Fuku No Ikari
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Chapitre 21 – Destin
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— Es-tu déjà tombé amoureux, Fuku ?

— Oui, mais j’étais très jeune. Et toi, Keshi ?

— Je ne sais pas. Comment décrirais-tu la sensation d’être épris de quelqu’un ?

J’inspire l’air ambiant, contemple la sombre nuit étoilée et lui réponds.

— Prends un récipient et ajoute du bonheur et de la passion. Maintenant, déguste ton repas, mange-le avec tendresse. Quand il est terminé, il ne reste plus que de la stupidité et de la futilité. L’amour est éphémère, lorsqu’il s’efface, tu patauges et plane dans les abysses.

— C’est une vision morose, c’est limite flippant, ricane-t-elle.

— Oui, c’est pour ça que j’en ai peur.

— Quand je regarde Ai, je me dis que ce sentiment-là n’est pas si mal. Elle semble éprise de l’acteur qui l’a accompagné, je l’entends parler de lui à longueur de journée. Tu penses vraiment qu’elle ressent quelque chose de si tragique ?

— Je n’en sais rien. Tout ce que j’arrive à saisir, c’est que l’amour est sûrement devenu ma phobie.

— C’est pour ça que tu as du mal à voler, ces derniers jours ?

— Que racontes-tu ?

— Quand je t’ai rencontré, à la rentrée, tu m’as paru être l’élément premier de notre classe. Tu es la personne qu’on remarque par sa beauté et son intelligence. Après tout, nous sommes dans deux mondes opposés. Je vis grâce à la musique et toi au sport. Et pourtant, mes yeux et mes oreilles constatent, chez toi, un côté touchant que je ne retrouve pas dans mes mélodies.

Je garde le silence, ferme mes paupières délicatement puis médite.

Mon cœur bat à la chamade.

— Mais surtout Fuku, je ne sais pas ce que j’éprouve ici, me dit-elle en empoignant sa poitrine. Tout ce que j’ai réalisé, c’est que tu es celui qui me permet de respirer. Pour cette raison, je ne souhaiterais t’abandonner pour rien au monde.

Je ravale ma salive et ressens une bourrasque qui me hérisse les poils. Chacun d’eux s’entremêle et cherche son chemin.

Le fil rouge du destin les a assaillis.

— Garde les yeux fermés, Fuku.

Ses douces mains caressent mes joues et elle me demande, d’une voix séductrice.

— Tu n’as surtout pas intérêt à les ouvrir.

Son parfum monte jusqu’à mon cerveau et déséquilibre mes sens. Dans l’obscurité que je perçois, j’imagine une corde que j’agrippe de toutes mes forces. Tout en haut, Keshi m’attend, vêtue d’une longue robe blanche. Et cette image ne cesse de s’amplifier.

Je sens son front se coller au mien, sa chaleur se dégage sur ma peau et un sourire s’affiche sur mon visage. Chaque seconde passée provoque des battements de cœur de plus en plus rapide. Ma poitrine se contracte sans arrêt.

Le contrôle m’échappe.

Ses lèvres s’écrasent contre les miennes.

Elle attrape l’arrière de mon crâne et crée des vagues d’apaisement dans mon être. Ses doigts glissent le long de ma nuque et, au même instant, Keshi enjambe mon bassin puis s’assied sur mes genoux. Je pose une main dans son dos et la laisse effleurer le tissu qu’elle porte. Nos lèvres, maintenant humides, se chevauchent sans cesse et malgré que ce plaisir ne soit qu’éphémère, il me rend dingue. Sous les étoiles qui illuminent cette scène, mes paumes resserrent son corps contre le mien. Elle lâche son emprise et abandonne sa tête contre mon abdomen, puis d’une douce voix, me déclare.

— Penses-tu que c’est ça, l’amour ?

Mon horizon se fige, je n’ose plus la regarder. La peur et l’appréhension me contraignent de mes propres mouvements, alors je préfère garder le silence.

— Moi je n’en sais rien. Mais je crois que mon cœur s’emballe quand je t’ai auprès de moi. C’est comme si ma poitrine pouvait exploser à n’importe quel instant.

Bobom.

Le lendemain, sur le chemin du lycée, les couleurs du paysage sont magnifiques. J’ai connu, quelques jours auparavant, une vision très obscure de ce qui m’entourait. Mais désormais, les arbres sont éclatants, la rivière est éblouissante et le chant des oiseaux est une mélodie apaisante. Mes sens sont aiguisés et se sont rafraîchis.

Mon destin s’est mêlé à celui de Keshi.

Mon avenir s’est mêlé à celui de Keshi.

Mon cœur s’est mêlé à celui de Keshi.

J’entre dans la classe et écoute les leçons de notre professeur, Katsuro-sama, avec attention. Tout me paraît beau, les nuages blancs à travers la vitre, les longs calculs de mathématique, l’ère Edo ; mais cette sublimité n’est rien face au majestueux sourire de celle qui a fait balancer mes sentiments le temps d’un instant. Cette fille est la dresseuse de ma passion, de mes envies et de mon désir. Elle a réussi à contrôler brièvement mon être et l’a apaisé.

