Fuku No Ikari
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Chapitre 6 – Défi
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Face à ces mots, Kotone reste silencieuse. Au bout de quelques secondes, son visage surpris révèle des joues rougeâtres puis elle cache son embarras. Je suis déstabilisé, j’avais prédit qu’elle répondrait, oui. Le moment, la situation et le cadre étaient parfaits. Alors comment ai-je pu me tromper à ce point ? Pour améliorer la scène, je fais confiance à mon jeu d’acteur. J’esquive son regard, place mes mains sur mes lèvres. Et j’ai ajouté d’une voix délicate.

— Ne… ne te méprends pas, je voulais simplement t’inviter à sortir au café que j’ai repéré récemment après les cours, demain. Je ne faisais aucune allusion au fait d’avoir des sentiments pour toi !

Mais, de nouveau face à ces mots, Kotone reste silencieuse. Au bout de quelques secondes, son visage attristé verse de lourdes larmes. La pluie semble tomber sur sa sombre figure. Spectateur de cette averse, une question me traverse l’esprit.

Pourquoi mon idiotie est-elle tant présente dans mon cœur ?

La talentueuse harpiste se lève, essuie ses joues et cours à vive allure. Je reste stoïque et paralysé. Seule une bourrasque glaciale vient remonter l’une de mes mèches sur le haut de mon crâne. Ce silence et cette solitude m’angoissent, je me mords les lèvres, serre les poings et chantonne sous les lampadaires lumineux.

— Hé, je ne suis pas humain. Vraiment, je suis désolé.

Je tape un coup de pied d’une force incontrôlée dans le sable. L’impulsion le laisse voler, et je continue.

— Mais je suis conçu pour y ressembler alors on se trompe souvent.

J’entre au sein de ma demeure et annonce.

— Je suis rentré.

— Bienvenue, chéri !

Je plonge dans mon lit et étouffe mes stupides pensées à l’aide de mon coussin. J’attrape un paquet de chips, l’ouvre et me questionne.

Pourquoi n’ai-je pas suivi le plan initial ? Suis-je si débile ?

Sous ma couette, je ferme les yeux, mais ne peux retirer l’image du visage en larme de Kotone.

Après l’enfer du réveil, ma mère me donne mon bento et me confie d’une douce voix avant que je m’en aille.

— L’école se passe bien, chéri ?

— Oui, oui, ne t’inquiète pas.

Sur mon chemin, bien que les arbres soient toujours tant fleurit, bien que le ciel présente un bleu azur. Bien que l’odeur de cette ville n’ait pas changé. Bien que le son de l’eau reste magnifique. L’ensemble de cet horizon, l’ensemble de ces parfums et l’ensemble des mélodies me paraissent si fades.

Alors que je paie un lait à la fraise au distributeur de boissons, je surprends une conversation qui vient sans doute des deux filles derrière moi.

— Tu as entendu Tsubaki-chan tout à l’heure ?

— Non, qu’est-ce qu’elle a dit ?

— Apparemment, un garçon a des vues sur elle !

— Qui aurait l’audace de tenter quelque chose avec une actrice aussi géniale qu’elle ?

— C’est le président du Club de softball, Mochizuki !

— Sérieux ?

— Oui, oui, je l’ai surpris accoster Tsubaki-chan pendant un entrainement il y a quelques jours.

J’ai peut-être trop délaissé Tsubaki, ça ne me plait pas du tout. Je vais devoir m’occuper de cette histoire en priorité. Manquerait plus qu’un garçon réduise mon plan à néant.

Je sirote mon liquide sucré devant la porte de ma classe et écoute de lourds pas approcher de moi.

— Alors c’est toi Fuku Sayuri, demande un jeune homme assez musclé en s’accroupissant à ma hauteur.

— Oui ?

— Je me présente, Mochizuki Susumu. J’ai entendu les rumeurs, apparemment tu aurais explosé le record du lycée au quatre-cents mètres haies ?

Mochizuki, c’est ce gaillard ? Le destin t’a mis sur la mauvaise route.

Je me lève, m’appuie avec mon coude sur son épaule et lui chuchote à l’oreille d’un ton presque ténébreux.

— Alors c’est toi Mochizuki ? Tu ne refuserais pas un affrontement sportif, n’est-ce pas ?

Il s’écroule, ses doigts tremblent sur ce sol poussiéreux et il me regarde, tétanisé.

— Je te défie sur le sport que tu souhaites à seize heures aujourd’hui. La mise sera simple, si tu perds, tu renonceras à Tsubaki.

Le jeune homme remonte sa frange, me laissant contempler son sourire narquois, puis il me demande.

— Et si je gagne ?

— Je t’offre ma vie.

Mochizuki se relève, ricane et s’en va.

Mon existence n’a aucune autre importance que ma vengeance.

[Seize heures.]

Préparé autant mentalement que physiquement, je me sens prêt à éclater toute personne qui se met sur mon chemin. Mon regard est confiant, un seul sentiment m’anime à cet instant.

— Sayuri-kun, j’ai trouvé le sport pour notre défi. On va effectuer trois lancers chacun puis trois coups de batte, chacun.

Du softball ? Il souhaite m’affronter sur son propre terrain ? Sa fierté a décollé dans un sombre abysse.

— Ça me va. Je commence par le lancer.

— Honneur au perdant, ricane-t-il.

Je fais rebondir la balle contre le sol en attendant que Mochizuki se mette en position.

— Tu es prêt ?

— Oui !

