Fuku No Ikari
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La sueur de nos mains coule entre nos doigts, nos muscles se contractent et nos sourcils se froncent. Aucun de nous deux n’a envie de perdre et de ressentir l’humiliation de la défaite.

— Tu donnes ton maximum, ou tu t’es endormi ?

— Ne fais pas trop le malin, me répond-il avec une difficulté à articuler.

Je me mords les lèvres et endurcis mes biceps. Mes doigts se resserrent contre les siens et je finis par écraser sa main contre la table. Une secousse se crée et étale un court silence. Je me détends sur le canapé, et repère, au même instant, Tsubaki.

— Je vois que vous êtes déjà arrivé.

— Oui.

— On patientait le temps que tu sois là pour commander, répond le jeune acteur en malaxant son poignet.

La présence de Tsubaki nous a calmés. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle attend de moi. Je ne sais pas pourquoi elle m’a invité ici. Et cette soif de connaître la vérité me ronge. Dans ma réflexion de cette après-midi, j’en ai déduit qu’elle voulait s’excuser de m’avoir autant esquivé. Mais ça ne peut plus être ça, car elle a convoqué mon pire ennemi.

Ça m’agace.

— Que souhaiteriez-vous ?

— Un parfait pour moi.

— Je prendrais un Cola

— Et un lait à la fraise, s’il vous plaît.

Commander une glace devant une fille est un tue-l’amour. Comment fera-t-il lorsqu’il s’en mettra plein la bouche ? Je sens que ça va être comique cette histoire.

— Bien, si je vous ai réunis ici c’est pour vous montrer une chose, déclare Tsubaki en déposant son sac sur la table.

Le silence gronde, une tension électrique triangulaire qui joint mes deux camarades et moi se crée. Ni moi ou mon adversaire ne souhaitons prendre la parole. Je me redresse et commence à me caresser le menton avec mon index et mon pouce. Je n’attendais qu’un élément.

Connaître la vérité.

Elle fouille et trouve un classeur qu’elle déplace au milieu de la table, puis elle me regarde en souriant et me demande.

— Peux-tu l’ouvrir, Sayuri-kun ? Mais ne nous le montre pas !

— Oui.

Alors c’est là-dedans que je vais découvrir la raison de cette convocation ?

J’inspecte son contenu et ravale ma salive. Mon esprit cesse de réfléchir et reste choqué. Mes muscles s’immobilisent et mes pieds sont enracinés dans ce carrelage. Mon front s’humidifie et mes dents caressent mes lèvres inférieures.

— Tu n’as rien à dire ? Très bien, maintenant c’est à ton tour, s’exclame-t-elle en m’ôtant mon porte-bonheur des mains.

Je remarque le regard de mon rival divagué sur le contenu du classeur. Son visage reste neutre, seul un froncement de sourcil modifie son comportement impartial. Mon adversaire repose silencieusement l’offrande de Tsubaki sur la table.

— Et voici vos deux boissons et votre parfait, bonne dégustation.

— Merci, dit Tsubaki d’une voix glaciale.

La jeune actrice entremêle ses doigts et nous questionne.

— Qu’en avez-vous pensé ?

— Je ne comprends pas vraiment pourquoi tu lui as montré une photo de nous en primaire, s’exclame mon rival en lançant un doux regard à son amour.

Qu’est-ce qu’il raconte ?

— Peux-tu donner ton nom, quémande Tsubaki.

— Sayuri Fuku, celui qui s’est fait longuement insulter par un tas d’élèves. Je suis celui qui était épris de toi, et qui t’a demandé de sortir avec moi dix ans auparavant.

Qu’est-ce qu’il raconte ?

Qu’est-ce qu’il raconte ?

Qu’est-ce qu’il raconte ?

Qu’est-ce qu’il raconte ?

Qu’est-ce qu’il raconte ?

Je passe mes dix doigts dans mes cheveux et me gratte le haut du crâne. Mon regard est vide de sens, ma cervelle cesse de fonctionner. Je ne savais plus si j’étais assis sur le canapé, ou si le canapé était assis sur moi. La chaleur de mon corps dépasse celle d’une bombe nucléaire.

Mon sang bouillonne.

— Et toi, qui es-tu, dans ce cas, me demande la jeune actrice avec des yeux globuleux.

Je ravale ma salive, dévisage timidement mon entourage et dis.

— Je.

Ils m’observent, tous deux avec un regard complètement opposé. Celui de gauche est un canon, celui de droite est une corde, sur laquelle je souhaite reste accrocher encore un moment. Je n’arrive pas à m’exprimer, je n’y arrive plus. J’attrape un stylo dans mon sac ainsi qu’un cahier et écris.

Fuku

Sayuri.

J’inhale la douce odeur de ma faiblesse.

— On a déjà eu cette discussion, Tsubaki-chan. Je t’ai répété maintes et maintes fois que c’est bien moi que tu as connu dix ans auparavant. Pourquoi doutes-tu ? Matte un peu ces bourrelets, s’exclame-t-il en soulevant son teeshirt.

