Fuku No Ikari
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J’attrape sa manche et l’amène vers moi. Je me niche dans le doux tissu blanc de sa longue robe et ferme les paupières.

— Sayuri-kun, bégaie-t-elle.

— Où est ton…

— Il est déjà parti, tu ne l’as pas croisé ?

— Je n’y ai pas prêté attention, lui dis-je en relevant le visage vers le sien.

Je contemple sa peau, ses cheveux blond angélique et comme je le pensais, sa seule présence me rend heureux. Lorsque je me retourne, je perçois les devantures des magasins qui proposent des tonnes de décorations toutes plus colorées les unes que les autres. Le ciel est d’une teinte limpide et les fleurs forment un feu d’artifice de douceur.

Grâce à cette proximité, mon monde a changé, un court instant.

Je serre sa main contre la mienne et lui demande.

— Suis-moi !

[…]

Quand j’étais enfant, les élèves m’ont martyrisé, harcelé, frappé, insulté et humilié. Ce sont des choses réelles, mais lorsque j’ai placé Tsubaki sur un piédestal, j’ai effacé les idioties des autres étudiants. Toutes les méchancetés qu’ils m’ont fait vivre s’estompent au simple sourire de Tsubaki. C’est sûrement pour ça que je me suis tant accroché à sa personne. Cependant, en me rejetant d’une manière humiliante, ma fierté et mon être entier se sont pris un coup fatal, un choc si brusque que j’ai lutté énormément de temps pour l’encaisser. Dix ans plus tard, le destin a frappé à notre porte et nous a relié l’un à l’autre. J’ai certes fait des erreurs, mais désormais je ressens les mêmes sentiments que Fuku Sayuri du passé. Son sourire actuel, ses cheveux, sa silhouette, sa gestuelle, tout me rend dingue. Et malgré mes gaffes, je dois me racheter.

Tsubaki reste mon unique lueur d’espoir.

[…]

— Tu cours bien trop vite !

Je porte Tsubaki comme une princesse prisonnière d’une tour et lui réponds.

— Accroche-toi bien, on ne doit pas être en retard !

Je la fais monter dans un train et nous nous dirigeons tout droit vers notre commun, vers notre point de départ. Nous nous installons et commençons à admirer le paysage à travers la vitre. La vitesse nous permet d’observer des tas d’horizons différents. Les montagnes sont gigantesques, les prairies sont plates, l’herbe s’agite à perte de vue. Plus les heures passent, plus le soleil nous abandonne, laissant une nuit ornée d’étoiles lumineuses.

— Regarde, Sayuri-kun, c’est magnifique !

— Oui !

— Et là-bas, tu as vu les éoliennes ? Ça fait longtemps que je n’en avais pas croisé !

— Elles sont immenses !

— Tu as raison, ricane-t-elle.

Sur l’un des panneaux d’affichage, je lis que notre destination est proche.

— Je reconnais ce coin !

J’attrape la douce paume de Tsubaki et lui demande.

— On va s’arrêter à cette station.

— D’accord, mais il est tard !

J’enjambe la sortie entre le train et la gare et m’écris en lui tendant la main.

— Justement, ne trainons pas trop !

— Oui, répond-elle en affichant un large sourire.

Si ma mémoire ne me joue pas des tours, le parc devrait se situer pas très loin.

Sous cette nuit obscure, alors que mes couleurs apparaissent, dans ma vision, très nettes, Tsubaki resserre ses doigts contre les miens et me demande d’une voix appréhensive.

— Que fait-on à Miyazaki ?

— C’est ici !

Tsubaki regarde autour d’elle et fronce les sourcils. Elle s’avance silencieusement et laisse des traces de pas dans le sable. Je m’amuse alors à enfoncer mes chaussures à travers les marques en me réjouissant.

Maintenant, j’ai des pieds plus grands que les tiens.

Elle caresse le bois d’une barrière et se retourne dans ma direction. Ses yeux globuleux à deux doigts de connaître l’averse me fixent. Ses jambes tremblent tant qu’elle perd l’équilibre. Ses genoux s’écrasent sur le sable humide. Lorsqu’elle tend doucement la paume de sa main vers moi, je remarque que son regard s’attendrit.

— Tu es le vrai garçon qui m’a avoué ses sentiments quand j’étais enfant ?

— Oui. Le vrai. C’était juste ici, dans ce parc, à côté de cette balançoire.

Tsubaki serre ses poings et frappe à de multiples reprises le sable en criant. À chaque coup qu’elle porte, la cascade sous ses yeux globuleux s’amplifie. Elle attrape les grains orangés et les jette sans aucune cible apparente.

La rage la ronge.

— Je suis désolé, répète-t-elle inlassablement d’une voix de plus en plus silencieuse.

Je m’approche d’elle en mordant ma lèvre inférieure et m’accroupis. Je caresse ses longs cheveux et je lui demande.

— Pourquoi t’excuses-tu ?

