Fuku No Ikari
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Chapitre 27 – Liens
Chapitre 26 – Imposteur Menu à suivre...

À travers la fenêtre, les nuages sont absents, les oiseaux chantent, l’aube est d’une splendeur magnifique. Cet horizon, que je pourrais admirer sans cesse, me fascine. Je souhaite que les aiguilles du temps se figent pour qu’on me laisse contempler encore un instant ce paysage.

Je jette un œil à ma montre et comprends que je dois rejoindre Ai et Keshi sur la place de notre quartier. Quelques jours auparavant, j’ai lu dans un livre dont je préfère oublier le nom que les feux d’artifice pourraient nous rapprocher. J’ai détruit des liens qui me semblaient incassables, les renouer s’avère compliqué et pourtant, c’est mon nouveau plan que j’ai intitulé.

« Rouge. »

Ce nom m’a paru être le plus adapté à la situation. Après tout, un seul fil est inaltérable, c’est celui du destin.

Je cours dans les escaliers, ouvre la porte en faisant de larges signes à ma mère et commence à traverser les rues du quartier.

— Je dois absolument arriver en premier sur les lieux sinon mon plan va tomber à l’eau et je ne peux accepter ça !

J’accélère le rythme et ne regarde que devant moi. J’aurais sans doute aimé admirer quelques instants la rivière sous le grand pont que j’emprunte, mais je ne peux me le permettre. Afin de me concentrer au maximum, je décide de me remémorer ma stratégie.

Faire profil bas et laisser les dires du livre renouer les liens perdus d’Ai et de Keshi.

Ça semble simple, mais en réalité c’est le plan le plus complexe que j’ai entrepris. Après tout, ce n’est pas dans ma nature de tolérer un facteur inconnu. Être en retrait ne me ressemble pas vraiment non plus et pourtant je pense que c’est en agissant ainsi que les deux filles se rapprocheront.

Une fois sur place, je repère un buisson et me dissimule à l’intérieur pour espionner mes deux camarades qui sont censés me rejoindre l’une après l’autre à cet endroit précis.

Je patiente en laissant les feuilles caresser ma nuque. Mon regard ne se détache pas une seule seconde de mon objectif, le banc face à la fontaine. J’aperçois Tsubaki arriver en première et en jetant un œil à ma montre un sourire se dresse sur mon visage.

Connaissant Tsubaki je savais très bien qu’en lui disant une heure plus tardive elle rejoindrait le point de rendez-vous en avance, j’ai donc dû anticiper ce laps de temps là pour la faire venir à l’heure que je souhaitais. Je l’observe sous un large feuillage qui me sert de camouflage et remarque qu’elle porte un yukata orange avec, encore une fois, des motifs de fleurs de cerisier. Un ruban couleur crème attache sa taille et un autre, cette fois-ci rouge, soutient ses cheveux.

Sa coiffure est une sculpture digne des plus grands.

Alors qu’Ai regarde son téléphone avec un visage paniqué, Keshi fait son apparition. Elle marche à pas de loup et agite la tête à trois-cent-soixante degrés. Elle aussi porte un yukata, mais le sien a l’aspect de l’améthyste et la couture sur sa jambe droite est blanche. C’est certain, sans la connaître elle peut paraître froide ou asociale, mais maintenant que je la considère différemment de l’école primaire, je sais que c’est une excellente harpiste et une amie sur laquelle je peux compter.

Et surtout, c’est une personne rayonnante comme le soleil.

Les deux jeunes filles s’aperçoivent et se regardent dans le blanc des yeux sans dire un traitre mot. Leurs aiguilles se sont figées, leurs pieds se sont enracinés et leurs visages restent vides.

— Qu’est-ce que tu fais-là, bégaie Ai.

— Je patiente que mon rencard arrive. Et toi ?

— Parce que quelqu’un s’intéresse à toi, rit-elle nerveusement. Moi, j’attends mon petit ami.

Je laisse mon front s’écraser dans la paume de ma main et ferme les paupières.

— Évidemment qu’on me trouve de l’importance ! Moi au moins je n’abandonne personne, s’écrie-t-elle en serrant les poings.

Ça va sans doute virer au drame.