Pourquoi prend-il ma place ? Pourquoi me lance-t-il des regards si angoissants ?

J’ai rencontré ces yeux-là lorsque j’étais petit. Ce sont les mêmes que dans mon passé. Quand on souhaitait que je m’écarte de ma lueur d’espoir, Tsubaki, on me fixait avec insistance.

C’était pire que le mot « Dégage ».

Tsubaki se frotte le visage et boit d’une traite son cola. Elle inspire longuement et me demande.

— Peux-tu t’en aller, le second ? J’aimerais récupérer le temps perdu avec le Sayuri Fuku que j’ai connu.

Mon esprit s’efface.

Mon cœur s’égare.

Ma mémoire s’engouffre.

— Oui.

Je m’empare de mon lait à la fraise et l’absorbe entièrement en quelques secondes. Son contenant reste debout sur la table, écrasé par mon poing. En sortant du café, j’inhale l’air à proximité et ressens mon corps faiblard attrapé par la gravité. Je me retrouve assis, le regard abattu, défilant entre les quelques cailloux face à moi.

Une énième fois, les couleurs de mon monde ont disparu.

D’ici, j’entends leur rire, la joie de vivre de Tsubaki transperce ces murs en béton et parvient jusqu’à mes oreilles. Son seul sourire égaie ma journée. Ses seules paroles accélèrent les battements de mon cœur. Ses gestes gracieux m’indiquent le chemin à suivre.

Mais tout ça, je l’ai aperçu trop tard.

Je me recroqueville et murmure d’une voix cassée.

— Tanaka, je crois que mes sentiments du passé se sont réveillés. Finalement, tu avais raison. C’est bel et bien moi, l’idiot.

J’ai détruit un lien profond entre Tsubaki et Keshi pour mon propre sourire. Mais cette joie-là ne se serait-elle pas amplifiée si j’avais compris dès le départ que j’étais encore amoureux ?

Les rires des deux compères s’entrechoquent dans ma tête. J’étais rendu au stade d’un sac de sable qu’un boxeur prendrait pour cible. Je ramasse les coups, comme je l’ai toujours fait et ne dis rien. Je reste silencieux et erre dans un monde obscur.

C’est un univers où je n’ai pas ma place.

Je n’étais plus qu’un électron égaré.

— Tout va bien, me demande une jeune fille en s’asseyant à mes côtés.

Je la regarde, sans la moindre conviction, et laisse mes lèvres fermées.

— Oui, c’est bien moi, Ayame Takagi.

Son sourire est merveilleux. J’étais tant préoccupé par des futilités que je l’ai rayé de ma vie sans même m’en soucier un seul instant. Pourtant, quand je l’ai rencontré, j’étais quelqu’un de pétillant, prêt à tout pour mon objectif. Désormais, je ne suis plus qu’une larve.

— Tu te souviens, dans ce parc, Fuku ? Tu m’avais confié une chose. Tu m’avais dit que je pouvais voler. Toi aussi tu le peux, tu es l’ange gardien qui m’a sauvé.

Elle attrape mon menton. Son visage proche de cinq centimètres semble d’une douceur exquise dans laquelle j’aimerais plonger, rien qu’un instant. Takagi se retourne en attrapant mon bras, pointe mon doigt contre le ciel et déclare d’une voix profonde.

— Si ton étoile n’est pas parallèle avec Tsubaki, tu n’as pas à te blamer. Mais, Fuku, une autre possibilité n’existe-t-elle pas ?

Elle lâche son emprise, s’amuse avec mes joues et continue son discours.

— Bien sûr que si ! Si elles ne le sont pas, ça veut dire que Tsubaki est la perle que tu attends depuis toujours. Et ce bijou-là, tu devrais en prendre soin et ne pas laisser un voleur te la piquer !

Ces mots-là ressemblent étrangement au mien.

Je dresse un sourire fictif, et lui réponds.

— Merci, Takagi-chan.

La jeune fille se relève, s’approche de mon oreille, et me déclare d’une voix envieuse.

— La troisième option est que Tsubaki ne voit pas vos étoiles se percuter. Dans ce cas-là, je prendrais sa place.

Après ces douces paroles, je regarde sa silhouette se faufiler parmi l’amas de personnes de ce quartier. Au bout de quelques secondes, je n’aperçois ni son visage ou son ombre.

Que suis-je censé faire ?

Bobom.

Mon cœur s’emballe lorsque je ressens l’odeur d’un parfum fruité entrer dans mes narines. J’entends la clochette qui annonce la sortie d’un client et remarque la longue robe blanche de Tsubaki à côté de moi. Je me relève, soupire puis essuie les traces poussiéreuses sur mes vêtements avant de m’exclamer d’une expression enragée.

— Tsubaki !

Bobom.



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