Fuku No Ikari
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Chapitre 15 – Explosion
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— Keshi !

Sa voix profonde assombrit la mélodie harmonieuse de l’averse qui se déverse sur notre parapluie.

— Que comptiez-vous faire, bégaie-t-elle.

La jeune harpiste me repousse avec la paume de ses mains et laisse la pluie plaquer de nouveau mes cheveux contre mon front. Je profite de l’obscurité pour dresser un large sourire narquois et médite.

Explosion imminente.

Tsubaki serre ses poings, se rapproche de son amie et fronce les sourcils.

— Qu’est-ce qui se passe ici ?!

Elle agrippe les vêtements mouillés de Kotone, inspire longuement puis lui hurle dessus.

— Réponds-moi !

Sa camarade avale sa salive, baisse les yeux et fixe ses baskets noirs. Mon expression ne cesse de s’amplifier, car devant moi le résultat arrive.

— Je suis désolé.

Tsubaki lui détend son bras droit et prend de l’élan avec fureur avant de lui catapulter une gifle.

— Tu plaisantes ? Tu m’as menti ! Tu m’as toujours répété sans cesse que tu ne côtoyais pas Sayuri-kun. Tu me racontais que tu ne l’appréciais pas et qu’il ne t’intéressait pas ! Alors, explique-moi !

Je n’ai jamais autant pris mon pied de ma vie. Donne-m’en encore un peu plus et je vais finir par éclater de rire.

— Je sais très bien tout ça. Pardonne-moi, Ai.

Son visage marqué par la paume de Tsubaki provoque un feu d’artifice dans mes yeux. La jeune harpiste se tient la figure sans doute pour calmer la douleur et fixe son amie d’enfance. Malgré ses joues inondées de larmes, Tsubaki, rongé par le mensonge qu’elle a cru pendant des semaines, rétorque.

— Je ne pourrais jamais t’excuser. Comment veux-tu que je fasse confiance à quelqu’un qui me trahit ? Souviens-toi, dix ans en arrière, à l’école primaire, j’ai connu l’abandon. On m’a trompé et tu es la seule qui est restée à mes côtés. Alors pourquoi as-tu choisi de me mentir ?

Hein ?

Kotone avance d’un pas vers son amie et lui répond avec fermeté.

— Je sais très bien tout ça ! Mais je ne voulais pas que tu te mêles de tout ça, tu en as trop bavé avec tes propres histoires. Je ne souhaitais pas t’infliger ça en plus !

— Désolé, Keshi. Je n’arrive plus à te faire confiance. Je ne peux plus te voir, rétorque-t-elle en se retournant avant de courir vers la sortie.

Je n’ai pas tout suivi, là. J’ai manqué un épisode peut-être ?

— J’ai merdé, soupire-t-elle.

Affaiblie, la gravité emporte ses genoux contre le sol. Son parapluie glisse de ses mains et roule jusqu’à la baie vitrée. La pluie attaque l’ensemble de son corps et ses cheveux ressemblent rapidement à une serpillère.

Je m’accroupis face à elle et lui demande.

— Tu devrais peut-être laisser tomber.

Lorsqu’elle relève la tête, j’aperçois un long fleuve de ses yeux à son cou.

— Ai a un passé bien plus dur que tu ne le crois. Je ne peux l’abandonner comme il l’a fait.

Je dois absolument me renseigner là-dessus, c’est primordial.

— Peut-être, mais ce n’est pas pour ça qu’elle a le droit de te gifler. Et tu as vu la façon dont elle t’a parlé ?

— Tu as peut-être raison. Je vais laisser couler pour le moment.

— Oui, je pense que c’est mieux ainsi.

Elle serre ses poings et les frappe plusieurs fois contre le sol puis crie de toute son âme. Le son pétrifie mon corps, me hérisse les poils et bloque ma respiration. Keshi se relève une jambe après l’autre et marche lentement, le regard baissé, vers la sortie.

[…]

Dans ma chambre, je vérifie mes notes et coche sur mon cahier tous les succès que j’ai réalisés. Mon sourire, mon rythme de travail, mon humeur, tout s’atténue.

Je crois que j’ai merdé, aussi.

Je me balance dans mon siège de bureau, m’assieds en tailleur et me suis remémoré une scène.

— Tsubaki Ai, je t’aime !

J’ai regardé ce petit être déclarer ses sentiments à mon ancienne lueur d’espoir. J’ai pris peur à ce moment-là.

— Désolé, j’éprouve déjà quelque chose pour un autre garçon.

D’ailleurs aurais-je réellement agi si elle avait accepté ? Bien sûr que non, j’étais bien trop faiblard.

— En y repensant, elle dit qu’elle était éprise de quelqu’un. Lequel était-ce ?

Je réfléchis quelques instants et me réponds rapidement moi-même.

— Sûrement Hiroshi. C’est celui qui me frappait le plus. Elle devait sans doute en rire et elle a développé des sentiments pour lui ainsi.

