Le père de Shimaia était l’actuel Empereur Dragon, et donc le compagnon d’armes de Shibaid. Avec l’impératrice, ils étaient des amis proches qui vécurent de nombreuses batailles ensemble.
Il l’aida également de temps en temps lorsqu’elle était enfant, Shimaia était donc comme une fille pour Shibaid.
Il était heureux qu’ils puissent être proches quand elle était plus jeune, mais être vu comme un compagnon potentiel était un problème.
“Nous allons bientôt arriver au château. Plus besoin de bouder.” dit Shibaid
“Comme c’est présomptueux de votre part de dire ça.” répondit Shimaia.
Shimaia dessina une moue sur ses lèvres. Shibaid se contenta d’un sourire crispé.
“N’agissez pas comme ça. J’ai encore des choses à faire – encore une, du moins.” dit Shibaid.
Shimaia remarqua un changement dans la voix de Shibaid. Ses yeux n’étaient pas là, ils regardaient quelque chose au loin.
“Shiba…”
“Wyvern là-bas, ralentissez !”
Shimaia fut interrompu au milieu de sa phrase alors qu’ils approchaient du château ; quatre wyverns s’approchaient d’eux. Il s’agissait des chevaliers dragons de Kilmont, chargés de protéger les cieux de Kilmont.
“Mon nom est Shibaid ! J’ai amené Dame Shimaia Uru Kilmont, la première princesse impériale ! Voici ma preuve !”
Shibaid se présenta devant les chevaliers et déploya la bannière de la famille impériale.
Elle était imprégnée de magie, et répondait aux équipements magiques portés par les chevaliers dragons.
“-L’authenticité a été confirmée. Nous nous excusons pour les formalités.”
“Bien. Vous êtes les gardiens des cieux de mon pays ! Continuez et rejoignez vos postes.”
“Oui, monsieur !”
Au commandement de Shibaid, les hommes saluèrent et s’envolèrent. Les deux personnes les regardèrent s’envoler en formation parfaite. En les observant, on pouvait se faire une idée de l’entraînement que subissaient les chevaliers.
“Hm ? On dirait qu’il y a une fête de bienvenue.”
“Une fête de bienvenue ?”
En suivant les yeux de Shimaia, Shibaid regarda le château et vit sur l’air d’atterrissage de la Wyverne un groupe de personnes. À l’avant se trouvait quelqu’un que Shibaid connaissait bien.
Une fois qu’ils atterrirent en toute sécurité, cet homme s’approcha d’eux avec un serviteur à ses côtés.
“C’est bon de vous voir tous les deux de retour. Vous êtes rentrés plus tôt que je ne le pensais.”
“Père, que fais-tu ici ?”
L’homme que Shimaia venait d’appeler père était indubitablement Zaikuin Baal Kilmont, l’Empereur Dragon. Son corps qui rivalisait, voire surpassait, celui de Shibaid était couvert d’écailles d’un cramoisi profond, et ses cornes violettes le dominaient majestueusement.
“J’avais le sentiment que vous reviendriez aujourd’hui. Il semble qu’il n’y ait eu aucun problème.”
“Oui. Les descendants de Monsieur Girard sont des individus distingués.” répondit Shimaia.
Zaikuin hocha la tête en signe de satisfaction à la réponse de sa fille.
Même s’ils étaient père et fille, ils menaient actuellement ce qui semblait être un rapport d’affaires entre un empereur et son serviteur.
“Si Shimaia le dit, alors je suis sûr qu’il n’y a aucun problème. Nous pourrons parler des détails plus tard. Maintenant il est temps pour vous de vous reposer après votre voyage.”
“Oui, mon Seigneur.”
Shimaia quitta le quai et se dirigea vers le château, et Zaikuin demanda aux gardes qui étaient restés vigilants derrière eux de se retirer. Sachant que l’empereur était en sécurité si Shibaid l’accompagnait, ils obéirent sans hésiter.
“Maintenant, avant que Shimaia ne fasse son rapport, j’aimerais t’entendre. Tu as le temps, n’est-ce pas ?” demanda Zaikuin ; ses gardes étant partis, il détendit quelque peu son ton.
