Fuku No Ikari
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Chapitre 10 – Incertain
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— Takagi-chan ?

— Regarde-moi.

La jeune serveuse attrape mes mains et me murmure.

— Je suis inexpérimentée et incertaine, mais malgré ça, écoute-moi bien !

Un silence intervient et dans ce dernier, je remarque deux pétales de cerisiers flotter. Les rayons du soleil illuminent la peau blanchâtre de Takagi. Son expression, je n’ai jamais vu une fille la tenir de mon existence. Son odeur fruitée, sans doute de la mangue, envoute mes narines. Ses yeux globuleux me fixent et d’une voix calme et profonde elle me dit.

— Je t’aime.

Des larmes coulent lentement sur ses joues pourpres. L’averse l’a, elle aussi, assailli.

— Je… je ne sais pas quoi te dire.

— Qu’est-ce qui te perturbe à ce point ? Que pourrais-tu souhaiter de plus ?

Elle approche son visage du mien. Je n’ai pu qu’admirer sa sombre expression rongée par la tristesse.

— C’en est trop. J’en ai assez d’entendre cette phrase. Vraiment, je peux tout comprendre, sauf ça ! Tu m’as dragué, puis charmé pour me séduire. Alors comment aurais-je pu deviner que tu ne voulais pas de moi ? Mes rapports avec Mochizuki étaient ingérables donc tu m’as paru être ma seule délivrance. Et tes douces paroles remplies de citations. Que suis-je censé interpréter ? La prochaine fois, réponds-moi en deux lettres ! Pourquoi fais-tu de belles et longues phrases si c’est pour t’enfuir au moment fatidique !

Je reste silencieux, stupéfait par sa déclaration qui tourne au ras de marée. Ses larmes forment des cascades sur son visage. Je n’avais plus mon mot à dire, je devais me taire. Je remarque que ses lèvres dessinent un arc de cercle, puis elle m’a demandé.

— C’est plus attirant comme ça, n’est-ce pas ? Je suis confuse. Si tu ne peux pas me répondre, s’il te plait, laisse-moi seule. Au risque que je doute encore plus, je t’en prie, va-t’en. Le goût de ses gouttelettes est sucré. J’aimerais pouvoir sortir un parapluie sous mes paupières. Tu n’aurais jamais dû me voir ainsi !

Takagi serre ses poings et me frappe doucement au niveau de mon estomac à de multiples reprises. Je constate que sa force et sa vitesse la lâchent petit à petit.

— J’aurais dû rester au stade de la patience. Je voulais changer et montrer que j’étais capable ! Mochizuki m’a trahi, mais toi tu m’as aidé. Alors pourquoi n’ai-je pas été plus calme ? Pourquoi n’ai-je pas été plus attentive à ce que toi tu ressentais ?

Elle place la paume de sa main contre sa poitrine et termine.

— Tu sais, j’ai mal juste ici. J’ai très mal. Donc s’il te plaît, laisse-moi.

Je reste immobile, mon corps est paralysé. Toutes ses phrases tournent en boucle dans ma tête. Je ressens comme un ouragan d’incompréhension. Rien n’est clair pour moi. Mon visage apeuré regarde l’horizon. Dans cette dernière, je remarque la silhouette de Takagi, disparaître petit à petit.

Sérieux, c’est douloureux.

Je tapote sur mes joues plusieurs fois pour reprendre mes esprits et ai murmuré quelques mots pour analyser la situation.

— Je ne dois pas me laisser abattre maintenant. Mon courroux doit continuer. Je ne pensais pas faire de dommage collatéral, ce n’était pas du tout prévu dans mon plan initial ! Mon cahier n’a jamais vu le nom Takagi apparaitre. Et la raison est simple. Je n’ai jamais imaginé quoi que ce soit d’elle.

Elle est juste le rouage qui m’a permis de rendre la liberté de Tsubaki.

Ce soir-là, je n’ai pas réussi à fermer l’œil de la nuit. Je suis resté immobile dans mon lit. J’ai, à un moment donné, perçu mon matelas comme le cercueil dans lequel je souhaitais m’enfouir à jamais. J’étais conscient de l’erreur que j’avais faite. Je n’avais jamais songé une seule seconde à ce qu’une fille autre que Kotone se déclare aussi rapidement. Oui, cette nuit-là, mon imagination n’a fait qu’une action.

Pleurer.

Le jour suivant, Ayame Takagi n’a pas cessé de m’esquiver. J’ai décidé de mettre cette fille de côté le temps que les choses se calment. Ma priorité est ma vengeance.

— Sayuri-kun ?

— Présidente ?

Sous le préau, Hoshino Mi s’approche de moi, dresse un large sourire taquin et me demande.

— Tu t’en sors avec les tracts ?

— J’étais très occupé, alors j’ai proposé à une camarade de classe de m’aider.

— La fête est dans deux jours, tu devrais t’en soucier davantage !

— Oui, oui, mademoiselle la présidente.

Elle frappe le sol du pied et fait mine de bouder.

— Arrête de te moquer de moi.

— J’en tiens note !

Je prends la direction de ma salle puis jette un oeil à ma montre et analyse.

