– « Aïe, aïe ! » Le corps de l’indigène trembla à cause de la douleur sur ses paumes. Cependant, il n’osa pas rétracter ses mains.
Il retint ses larmes et se tint docilement immobile. Chaque paume fut frappée dix fois, devenant rouge écarlate. Ce qui rappela aux passagers ces anciennes écoles où le maître frappait les élèves avec une règle si ce dernier faisait une erreur.
Mais si le professeur était un jeune homme avec un blouson noir, et l’étudiant un grand sauvage, la scène devenait comique, d’une certaine manière. Non ?
Lu Fei regarda la pauvre victime avec une expression coupable. Elle ne savait pas que son rire causerait tant de souffrance à cette personne. Si elle l’avait su plus tôt, elle aurait couvert sa bouche de toutes ses forces.
– « Dégagez. Vous n’aurez pas à manger tant que vous n’aurez pas recopié le Classique trois fois. C’est votre punition, » lança gravement l’homme en noir.
Comme s’il venait de recevoir sa libération, son élève se frotta les paumes en s’enfuyant… Sans doute pour aller écrire le Classique des trois caractères.
Les autres le regardèrent avec envie. Il n’avait besoin que d’écrire trois fois ce long charabia, et en échange, il n’avait pas à rester là avec cet homme effrayant vêtu d’un coupe-vent !
Quelle chance.
Au fond, écrire le Classique n’était pas si long, mais rester avec ce diable signifiait courir le risque de commettre une erreur encore plus grave, du genre à engendrer une punition où un individu était accroché à un grand arbre et battu sans pitié, ses cris résonnant dans toute l’île !
L’homme rangea sa règle et croisa les mains derrière son dos, puis il se dirigea vers les passagers.
En découvrant son visage, ceux-ci s’aperçurent qu’il avait une tête de chinois. De plus, il semblait posséder une grande autorité dans cette petite tribu. Cela poussa les passagers à pousser un soupir de soulagement… Leur sécurité devait être garantie, non ?
Certains envisagèrent même de se rapprocher de lui.
Mais quand l’homme arriva près d’eux, son air sérieux et son corps puissant dégageant une pression incroyable, même les passagers les moins timides n’osèrent pas ouvrir la bouche.
Il s’arrêta devant le professeur aux cheveux blancs, de sa démarche majestueuse… Le vieil homme étant la personne la plus proche de l’entrée.
L’inconnu hocha la tête et dit : « Bonjour. »
La personne âgée se sentit faiblir. « Bonjour, Monsieur. »
Étrangement, il utilisa une salutation respectueuse. Mais son interlocuteur était clairement plus jeune que lui ! Il s’adressa inconsciemment à lui de cette manière à cause de la pression invisible émanant de sa personne.
L’homme vêtu d’un coupe-vent hocha la tête et continua : « Vous êtes… ? »
– « Je suis le professeur Nan Tianxing de l’Université de Jichuan. »
– « Un professeur d’université ? » Ses yeux s’illuminèrent ! Il lui serra avec enthousiasme et dit avec un sourire : « Alors voilà enfin le Professeur Nan, j’ai tellement entendu parler de vous ! »
Alors, toute son aura terrifiante disparut, comme si la glace avait fondu pour devenir une source chaude. Tous les passagers se sentirent devenir plus léger. Même respirer était plus facile !
Le professeur Nan Tianxing sourit et hocha la tête… Il semblait avoir conservé une certaine notoriété dans la branche de Botanique du Département de Biologie.
Il était très heureux à ce moment-là. À son âge, plutôt que de l’argent, il était plus intéressé par la célébrité ! S’il pouvait faire une découverte importante et faire inscrire son nom dans les livres d’histoire… Ce serait trop beau.
L’homme poursuivit avec enthousiasme : « Vous deviez être responsable de l’enseignement du chinois, non ? »
– «Oui ! Hein ? Quoi ? » Il se raidit, confus.
Enseigner le chinois ?
Je ne suis pas professeur de langue… Mais de botanique !
Il était très angoissé. Tellement que sa détresse était difficilement descriptible !
– « Vous êtes venu pile au bon moment ! Apprendre le chinois à ces sauvages est vraiment difficile. Je leur ai récemment enseigné le pinyin suite à la suggestion d’un ami. Ainsi, ils ont pu apprendre le Classique des trois caractères. Mais quand j’ai commencé à leur faire réciter les Entretiens de Confucius, ils ont recommencé à faire des erreurs stupides, mais je ne comprends toujours pas ce qui ne va pas dans ma façon de leur enseigner… »
C’était donc lui qui leur avait appris le Classique des trois caractères ! Et il prévoyait de leur enseigner les Entretiens de Confucius… ?
Lorsque les jeunes passagers l’entendirent, ils rougirent, honteux.
Incroyable !
Même ceux qui étaient nés et qui avaient grandi en Chine n’avaient pas étudié les Entretiens de Confucius dans leur intégralité ! En fait, les élèves des écoles primaires et du collège ne croisaient que quelques extraits dans leur scolarité. Beaucoup de ceux qui étaient présents n’avaient même jamais fini le Classique des trois caractères…
Le professeur Nan Tianxing rougissait également de honte. Il semblait que cet homme en noir le prenait pour quelqu’un d’autre. Il devait résoudre ce malentendu dès que possible !
