il pouvait accepter la mission mais que ce n’était pas indispensable.
Pour ce qui était de la seconde divination, la topaze, rapidement et avec une grande amplitude, se mit à tourner en sens inverse. Le jeune homme en conclut qu’il y avait du danger, un danger assez considérable, mais que sa vie ne serait pas menacée s’il s’y prenait correctement.
Ouf… Après quelques secondes de silence, Klein se remémora une intuition qu’il avait eue.
Tout Magicien doit peut-être se produire, sans quoi le nom de la potion ne serait pas le Magicien mais le Mage.
« Ne jamais rien exécuter sans y être préparé » implique une préparation mais aussi une performance… Et ce n’est peut-être pas valable qu’en matière de combat… Pour que les deux hypothèses “détourner l’attention ” et “recevoir les applaudissements du public” puissent se concrétiser, il faut qu’il y ait prestation… Si je parviens à trouver la solution appropriée, le déguisement adéquat et si je gère ça parfaitement, l’École de Pensée de la Rose aura bien du mal à me retrouver… pensa-t-il.
Il recoupa ces réflexions avec la révélation qu’il venait de recevoir lors de la divination et prit rapidement une décision. S’adossant à la chaise à haut dossier du Fou, il leva les yeux pour contempler l’antique et imposant palais ainsi que le brouillard qui s’étendait à perte de vue et eut un léger sourire :
Dans ce cas, donnons une grande représentation.
Sur ce, il prit l’Œil Noir, le sifflet de cuivre d’Azik et répondit à ses propres prières.
Le lendemain matin était un jeudi.
Klein, qui avait tout acheté d’avance, se prépara des nouilles Feynapotter maison – qui s’apparentaient davantage à des nouilles accompagnées de sauce à la viande – puis alla prendre les journaux du jour dans sa boîte aux lettres.
Tout en mangeant, il parcourut le Backlund Morning Post et vit une annonce pour une prochaine réunion de Transcendants.
Comme je m’y attendais, une fois les tensions apaisées, les réunions reprennent… pensa-t-il en souriant.
À neuf heures, il jeta un coup d’œil à sa montre à gousset puis se tourna vers la fenêtre en encorbellement :
– « Je suis d’accord pour vous apporter mon aide dans les conditions proposées, mais à la condition que vous me laissiez quelques jours de plus. » Il marqua une pause et ajouta avec un sourire : « J’ai quelques préparatifs à faire. »
Alors qu’il n’y avait personne d’autre que lui dans le salon, une voix irréelle se fit entendre :
– « C’est d’accord. Lorsque vous serez prêt, allez faire un tour au bar. »
…
Dans le bureau du Vicomte Glaint, Audrey, assise sur une chaise, arrangeait la fourrure sur la tête de Susie. Elle se tourna vers Fors et Xio qui sirotaient tranquillement leur verre de vin :
– « Pourquoi étiez-vous si pressées de me voir ici ? »
Bien que ce fût la première fois qu’elle revoyait les deux femmes depuis l’incident avec Lanevus, elle les avait déjà payés par l’intermédiaire de Susie.
Un léger sourire aux lèvre, Audrey, la Télépathe, observait calmement la Magicienne :
Apparemment, Fors n’a pas changé depuis qu’elle a rejoint notre Club du Tarot. Elle est toujours aussi indolente et sarcastique avec Xio. Cela dit, il a en elle quelque chose de différent. Avant, elle était découragée, déprimée et semblait avoir peu d’espoir pour l’avenir, mais à présent, cet aspect d’elle a totalement disparu…
Fors termina son vin et dit :
– « C’est bien de l’Aurmir, le plus célèbre des vins rouges. Il est bien meilleur que tous ceux que j’ai bus jusqu’ici. Il offre différentes sensations bien marquées. » Elle posa sa coupe et reprit : « la réunion où l’on pourrait trouver la formule du Spectateur et des indices sur les Alchimistes en Psychologie aura lieu cet après-midi. »
– « Vraiment ? Pourquoi cette précipitation ? » demanda Audrey, perplexe.
– « Le tueur en série a fait perdre trop de temps à tout le monde », expliqua Fors avec un sourire. « De plus, c’est à la périphérie du Quartier Nord et l’après-midi, les Faucons de Nuit sont plus détendus. »
– « Je vois », répondit Audrey avec un léger signe de tête.
Elle balaya la pièce du regard et soupira intérieurement.
Xio est désormais beaucoup plus calme que Fors.
Le Vicomte Glaint eut un petit rire :
– « Je vous accompagne, Audrey. »
– « Pour quelle raison ? » s’enquit la jeune femme qui connaissait déjà la réponse.
Glaint s’éclaircit la voix :
– « J’ai réussi à me procurer la formule de l’Apothicaire et voudrais l’échanger contre deux ingrédients que je n’ai pas dans ma chambre forte. Au fait, c’est Fors que me l’a vendue. 300 Livres. Elle m’a certifié qu’elle était authentique. »
Audrey jeta un coup d’œil à la jeune femme :
300 Livres… Si je me souviens bien, vous l’avez achetée à M. Le Monde pour seulement 230 Livres…