— Ah oui ? Moi je ne mens pas et je n’ai même jamais osé le faire !

Je décide de sortir de mon trou et marche silencieusement vers elles en laissant mes oreilles bouchées. Je tousse à deux reprises et les regarde se retourner.

— Tiens, te voilà ! Dis-lui que j’ai bien un rencard ce soir, disent-elles en harmonie.

Je soupire un grand coup en me grattant l’arrière du crâne et leur réponds.

— Oui, oui. Bon, on y va ?

Les deux filles croisent les bras et répliquent en marmonnant.

— D’accord !

Nous empruntons l’une des ruelles qui mènent à la place centrale. Ai et Tsubaki ne décrochent pas un seul mot. C’était à prévoir. Cependant, j’espère que leurs sentiments passés referont surface. Si elles représentent la flamme éteinte de l’âme, je suis une simple allumette.

Nous arrivons dans l’immense lieu, où se dévoilent, face à nous, des tonnes de stands tous colorés et illuminés. L’odeur du sucre monte jusqu’à mes narines et me plonge sur le doux nuage de mon enfance. Malgré mon passé déplorable, j’ai, moi aussi, adoré les friandises. Je remarque les yeux des deux filles scintillent et leurs expressions s’apaisent. Nous nous approchons d’un UFO catcher lorsqu’Ai et Keshi s’écrient, ensemble.

— Je le veux !

N’ayant fait aucune demande en mariage, je comprends qu’elles souhaitent l’énorme peluche nichée sous une tonne d’oursons. Je prends mon porte-monnaie et insère deux pièces à l’intérieur de la machine. Keshi pousse sa camarade et attrape les manettes.

— Tu n’y arriveras pas, dit Ai en tentant de déconcentrer sa rivale.

— Tais-toi, et laisse-moi faire.

Je n’ai jamais observé Keshi avec tant d’attention. Je remarque que des gouttes de sueur apparaissent sur son front et que sa langue se faufile hors de sa bouche.

— Là, encore un peu à droite, s’encourage-t-elle.

— Tu n’écoutes pas ce que je te dis ?

— Je l’ai attrapée !

Le koala, sous forme de peluche, se retrouve coincé entre quatre branches qui le retiennent. Elle se dirige lentement vers la sortie et l’enthousiasme des filles s’intensifie, mais c’est sans compter la vélocité de l’animal qui réussit à s’échapper de sa prison.

— Tu pleureras plus tard, c’est mon tour, s’écrie Ai en repoussant la perdante.

L’actrice agrippe la console et tente à son tour d’accomplir le haut fait. Mais, elle n’y arrive pas. Absorbées par les couleurs et l’ambiance, Ai et Keshi courent vers un autre stand. Elles s’amusent, se concurrencent et prennent leur revanche sur un jeu différent. Je me contente de les suivre sans dire un mot et suis heureux de voir que ma stratégie fonctionne à merveille.

— Ça fait cinq à cinq. C’est une égalité parfaite. Dernière manche, s’écrie Tsubaki.

Épuisé de les suivre, je leur demande en me grattant l’arrière du crâne

— Vous ne voudriez pas plutôt vous arrêter là ? On va rater le feu d’artifice.

— Je suis d’accord.

Nous nous dirigeons vers le grand stade de football à une centaine de mètres et nous installons, non loin des gradins, sous un immense arbre regorgeant de magnifiques fleurs de cerisier. Aucune des deux ne souhaite discuter. Alors je commence en leur demandant d’un ton rêveur.

— Vous aimez les feux d’artifice ?

— Plutôt, oui ! C’est incroyable lorsqu’ils explosent !

— Je te rejoins, j’adore ça aussi, bien que ça me fasse mal aux oreilles.

Nos trois regards se posent sur le ciel obscur. L’une se couche contre mon épaule et l’autre attrape ma main. L’odeur de leurs parfums communs entre dans mes narines. Mon visage s’apaise, mes muscles se détendent. Le silence s’interrompt par la douce voix de Keshi qui, en contemplant les étoiles, prononce.

— Donc l’homme que j’aime s’est envolé.

Elle me fixe et termine.

— Tu vois finalement, tu peux vraiment voler.

De nouveau, l’averse l’assaille.



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