— On va manger ensemble, Fuku ?

J’attrape mon camarade par le cou, frotte mon poing contre ses cheveux et m’écrie.

— Tanaka !

Il retire mon excès de confiance et me demande.

— Tout va bien ?

— À merveille ! Je passe chercher une boisson et je te rejoins.

Je galope dans les couloirs jusqu’au distributeur et commande un lait à la fraise. Je le récupère et lorsque je me retourne, Tsubaki Ai se présente face à moi. Je tente de l’esquiver par le côté, mais elle devient mon miroir en imitant mes mouvements afin que je ne puisse pas m’échapper.

Je tousse à l’intérieur de ma paume puis lui demande en fronçant légèrement les sourcils.

— Tu voulais me voir ?

— Rendez-vous ce soir après les cours au café, bégaie-t-elle les joues pourpres.

Elle continue son chemin en accélérant le pas sans calculer la direction à prendre. Tout ce qu’elle souhaite, c’est fuir la gêne. Du moins, c’est ce que j’imagine.

Je m’empresse de rejoindre mon ami sur le toit. Je monte les escaliers en enjambant les marches deux par deux et dresse, toujours, un sourire grandiose. J’ouvre la porte et sens le vent se faufiler à travers les longues mèches de mes cheveux.

Cette bouffée d’air fait un bien fou.

D’une expression joyeuse, je m’installe en tailleur à côté de mon camarade puis sors mon repas.

— Tu es certain que tout roule, Sayuri-kun ?

— Oui !

— Tu me sembles différent, as-tu reçu une bonne nouvelle ?

Je me gratte le menton et écoute Tanaka répondre lui-même à sa question.

— J’ai compris ! Tu as repéré celle pour qui ton cœur bat ! Donc c’est Kotone-chan ou Tsubaki-chan ?

Je fixe mes chaussures sans trouver le moindre résultat.

— Sayuri-kun ?

— Je ne sais pas.

— Tu m’as bien dit que tes sentiments penchaient pour l’une de ses deux filles, n’est-ce pas ?

— Je crois, oui.

— Alors, va les voir !

Je m’allonge, entremêle mes doigts et place mes deux paumes derrière mon crâne pour m’en servir d’oreiller. Je soupire en admirant les couleurs du ciel azur puis demande à mon camarade.

— Serais-tu prêt à sacrifier une relation pour la vérité ?

Tanaka attrape ma main et la serre de plus en plus fort puis s’écrie.

— Évidemment. Si le lien à détruire existe grâce à un mensonge, alors c’est essentiel de le dissoudre !

Je me relève, analyse mes paumes et médite.

Qu’ai-je fait depuis tout ce temps ?

L’après-midi est une longue période durant laquelle je n’ai cessé de réfléchir. Le fait de retrouver Tsubaki au soir me terrifie et en même temps me fait plaisir. Des tonnes de questions submergent mon esprit. Mon bienfaiteur, Tanaka m’a toujours aidé, mais ce qui me ronge de plus en plus ces dernières semaines, c’est que moi je ne lui ai jamais rien donné en retour.

Lorsque la sonnerie retentit, je m’empresse de rejoindre Tsubaki à notre rendez-vous au café. Je profite de la grande vitrine pour voir ma silhouette et me recoiffer.

Je n’avais pas besoin de courir autant.

En observant davantage à travers les carreaux, j’aperçois un jeune homme que je connais. Avec appréhension j’entre sans attendre Tsubaki et découvre, assis à une table, mon pire ennemi.

Mon reflet du passé.

Je m’installe face à lui, mon regard ne cesse de l’analyser sous tous les recoins.

C’est lui le petit ami de Tsubaki ?

— Qui es-tu, me demande-t-il en riant nerveusement.

Impossible, il a la même corpulence que j’avais quand j’étais enfant.

Le jeune acteur brun penche la tête et me questionne.

— Je ne pensais pas être si connu, tu souhaites un autographe ?

Je me souviens des mots qu’elle a prononcés. C’était sous ce ciel limpide, sous ces arbres rosâtres, qu’elle a déclaré que j’étais dingue, qu’elle ne pouvait pas sortir avec moi, le petit gros. Je me rappelle l’humiliation qu’elle m’a infligée en me jetant la poignée de sable à la figure. Après ça, elle disait qu’elle ne pouvait pas devenir l’amie d’un gars aussi dégueu que moi.

— Tu es tellement intimidé que tu n’oses pas parler ? C’est super gênant, glousse-t-il.

Je place mon coude sur la table et empoigne sa main. Je fronce les sourcils, lui lance un sourire narquois et lui demande.

— Un autographe ? Ne me fais pas rire. Ça t’irait un bras de fer ?

Lui, c’est mon ennemi.



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