Livre 4, Chapitre 30 – Diviser pour mieux régner
Le roi dragon brillait de lumière comme une statue d’émeraude. Sa présence remplissait la chambre d’une menace glaciale. Une paire d’yeux verts brillaient d’une lumière interne, fumant de colère, et chaque souffle de la créature agitait l’air autour d’eux. Même dans sa seule respiration, l’arrogance du commandement était évidente.
Un millier d’années. Ce n’était pas un monstre typique. Le roi dragon devait être au moins aussi redoutable que le protecteur du temple.
Le visage d’Autumn était devenu blanc. Barb était abasourdi par la stupéfaction. Personne n’avait prévu que cette créature serait ce qui contrôlait les dragons.
Claudia brisa le silence de stupeur. « Peut-être pouvons-nous convaincre le roi dragon de combattre la Dryade qui nous poursuit. »
Inciter le tigre à manger le loup ? Une entreprise risquée, mais en cas de succès, cela pourrait les sauver d’une situation désastreuse.
« Tu plaisantes ? Nous sommes pris entre eux avec nulle part où aller. La Dryade nous a chassé à travers ce mausolée, et nous ne pouvons pas avancer. Cette chose est déterminée à nous déchirer, alors que sommes-nous censés faire, nous transformer en air ? Même si nous étions capables de nous cacher, nous sommes la cible de la Dryade. Envahisseurs. Le roi dragon a vécu ici-bas avec eux pendant un millier d’années. Qu’est-ce qui te fait penser qu’ils vont se battre ? »
Alors que la marionnette du berger était une machine à tuer sans cervelle, le roi dragon ne l’était pas. Il entendit et comprit tout ce qu’ils disaient. Ses lèvres se retroussèrent en quelque chose qui serait appelé un rictus sur une bouche humaine.
Une aura féroce et tyrannique se dégageait de la créature. Elle se leva lentement de sa position couchée, son long cou maintenu haut, et étira ses ailes cristallines. Chaque centimètre de cette magnifique créature semblait avoir été taillé dans des pierres précieuses.
Elle se préparait à attaquer ! Le roi dragon rugit ! Le son se répercuta sur les murs de la chambre et vola leur volonté, faisant trembler les envahisseurs en sa présence.
Ouvrant sa gueule, une lumière verte se répandit dans la gorge du roi dragon. Le souffle de l’attaque se déversa comme une vague de tonnerre. Cloudhawk et les autres se dispersèrent dans toutes les directions pour l’éviter. Les vrilles vertes du souffle de feu étaient si intenses que le sol de pierre se fissurait sous elles. La caverne entière tremblait violemment.
Aucun quartier n’avait été fait aux envahisseurs. Ils n’avaient aucune chance de se défendre.
Dominant ses enfants, le majestueux roi dragon rugit un ordre. Les petits dragons qui montaient la garde à proximité se jetèrent dans l’action sans crainte. Les bêtes divines étaient plus menaçantes lorsqu’elles s’appuyaient sur la puissance mentale d’un maître, mais une créature comme celle-ci, dont l’âge et les capacités rivalisaient avec celles du gardien du temple, représentait à elle seule une grave menace.
Bien que peu de gens le sachent, Anima inspirait un grand respect à Skycloud. Il avait la capacité de sentir le danger à des centaines de kilomètres dans toutes les directions, ce qui en faisait le parfait protecteur du Temple et, en fait, de toute la ville de Skycloud.
La capacité unique du roi dragon était de contrôler les êtres inférieurs qui lui étaient similaires. Toutes les centaines de créatures qui parcouraient les cieux de la Vallée boisée étaient sous le joug de leur roi. Pas même Autumn et la flûte du berger ne pouvaient briser son emprise. Ce seul fait était suffisant pour prouver à quel point le roi dragon était un adversaire redoutable.
Les bêtes divines n’avaient pas un corps ordinaire. De ce fait, elles ne se reproduisaient pas de la même manière que les autres créatures. Cependant, les dragons étaient des entités naturelles, et après mille ans de reproduction, leur progéniture remplissait les grottes. Ils étaient suffisamment nombreux pour menacer l’ensemble du Conclave du Jugement si le Vale venait à se révolter.
Le vieil homme cria vers Cloudhawk, « Détruis leur chef et le reste suivra. Va t’occuper d’Adder et de l’ancien ! »
Cloudhawk pouvait sentir que la source de cet étrange appel était proche. Adder et l’ancien du Vale devaient être là aussi. En d’autres temps, il aurait pu se téléporter directement là où se trouvaient ses cibles, mais pour l’instant, il y avait un dragon de pierre précieuse devant lui et une hideuse Dryade non-morte derrière. Le vieil ivrogne et Naberius étaient-ils suffisants pour faire face à ces deux menaces à eux seuls ?
