Fuku No Ikari
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Je crois que je peux oublier le fait de retrouver cette photo un jour.

Cela fait une semaine que je n’ai pas réussi à mettre la main dessus, c’est comme si elle s’était détruite. Cependant, quelque chose me ronge de plus en plus.

— Tsubaki-chan !

Dès que je l’appelle, que je l’approche, même silencieusement, elle me fuit comme la peste. Keshi l’imite également. Je suis incapable d’aborder l’une des deux filles.

Je ne compte plus le nombre de tentatives que j’ai pu effectuer. J’ai, en moi, cette rage, ce besoin de leur parler et ce sentiment m’est, pour le moment, inconnu.

La roue aurait-elle tourné ? Le contrecoup de ma haine s’est répandu si vite ?

Sous un soleil qui tape contre mon bras, je schématise un plan d’attaque sur mon cahier toute la matinée dans le but d’accomplir cette tâche. Je dois réussir à discuter avec l’une d’entre elles, j’ai envie de comprendre pourquoi elles m’esquivent toutes deux. Mes notes sont des hiéroglyphes, des codes que seul moi peux assimiler.

Je contemple le ciel azur et sens l’odeur de Tsubaki traverser mes narines. Cette odeur fruitée, sucrée. Agacé, je serre mes poings à en faire craquer mes phalanges et me plonge dans mes souvenirs.

Tout ça a commencé le jour où j’ai perdu mon porte-bonheur. J’étais accoudé à une fenêtre et me remémorais mon passé à travers la photo. Lorsque Tsubaki m’a appelé, la surprise m’a fait la lâcher et elle s’est envolée. D’ailleurs, je l’ai cherchée avec Tsubaki, elle n’aurait quand même pas mis la main dessus avant moi sans rien me dire ?

Mon front accumule de la sueur et elle se déverse sur tout mon visage. Mes doigts sont moites, j’ai presque du mal à tenir mon crayon sans le laisser glisser. J’inhale l’air ambiant puis soupire en évaporant toutes les mauvaises ondes de mon esprit.

Ces deux tarées me rendent fou.

Après plusieurs recherches et analyses, je parviens à une conclusion.

Mon plan va pouvoir démarrer , ai-je pensé après avoir entendu la sonnerie.

Je fonce en direction du distributeur et commande un thé vert, dans mes souvenirs, c’est le soda préféré de Tsubaki. Je jette un coup d’œil au cadran autour de mon poignet et me dirige vers le toit. J’ouvre la porte avec courage et ressens les bourrasques qui ondulent mes cheveux. Le soleil tape contre ma peau. La chaleur est à crever ici, mais ce n’est pas ce qui entravera mon plan. Je balaie le regard et n’aperçois pas la présence de ma proie.

— Fuku ?

Je me retourne et constate que trois filles déjeunent dans un coin, à l’ombre.

— Takagi-chan ?

— Je t’ai déjà demandé de m’appeler Ayame, idiot.

Cette fille a le don de m’insupporter, mais je m’approche tout de même d’elle, car mon objectif se dissimule à ses côtés.

— Tsubaki-chan ? Keshi-chan ? Que faites-vous ici ?

— Ce sont mes amies, ne les scrute pas comme ça, espèce de pervers.

J’ai l’impression d’avoir plombé l’ambiance.

Je m’assieds à côté d’elles, mais ressens au même instant un blocage dans la poitrine. Je ne peux plus parler, la peur me l’interdit.

— Pourquoi es-tu…

Tsubaki interrompt la question de Takagi en attrapant ma manche puis elle me traîne un peu plus loin.

— Qu’est-ce que tu fais, Sayuri-kun ? Tu es bizarre ces temps-ci.

C’est mon premier contact avec elle depuis une semaine, sombre douceur.

Je soupire, passe mes doigts moites dans mes cheveux humides et lui réponds.

— Tu n’as pas l’impression de m’esquiver depuis plusieurs jours ?

— Peut-être, mais j’ai mes raisons.

— Hein ? Et tu pourrais peut-être me les donner ?

La jeune actrice attrape mon menton, son visage s’approche du mien. Autour de nous, les cerisiers rosâtres se figent et les oiseaux cessent de chanter. Les aiguilles du temps s’arrêtent et le fil du destin se noircit. Son odeur, sûrement de la mangue, m’envoute. Ses yeux tels un Hanabi me permettent de voyager dans un espace inconnu.