Je serre le projectile dans mon poing de toutes mes forces. Ce n’est plus un simple objet rond, c’est l’arme avec laquelle je vais le soumettre à genou. Je prends appui de la jambe gauche qui laisse un grondement terrestre couper ce silence effrayant. Je prends de l’élan de la main droite et lance la balle avec un effet plongé. Mochizuki ne lâche pas le projectile des yeux et le frappe instantanément. Il l’envoie si haut qu’on pourrait l’imaginer finir en orbite.

— C’est tout ce que tu as, Sayuri-kun ?

— Ce n’était qu’un simple échauffement.

J’ai besoin de plus de puissance et de plus de conviction.

Dans le bâtiment, j’entends un brouhaha de voix.

— Regardez sur le terrain les amis !

— C’est Mochizuki et Sayuri ?

— Oui, oui !

— Venez voir !

En un instant, notre public s’est propagé dans l’école. Chacune des fenêtres est ouverte et une centaine d’élèves admirent notre défi.

— Celle-là, il ne pourra pas la frapper.

Je prends appui sur le sable, le choc sous mon pied laisse une trace imposante.

Ryoota-sama, ce lancer est pour te prouver que je suis digne de ton entraînement !

— Yah !

Le projectile atteint une vitesse fulminante, une rapidité si folle qu’elle paralyse Mochizuki.

— C’était quoi ça, se questionne Mochizuki en se mordant les lèvres.

Je l’observe se repositionner et serrer sa batte avec bien plus d’intensité.

— Bien joué, Sayuri-kun !

— Il est trop fort l’adjoint du BDE !

Ils ont raison, je suis bien meilleur que lui en tout point, je ne peux absolument pas me permettre de perdre.

— Dernier lancer Sayuri-kun, hurle mon adversaire au loin.

Je prends l’élan avec mon bras et effectue un mouvement circulaire qui crée un effet de virage dans mon lancer. Mochizuki ne se laisse pas abattre par mon talent. Il prend appui avec sa jambe et son regard fixe le projectile, puis on l’entend crier.

— Maintenant !

Il écrase la balle contre sa batte et la fait s’envoler bien plus loin que la première fois.

— Spectaculaire, Mochizuki-kun !

— Lui aussi il est super bon !

— Ce n’est pas le président du club de softball pour rien.

Mochizuki serre son poing et fait un signe de victoire avant de craquer ses doigts.

— On est à deux points pour moi et un pour toi. On inverse les rôles !

— Oui, oui.

La pression est montée d’un cran. J’observe le bâtiment et admire les élèves croire en mes capacités. Leurs yeux scintillent, et leurs applaudissements sont une divinité du ciel.

Pour Tsubaki, je ne dois pas merder. Je n’ai absolument pas le droit à l’erreur.

La balle s’approche de moi, je tiens la batte avec force, avec confiance. J’analyse la trajectoire, calcule l’ensemble des possibilités. Et, au moment fatidique, j’élance mes bras contre le projectile qui l’envoie valser au fond du terrain.

— Bien joué, Sayuri-kun, on passe au second lancer, ricane-t-il.

Je souffle un grand coup, essuie mon front plein de sueur et me replace.

Du coin de l’œil, j’aperçois Tsubaki et Kotone qui m’observe.

La balle arrive bien trop vite, je n’aurais pas le temps ! Bordel, je n’aurais jamais dû me déconcentrer maintenant !

Le projectile s’enfonce dans le sable derrière moi et j’entends au même moment Mochizuki me taquiner.

— Et bien alors ? Tu es dans la lune, Sayuri-kun ? On est à trois points pour moi et deux pour toi. Si tu ne la frappes pas, tu as perdu !

Je fixe la balle et ne laisse rien me perturber. C’est comme si j’avais formé deux longs couloirs sur les extrémités du terrain.

Concentre-toi.

Le projectile approche. Dans ce lancer, je ressens aucun sentiment, alors J’ai réussi à le toucher d’une facilité presque angoissante.

— C’était quoi ça, Mochizuki-kun !

— J’ai simplement souhaité faire un point en or pour renforcer le suspens, n’oublie pas nos spectateurs Sayuri-kun !

Tu as l’air bien trop sûr de toi.

— Ça fait trois à trois. Égalité parfaite. Ce sera le dernier lancé pour nous départager !

Je fais tourner la batte dans le creux de ma paume et ferme les yeux.

Sale gros,

Dégueu,

Casse-toi,

On ne veut plus te voir !

J’emplis mon arme de toute la haine accumulée, toute cette haine qui m’a tant rongé depuis tant d’années. Je la déverse dans ce coup final.

— Prêt ?

— Oui, Mochizuki-kun, balance tout !

Le jeune homme lève sa jambe droite à cent-quatre-vingts degrés et la fait retomber, sans doute pour gagner de l’élan, ou pour donner du spectacle. Au même instant, j’aperçois son regard se noircir. Cette victoire, il la souhaite plus que quiconque. Je tiens ma batte avec une force inquiétante. Je ferme les yeux et ressens l’accélération de la balle. J’analyse et recalcule chacune des possibilités que sa trajectoire pourrait prendre, et frappe au meilleur moment.

Le projectile s’écrase avec violence sur ma propre haine et l’envoie loin dans le ciel, elle a presque pu toucher le soleil.

— Magnifique !

— On croirait admirer un feu d’artifice !

— Tu as raison, c’est magique.

Je détourne le visage et remarque Tsubaki agenouillé au sol, le regard vide sur la balle que j’ai renvoyée.

— Sérieux ? J’ai perdu ?

— On dirait bien, Mochizuki-kun, lui dis-je en lui rendant sa batte.



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