Il n’était pas assez fort pour les téléporter tous en sécurité.
« Pourquoi perds-tu encore ton temps ? ! » Naberius lui grogna dessus. « Laisse ce clochard imbibé de vin s’occuper du dragon. Je m’occupe du monstre qui nous suit. Si tu ne veux pas t’attaquer aux chefs, alors meurs et dégage le chemin de tout le monde ! »
La puissance du vieil homme était incontestable. Mais ce psychopathe pouvait-il vraiment s’occuper de la Dryade tout seul ? C’était peu probable. C’était un suicide.
Il n’y avait plus le temps d’hésiter. Six dragons se rapprochaient dans le sillage de l’attaque du souffle de leur roi, prêts à exécuter leurs ordres mortels. Pendant ce temps, le roi dragon restait derrière, préparant un autre souffle. Déjà, ils pouvaient voir une énergie étincelante s’accumuler dans les profondeurs de sa gorge translucide. Se préparait-il à les recouvrir tous d’un souffle de dragon cette fois-ci ?
« Très bien, je vais aller affronter Adder. Prenez soin de vous ! »
La décision était prise, mais ce n’était pas comme s’il avait le choix. S’ils ne faisaient rien, alors ils étaient tous morts. Il ne pouvait pas prendre tout le monde avec lui, mais il pouvait en prendre deux. Donc, il appela Autumn et Azura à lui.
Comme la flûte du berger était inutile ici, elle n’était d’aucune aide dans le combat. Quant à Azura, elle n’était qu’une enfant. Bien qu’elle s’améliore rapidement, elle n’avait toujours pas la force d’un adulte moyen.
Les laisser coincés entre le roi dragon et la Dryade, c’était les laisser sur le chemin de la faux du faucheur. En outre, ils seraient probablement sur le chemin des autres. Alors, il tendit son esprit vers la pierre de phase, la remplit de son pouvoir – et ensuite, les trois disparurent de la vue.
Sur ce, le vieil homme sourit. Il tapota légèrement le sol avec sa canne. Chacun de ses mouvements doux faisait craquer les pierres. Sentant le danger qui émanait de lui, les dragons ne se précipitèrent pas pour serrer leurs dents autour de sa gorge.
Son sourire fendu, aux dents jaunes, ne faiblissait pas. Sa voix rauque appela l’un d’entre eux à ses côtés, « Barb, jeune fille, reste et aide-moi. Les autres, vous pouvez vous occuper de ce monstre qui arrive derrière nous. »
« Alors, nous vous laissons ce lézard envahissant. » Sans autre forme de procès, Naberius retourna en courant vers l’entrée de la grotte. Butcher, Claudia, et les trois novices suivirent.
Barb utilisa sa baguette d’exorciste pour écarter un coup maladroit de l’un des dragons. Elle était curieuse du comportement du vieil homme. « Senior, pourquoi m’avez-vous fait rester derrière ? »
« Ne m’as-tu pas toujours embêté en disant que tu voulais apprendre à te battre comme un Templier ? » répondit-il tièdement.
Une force soudaine l’envahit et elle la concentra sur un dragon. Celui-ci traversa la grotte et s’écrasa contre un mur éloigné. Elle secoua la tête, ébouriffant ses cheveux courts. Une expression sévère fit place à l’excitation et à l’anxiété. « Senior… pourquoi ai-je l’impression que tu penses que tes jours sont comptés ? Ou que tu as l’intention de mourir contre le roi dragon. Ce n’est pas toi qui transmets un héritage, n’est-ce pas ? »
« Arrête cette merde ! Je t’emmerde, je ne t’apprends rien. Oublie ça ! »
« D’accord, attends ! Je vais apprendre ! Bien sûr que je veux apprendre. »
Il brandit sa canne, faisant en sorte que sa lumière dorée se rétracte pour s’envelopper. Peu après, son aura déjà puissante devint plus vigoureuse. Il était toujours infirme, ressemblait toujours à un mendiant avec un pied dans la tombe, et rien n’avait changé sur ce visage lubrique… mais d’une certaine manière, à ce moment-là, il était à nouveau le puissant Saint de la Guerre, invincible avec toute la noble prestance de sa position perdue depuis longtemps.
Rapide… si rapide ! Barb ne vit même pas comment il faisait. Elle aperçut sa canne filer comme une flèche et soudain, l’un des dragons fut projeté en arrière, la tête grande ouverte. Il cloua la bête au mur de pierre voisin.