Cependant, avant qu’il ne pût s’expliquer…
L’inconnu lui tendit la règle disciplinaire et dit : « Professeur Nan ! Je vous confie la tâche de leur enseigner les Entretiens de Confucius ! Soyez sûr que je ne vous traiterai pas injustement. Venir sur cette petite île au milieu de nulle part pendant les vacances d’été a dû être désagréable, mais ne vous en faites pas. Si vous pouvez leur apprendre tout cela avant la fin des vacances d’été, je vous donnerai une rémunération qui dépassera votre imagination la plus folle ! »
Après avoir attendu la fin de son petit discours, le Professeur Nan toussa et ouvrit la bouche, se préparant à dissiper le malentendu.
Cependant, la phrase suivante lui fit rapidement oublier cette idée !
– « Ne vous inquiétez pas, tant que vous avez cette règle avec vous, cette tribu de dix mille individus suivra vos instructions. N’ayez pas peur d’eux. S’ils n’étudient pas correctement, vous pourrez les frapper aussi fort que vous le voudrez ! » Puis, pensant qu’il était peut-être encore inquiet, il ajouta : « Ne craignez rien, ils ne vous mangeront pas. »
Le professeur tressaillit. Cela signifiait-il que s’il n’acceptait pas, et qu’il n’avait pas la règle en main, il avait une chance de passer à la marmite ?
C’était une idée plutôt effrayante !
Bon sang. N’est-ce pas juste pour leur apprendre à lire et à écrire ? Les Entretiens de Confucius, hein ? J e suis professeur dans une université prestigieuse, même si je ne les maîtrise pas parfaitement, je suis toujours une personne instruite !
– « Monsieur, vous n’avez pas à vous en faire. Avec l’aide de mes compagnons, je suis certain de pouvoir leur apprendre à lire et à écrire, et même à réciter les Entretiens de Confucius d’ici la fin des vacances d’été. »
Évidemment, il n’oublia pas les autres passagers. Après tout, ils étaient dans le même bateau, et comme il en avait la capacité, il décida de les aider. Il ne voulait pas qu’ils fussent mangés par ces primitifs sous prétexte qu’ils étaient inutiles.
– « Bien, je me sens soulagé maintenant. » L’homme hocha la tête et sourit.
Après leur avoir refilé le bébé, il quitta la hutte, les mains croisées dans le dos. Son humeur était excellente.
Mais juste au moment où il partait, un peu confus, il se demanda : B izarre, pourquoi le Daoïste – … Nuage Ivre ? – a-t-il envoyé autant de monde avec le professeur ? Sont-ils là pour l’aider, ou pour autre chose ?
Je ferais mieux de me connecter au Groupe des Neuf Provinces #1 pour demander des éclaircissements. Peut-être que le D ao ï ste – …Soleil Bourré ? – a quelque chose de spécial en tête .
Plongé dans ses pensées, il se dirigea vers sa propre demeure.
Cet homme en noir n’était nul autre que le Maître du Palais au Talisman des Sept Vies. Quand il était jeune, il avait négligemment prêté trop de serments et s’était engagé à enseigner la langue chinoise à dix mille personnes illettrées.
Cette île était justement celle qu’il avait mentionnée dans le Groupe des Neuf Provinces #1, au milieu de l’océan Pacifique.
❄️❄️❄️
Après son départ, les indigènes alignés en deux rangées poussèrent immédiatement un soupir de soulagement. Mais quand leurs yeux se posèrent sur la règle disciplinaire dans la main du professeur, ils retrouvèrent immédiatement leur sang-froid, bombèrent le torse et redressèrent la tête. Il semblait qu’ils avaient vraiment peur de cette règle !
En voyant leur réaction, le vieux professeur et les autres passagers poussèrent également un soupir de soulagement.
– « J’imagine que vous comprenez dans quelle situation nous nous trouvons, » toussa le vieux professeur en tournant la tête vers les passagers.
Gao Moumou hocha la tête. « Oui. Nous comptons sur vous, professeur. Si vous avez besoin de notre aide pour leur enseigner le chinois, il suffit de nous le dire. »
Il soupira longuement. « Bien. »
Tubo demanda : « Nous ne sommes pas vraiment habitués à enseigner, mais comme vous êtes professeur de chinois, pouvez-vous m’éclairer ? S’il faut leur apprendre les Entretiens de Confucius d’ici la fin des vacances d’été, ne sommes-nous pas lancés dans une course contre la montre ? Vous qui avez de l’expérience, dites-nous par quelle partie du livre commencer. »
Il avait peur que l’homme ne se mît en colère s’ils ne pouvaient pas leur enseigner l’intégralité des Entretiens de Confucius avant la date butoir.
Son aura imposante était si majestueuse qu’ils avaient oublié de lui poser des questions sur Song Shuhang. Plus tard, ils allaient aller à sa rencontre pour lui demander s’il savait quelque chose.
– « … » Le professeur Nan Tianxing ne sut que dire. Après une courte pause, il soupira : « En fait… Je dois vous avouer quelque chose. Je suis professeur. Mais professeur de botanique. »
L’instant suivant, tous les passagers se raidirent et un silence de mort tomba sur la pièce.