— Parce que j’ai été horrible avec toi, s’exclame-t-elle en frappant le sol d’un coup sec.

J’essuie avec mon index, faisant office de parapluie, ses joues et tente d’interrompre l’averse qui l’assaille.

— Calme-toi, Tsubaki-chan.

— Ai.

Elle renifle et ajoute en amassant du sable dans le creux de sa paume.

— Je m’appelle Ai.

— Oui, Ai-chan.

— Pas de chan ! Juste Ai, s’exclame-t-elle en haussant le ton.

— D’accord, Ai.

Les buissons, la rivière en contrebas, l’arbre gigantesque servant de point de repère, rien n’a changé. Un sentiment nostalgique m’attaque lorsque je balaie l’horizon du regard.

C’est à cet endroit-là que tout a commencé et c’est également ici que tout s’est terminé.

— Fuku ?

— Oui ?

— Pardon.

Elle prend appui dans le sable avec ses jambes et, telle une fusée, décolle et amortis sa chute en m’enlaçant. L’une de ses mains chaudes se niche dans le creux de ma nuque tandis que la seconde caresse mon bras gauche. Serrer l’un contre l’autre, le ciel étoilé nous fascine.

— Le garçon que tu as rencontré au café, il m’a menti.

— Comment ça ?

— Il m’a dit qu’il était Fuku Sayuri, et que nous nous étions connus il y a dix ans. Quand j’ai vu son physique, j’ai eu un déclic dans ma tête et j’ai retrouvé celui que j’ai longtemps cherché. Mais quelque chose m’a paru très étrange. C’est lorsque je t’ai surpris dans les couloirs du lycée, tu as laissé tomber une photo de classe qui venait de l’école primaire où j’étais. Je n’avais pas fait le rapprochement entre toi et le petit garçon. Mais, maintenant que tu m’as amené ici, tout s’est éclairci. Les raisons qui font que l’autre m’a menti, je m’en fous pour être honnête.

— Je comprends, oui.

— J’ai vraiment été horrible avec toi, dit-elle en ravalant sa salive, j’ai été la pire de cette école.

Je reste silencieux et continue de contempler les douces étoiles en harmonie avec sa voix angélique.

— Tu sais, les garçons t’ont toujours harcelé et prendre ta défense était mal vu à tel point qu’on pouvait être insulté pour ça. J’ai longtemps essayé d’être de ton côté, mais rien n’y faisait. Personne ne m’écoutait sérieusement pas même ma meilleure amie. Quand tu m’as avoué tes sentiments, j’étais déstabilisée, j’ai paniqué.

Elle pointe le ciel de l’index et ajoute d’une voix mignonne.

— Je ne m’y attendais pas, c’est certain.

Elle laisse son doigt retomber et continue de caresser mon bras. Chacun de ses va-et-vient le long de mes poils me réconforte et fait battre mon cœur à une vitesse qui dépasse sans doute celle du train que nous avons emprunté.

— Je ne savais plus où me mettre. Ce sont les regards horribles des garçons qui ont décidé à ma place. Je n’ai pas pu faire autrement. Si je ne te rejetais pas, j’allais subir la même chose que toi. Malgré tout, si les aiguilles du temps pouvaient être modifiées, je n’hésiterais pas à changer ma réponse. Mon cœur battait à la chamade pour toi, pour une raison qui m’échappe encore. C’est peut-être pour la force que tu possèdes et que nul autre n’a. Je n’en sais rien, mais une chose est certaine. Je t’ai aimé pendant des années et je n’ai jamais pu me pardonner d’être complice de ton tragique passé.

Elle interrompt ses caresses et donne un dernier coup dans le sable humide avant de déclarer.

— Lorsqu’on m’a appris que tu étais parti de l’école, j’ai versé toutes les larmes de mon corps à tel point que je ne pensais plus être capable de pleurer un jour.

Ai se relève et s’assied entre mes jambes. Elle me fixe avec un regard sensuel puis attrape ma main et la place sur sa poitrine en dressant un large sourire. Son visage s’approche du mien.

Ses lèvres sont à cinq centimètres des miennes.

— Sens-tu mon cœur battre, me demande-t-elle en déposant son index sur ma bouche pour m’empêcher de répondre.

Malgré le sable froid sous mon corps, son parfum fruité envoûte mes narines et ravive ma flamme. Ses doigts se faufilent dans ma nuque et elle me laisse un doux baiser. Nos lèvres entrent en contact et jouent entre elles lentement. L’une de ses mains caresse mes cheveux. Je rapproche Ai contre moi avec ma paume nichée dans le creux de son dos. Ses mèches glissent le long de mes joues. Humidifiées, nos bouches se séparent. Je l’enlace avec une sensation de bonheur.

— Fuku, me chuchote-t-elle.

— Oui ?

— Merci d’être revenu.

J’ai toujours pensé que les mots comme « avenir » et « destin » ne nous étaient pas permis. Mais désormais, est-ce à notre portée ?



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