À cette heure-là, Kotone est normalement devant les grands vitraux à côté de notre classe. J’espère juste que Tsubaki ne soit pas avec elle.

Je monte les escaliers et attrape au même instant un stylo et un bout de papier.

Je ferais mieux d’être préventif.

— Sayuri-kun ! Qu’est-ce que tu as fait encore ?

Tsubaki-chan ?

— Qu’est-ce que tu me racontes ?

— Tu m’avais dit que Keshi allait redevenir normal, mais ce n’est pas le cas du tout.

— Comment ça ?

— Elle est bien plus bizarre que d’habitude. Hier, elle ne faisait que parler de toi et maintenant c’est le contraire. Dès qu’on entend ton nom, elle s’énerve. Je ne l’ai jamais vu aussi colérique de ma vie.

— Elle est complètement lunatique ton amie.

Tsubaki attrape mes mains. La finesse de ses doigts m’immobilise. Mes pieds s’enracinent dans le sol. Elle caresse ma paume et laisse ses joues s’empourprer. Un coup de vent ondule sa chevelure. Je suis la définition de la sensibilité, c’est certain. Ma vengeance est prioritaire, certes. Mais je crois que je n’ai pas réussi à enfouir pleinement mes sentiments pour elle. Pourtant, elle m’a humiliée. J’ai connu l’enfer par sa faute. J’arrive encore à me souvenir de ses longues semaines après ses mots qui m’ont torturé. J’en étais malade. Afin d’aller mieux, j’ai même fabriqué une poupée vaudoue qui lui ressemble. Et chaque nuit, pendant des années, je lui enfonçais un cure-dent.

Aujourd’hui cette poupée est un hérisson, alors pourquoi me rend-elle aussi sensible ?

— S’il te plait, fait quelque chose, je compte sur toi, Fuku Sayuri.

Tsubaki a confiance en moi ?

Nostalgique, je ne peux m’empêcher de repenser à une scène. C’est le moment où nous avons pratiqué du sport à l’école primaire. Malgré des tonnes et des tonnes d’efforts, je n’ai pu rattraper mes camarades. Quand je suis revenu de ma course, Tsubaki m’a défendu en disant qu’elle comptait sur moi avant de me trahir quelques mois après.

Ma haine monte et prend le dessus sur mes sentiments. Je lui adresse un faux sourire d’une douceur presque exemplaire et lui réponds.

— Tu peux croire en moi, Tsubaki Ai.

— Merci, articule-t-elle avec sensualité.

— Ce n’est pas elle derrière le poteau, là-bas ?

— Si, je pense.

Je me dirige vers la silhouette qui tente de se cacher et me place dans son dos. Sa longue chevelure qui porte la couleur de l’obsidienne ne peut être qu’elle, Keshi Kotone.

— Ne me regarde pas, s’écrie-t-elle.

— Ne t’inquiète pas, je ne me retournerais pas.

— Qu’est-ce que tu me veux ?

Après avoir vérifié deux fois que personne ne nous espionne, je lui dépose un papier dans sa poche et lui réponds.

— Lis ça tout à l’heure.

Ma journée de cours est restée assez habituelle. Notre professeur m’en a fait bavé bien plus qu’aux autres. Je ne peux que croire qu’il a une dent contre moi. Tanaka de son côté a toujours l’esprit aussi perverti. Takagi m’esquive encore et c’est peut-être mieux ainsi. Lorsque la sonnerie s’est enclenchée, je me suis précipité aux toilettes.

— J’ai des cernes et une sale tronche.

Je passe mes mains sous l’eau et m’éclabousse le visage à plusieurs reprises. Je serre les poings et les tape contre le lavabo jusqu’à en éprouver une douleur suffisante pour me faire comprendre à quel point je suis stupide.

— Reprends-toi Fuku Sayuri, reprends-toi !

J’inspire longuement, observe le cadran de ma montre et après avoir expiré, me dépêche de rejoindre Kotone au café. Sur le chemin, j’ai de nouveau traversé cette rue commerçante. Cette fois-ci je n’ai pas enduré cette fameuse boule à l’estomac, mais simplement une rage profonde pour mes erreurs. Je pensais avoir un plan infaillible et ai calculé pendant des jours toutes les situations possibles. J’ai analysé sans relâche chaque hypothèse et pourtant jamais je n’aurais imaginé deux choses. La première est l’amour qu’éprouve Takagi Ayame pour moi. La seconde, elle, est les retrouvailles récentes de mes sentiments enfouis et blessés ressentis pour Tsubaki. Leurs présences sont encore d’actualité, ils ont refait surface. Malgré tout, je ne pouvais pas m’arrêter là. Je dois poursuivre sur le chemin de la vengeance. Ainsi, le Fuku du passé pourra se libérer de ses chaines et mourir en paix. Pour la suite de mon plan, j’ai laissé une lettre à Kotone. J’y ai écrit que je l’attendais ici, au même café que la dernière fois. Je dois impérativement continuer de la séduire. Devant la vitrine, j’observe mon expression et décèle toute la rage transmise dans ce sourire de clown. À cet instant-là, je médite sur une seule pensée.

Leur duo va subir mon courroux très bientôt.

Mais, une troisième chose que je n’ai pas calculée intervient.



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