J’attrape un stylo et m’amuse à le faire tourner entre mes doigts.

— Elle a dû flipper en lisant la lettre dans son casier. Qu’est-ce que j’ai pu rigoler intérieurement lorsque je l’ai regardé nous rejoindre en furie !

Je glousse et tousse en me tapant l’abdomen.

— Que disait-elle déjà ? Ah oui ! Je n’arrive plus à te faire confiance, je ne peux plus te voir. Mon courroux a porté ses fruits comme je pouvais l’imaginer. La tête que Keshi a tirée à ce moment-là, j’aurais dû le photographier.

La pluie tombe contre la vitre, je me lève de ma chaise, et m’accoude au rebord de la fenêtre. L’averse qui se déverse me rappelle une autre scène.

— Cours, cours, espèce de porc !

— Arrête Hiroshi, ce n’est pas un simple porc, c’est un porc dégueulasse !

— Tu as raison, Kotone-chan, ce mec est dégoûtant !

J’avais beau faire des tonnes d’efforts pour être accepté dans leur groupe, je n’ai pas réussi à détacher la vision qu’ils avaient de moi.

— Regardez-le courir sous la flotte cet idiot !

— Ne t’inquiète pas, les cochons ont l’habitude d’être dans des états pareils.

D’ailleurs, pendant que je me faisais insulter, je me souviens encore que Tsubaki restait silencieuse. C’est vrai que certaines fois, elle préférait ne rien dire.

— C’est trop étrange. Je n’ai pas l’impression qu’on est modifié ma mémoire, pourtant ! Alors pourquoi m’a-t-elle hurlé des choses aussi horribles ?

Je m’ébouriffe les cheveux en fronçant les sourcils puis inhale l’air au maximum.

— Je n’ai pas mérité tout ça, je ne l’ai absolument pas mérité.

Mais dans ce cas… Est-ce qu’elle le mérite, elle ?

Je m’allonge dans mon lit et recouvre mon corps avec ma couette.

— Je n’ai pas mérité tout ça, dis-je d’une voix saccadée.

Je passe un doigt sous mes yeux et sens la nostalgie m’envahir.

L’averse, m’a moi aussi, assailli.

Je serre le tissu dans mes mains et commence à chantonner avec mélancolie.

— Hé, je ne suis pas humain, vraiment je suis désolé. Mais je suis conçu pour y ressembler alors on se trompe souvent.

Depuis quand n’ai-je pas tant pleuré ?

Je renifle, fixe mon sombre plafond et me questionne.

Depuis quand les couleurs sont-elles devenues si troubles ?

Ma poitrine souffre et la douleur s’empire lorsque j’aperçois sur mon téléphone un appel de Tsubaki.

— Allo, allo, Sayuri-kun ?

J’inspire et expire silencieusement et lui réponds d’une voix neutre.

— Oui ?

— Je ne te dérange pas ?

— Non, tu souhaitais quelque chose ?

— Pas vraiment. J’avais juste besoin de t’entendre un petit peu.

— Tout va bien ?

— Quand j’étais petite, j’ai perdu quelqu’un à qui je tenais plus que tout. Keshi m’a énormément réconforté pendant cette période. Et j’admets que son absence me blesse.

— Et ça ne t’ennuie pas d’appeler celui qu’elle a presque embrassé ?

— Je doute que tu puisses réellement faire une telle chose avec elle.

— Tu n’as pas totalement tort.

— Après tout, un premier baiser ne se fait pas avec le premier venu.

— Tu as passé cette étape, toi ?

— Pas du tout, ricane-t-elle.

Elle a la force de rire ?

— Tu n’as jamais eu de petit ami ?

— Non. Je te l’ai déjà dit, la personne que j’ai aimée m’a abandonné et je crois que depuis, mon cœur est un caillou.

— Je vois. Tu as l’air d’avoir une enfance compliquée, toi aussi.

— Moi aussi ?

Je place ma main devant ma bouche et me mords les lèvres.

J’en ai trop dit, là.

— Laisse tomber, c’est la fatigue qui me fait raconter n’importe quoi.

— C’est étrange, mais j’ai l’impression qu’on se ressemble.

Non, on est dans deux univers opposé, tu devrais le savoir .

— Sans doute.

— En tout cas, une chose est certaine. Je ne veux plus subir la souffrance que j’ai éprouvée à l’école primaire !

Mais qu’est-ce qu’elle raconte, elle a perdu la mémoire à ce niveau-là, c’est plus possible.

— Sayuri-kun ?

— Oui, pardon.

— J’ai envie d’apprendre à te connaître.

|Bip.|

Elle a raccroché sans me laisser répondre cette sotte.

Je plonge ma tête dans mon coussin et médite.

Peut-être que ma haine se trompe.

Peut-être qu’elle ne mérite pas tout ça, finalement.



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