Ses lèvres sont à cinq centimètres.

Elle me repousse, fronce les sourcils et s’écrie.

— Désolée, je voulais vérifier quelque chose.

Et c’est moi qui suis bizarre ?

Mon cœur s’est égaré, j’aimerais lui déposer quelques bandages et un bouquet de fleurs pour le réconforter, mais c’est chose impossible. Détruit et silencieux, je retourne dans ma salle et demeure choqué par son audace. Mon plan n’a, certes, pas failli, mais la question subsiste.

Pourquoi agit-elle ainsi ?

J’ébouriffe mes cheveux, me gratte le crâne et tente de parvenir à une conclusion.

— Tu comptes rester là longtemps, me demande Tanaka en ricanant.

— C’est déjà l’heure ?

— Oui, tu t’es endormi ?

Je soupire, attrape mon sac contre mon épaule et commence à sortir de la classe en sa compagnie.

— J’aurais bien aimé.

Sur le chemin, mon ami me questionne.

— Tu as vu le nouveau buzz sur Internet ?

— Encore un de tes fameux documentaires ?

— Je ne plaisante pas, me répond-il en me poussant avec son coude.

— Alors qu’est-ce que c’est, cette fois-ci, lui dis-je en lui renvoyant son coup.

— C’est Tsubaki ! La publicité dans laquelle elle a joué a laissé tout le monde bouche bée.

— Hein ?

— Regarde ce soir, tu verras que je ne rigole pas !

Je prends les jambes à mon cou et m’écrie.

— À demain, Tanaka. Je file !

— Envole toi, joli oiseau, ricane-t-il.

Je me jette dans mon canapé, attrape la télécommande et allume la télévision.

— Fuku, tout va bien ?

— Maman, je dois regarder les publicités, laisse-moi tranquille.

Je suis quelqu’un de neuf, les mots de Tsubaki m’ont troublé, ses agissements m’ont perturbé, mais désormais, j’ai une piste. J’appréhende de visionner sa prestation, un pressentiment me ronge. Ma mère, toujours aussi dérangée, compose le numéro de mon médecin traitant en s’exclamant.

— Je crois que mon fils est malade, il préfère regarder les publicités plutôt que les émissions !

J’ai choisi de la laisser dans son monde étrange et me concentrer sur chacune des diffusions.

— C’est Tsubaki !

— Tsubaki, dis-tu ? J’ai déjà entendu ce nom, déclare-t-elle en raccrochant au nez à mon docteur.

Dans cette courte vidéo, j’aperçois une horreur qui me couche instantanément au lit. Ma démarche est semblable à celle d’un zombie. Les abysses ont aspiré mon âme, ne laissant plus qu’une simple coquille vide, niché sous sa couverture.

Je relève la tête et murmure.

— Je n’aurais jamais dû visionner cette publicité. Le regard qu’elle a donné à ce gars, je l’ai déjà vu plusieurs fois.

Je soupire et me mords les lèvres.

— C’est celui d’une femme amoureuse.

Lors de sa prestation, Tsubaki présente une marque de dentifrice en compagnie d’un autre acteur qui ressemble trait pour trait à celui que j’étais dans le passé. Ces joues charnues et sa silhouette grassouillette, il est ce que tu as toujours refoulé, Tsubaki.

C’est mon miroir brisé.

J’agrippe ma couverture et entends, au même instant, mon téléphone sonner.

Tsubaki-chan ?

Mon index prêt à décrocher tremble et un combat étrange entre ma soif de vérité et ma peur s’engage.

— Allô, Sayuri-kun ?

Je n’aurais jamais dû laisser cette envie gagner.

— Oui ?

— On peut se voir demain ? J’ai quelque chose à te demander.

— Avant ça, Tsubaki, j’ai aussi une question.

La jeune fille avale sa salive et me dit.

— Je t’écoute.

— Tanaka m’a conseillé de regarder la publicité dans laquelle tu jouais.

Tsubaki ravale de nouveau sa salive et bégaie.

— Oh, tu as vu mon petit ami ?

Mon cœur souffre.



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