Son corps scintilla, puis disparut comme un fantôme. Suivant une étrange trajectoire, l’ancien Templier traversa les airs. Il arracha sa canne du cadavre du dragon et, ignorant les autres qui se précipitaient vers lui, les dépassa en direction du roi dragon lui-même. Pendant ce temps, sa voix résonnait dans la caverne.
« Très bien, alors voici ta chance. Ces cinq dragons sont sous ta responsabilité. Tue-les. Ensuite, je t’accepterai comme disciple. »
Barb avait l’impression qu’on lui avait volé son souffle. Comment était-elle censée faire ça ? Cinq contre un et ces dragons n’étaient pas des adversaires faciles. Ils grognaient et sifflaient en direction de l’ivrogne, se préparant à frapper.
Qu’il en soit ainsi. Elle s’endurcit avec un grognement de défi, leva sa baguette d’exorciste et se jeta sur l’ennemi. Les dragons n’eurent pas le temps d’attaquer le vieil homme avant qu’elle ne les rattrape. Elle était sur eux en un instant, fouettant leur milieu comme un vent mortel. La baguette d’exorciste de Barb mit en pièces le crâne du dragon le plus proche.
Les autres rugirent de colère et se concentrèrent non plus sur le vieil homme mais sur la jeune fille qui avait osé les attaquer.
Ailleurs…
Naberius et son équipe arrivèrent à l’entrée de la grotte. Elle était déjà couverte de lianes tordues. Elles s’élançaient comme un millier de serpents depuis les crevasses et les fissures et continuaient à se faufiler à l’intérieur. Au rythme où elles se déplaçaient, la grotte entière serait couverte en quelques minutes seulement.
Claudia fronça les sourcils en examinant la situation. « Nous ne sommes pas assez forts. Nous ne pouvons pas combattre cette chose. »
Naberius répondit par un rire cruel. Il lança des dagues de jet sur l’ouverture, chacune étant reliée à un fil bourdonnant d’énergie. Ils se tissèrent autour de l’entrée jusqu’à ce qu’elle soit couverte par un filet presque invisible. « Peu importe la force si ça n’a pas de tête. »
Claudia commença à comprendre son plan.
Bien que la Dryade soit très forte, elle n’avait pas de réelle intelligence. Elle était sûre de foncer tête baissée vers eux à travers le piège que Naberius était en train de poser. En conséquence, la chose serait immédiatement déchiquetée. Il ne faisait aucun doute que le protecteur du mausolée était fort, mais tout avait ses limites. Ils pouvaient le combattre comme des guérilleros dans le système complexe des cavernes avec l’aide des pièges Shadestring de Naberius.
Chaque fois que la créature revenait à la vie, elle utilisait une partie de sa propre énergie. Finalement, s’ils la tuaient assez souvent, elle ne reviendrait plus. Mais, seul un fou voudrait la combattre de front.
Claudia jeta un coup d’œil à Naberius, le regardant d’un œil nouveau. Oui, il était brutal et assoiffé de sang, mais il était aussi astucieux. Il était assez intelligent pour connaître les bonnes tactiques à utiliser dans un endroit et une situation comme celle-ci. Il était soutenu par la force d’un chasseur de démons de haut rang.
Puis, une couverture d’un vert vibrant apparut à l’entrée de la grotte. Soudain, la zone était vivante avec des vignes vert brillant et des broussailles enchevêtrées qui s’infiltraient le long du sol vers eux comme si quelqu’un avait renversé un pot de teinture.
Ils regardaient, les visages sombres. La Dryade était arrivée ici plus vite qu’ils ne l’avaient pensé.
Rei glapit de surprise, « Il y a un visage dans le mur ! »
Tout le monde suivit son regard vers une scène déchirante. Du bois poussait à travers les fissures du mur, s’enroulant ensemble pour former un visage humain. L’écorce coriace lui donnait l’apparence du visage d’un vieil homme ridé aux yeux grands et larges.
Le visage n’était que le début. D’autres lianes se rassemblèrent pour créer un corps, un homme-plante entièrement formé avec un masque en bois pour cacher ses traits hideux. C’était comme une créature cauchemardesque née des profondeurs de leur psyché qui émergeait simplement du mur.
Un. Deux. Trois. Cinq. Dix. Ils étaient toujours plus nombreux à surgir de la pierre couverte de mousse, aussi nombreux que les feuilles d’un arbre. L’un après l’autre, ils avançaient en rampant, les visages sans expression, dans un flot sans fin.