“Oui, j’ai aussi quelque chose à discuter avec vous, votre Grâce. Je vous réserverai du temps ce soir.”
Après un moment de légère surprise, l’empereur acquiesça.
Ils n’étaient que tous les deux, il n’y avait personne pour s’opposer à ce que Shibaid puisse ignorer la demande de l’empereur.
◆◆◆◆
C’était plus tard, la nuit. Shibaid fut amené dans la chambre privée de Zaikuin.
“Il n’y a pas besoin de formalités ici. De quoi veux-tu discuter avec moi ?”
“Avant cela. Je m’excuse, mais je voudrais demander aux hommes qui se cachent de quitter la pièce.”
“…il semble que ce soit quelque chose de très important.”
Zaikuin ordonna aux hommes cachés sous le sol et dans le plafond de partir. Normalement, l’empereur n’était jamais autorisé à être seul avec un aventurier, mais s’il s’agissait de l’ancien empereur Shibaid, c’était une autre histoire.
“Maintenant donc. Que s’est-il passé ? Cela a-t-il un rapport avec Monsieur Girard ? ”
La voix de Zaikuin résonna dans la pièce silencieuse. Girard étant le sujet de discussion, le ton de sa voix semblait montrer de l’inquiétude pour Shibaid.
“Non, il ne s’agit pas de lui. Girard est décédé heureux et à l’aise. Son visage semblait paisible après son départ.”
“Je vois. Après avoir entendu la nouvelle, je pensais que ce serait impossible, mais je suis soulagé de savoir qu’il est parti sans regrets.”
En entendant les propos de Shibaid, Zaikuin laissa échapper un soupir de soulagement. Lui aussi s’était autrefois battu aux côtés de Girard.
Comme Shibaid, même si ce n’était pas dans la même mesure, ils étaient tous deux des souverains, des guerriers et des camarades entretenant une relation de longue date. Il ne voulait pas imaginer Girard souffrir en mourant.
“Cependant, s’il ne s’agit pas de Monsieur Girard, de quoi veux-tu discuter ?”
Avec les circonstances telles qu’elles étaient, Zaikuin pensait que cela devait avoir un rapport avec Girard. Il regarda Shibaid d’un air légèrement confus.
“Permets-moi de m’excuser par avance pour ma franchise. Je vais quitter l’empire. Cela ne m’inquiète pas, mais à partir de maintenant, il me sera difficile de t’aider.”
” … Cela signifie donc que tu ne prévois pas de revenir ? !”
L’étonnement de Zaikun était si évident qu’il se lisait clairement sur son visage de dragon.
Jusque-là, Shibaid travaillait au cœur de Kilmont. Ce qu’il venait de dire, cependant, donnait l’impression qu’il allait partir et ne jamais revenir.
“Peut-être qu’une nouvelle base de Hauts Humains a été découverte ?”
Sur le continent d’Eltnia, il y avait plusieurs bases que les Hauts Humains laissèrent derrière eux. Parmi elles, il y avait le célèbre château volant de Rashugum et Palmirack, qui servait maintenant de bastion à l’Église.
Cependant, avec la dérive des continents, plusieurs bases disparurent. La base de Shin, le maître de Shibaid, le “Sombre Forgeron”, ne fut pas encore retrouvée.
En regardant le visage inquiet de Zaikuin, Shibaid dit calmement : “Non, ce n’est pas ça. Je ne resterais pas non plus dans le Sanctuaire de la Lune.”
“Alors, pourquoi as-tu besoin de partir ? La seule autre chose à laquelle je pense serait les démons. Mais je n’ai pas entendu de nouvelles depuis le “Crépuscule de la Majesté.”
“Ce n’est pas ça non plus.”
“Alors quoi ? Autant cracher le morceau.” dit Zaikuin en laissant échapper un soupir mécontent.
Il avait confiance en Shibaid, alors quand il n’y avait personne d’autre autour, l’empereur pouvait laisser échapper ses manières.
“Un compagnon à qui j’ai juré fidélité est revenu. Comprends-tu ce que j’insinue ?”
“Tu ne veux pas dire … !?”
Les yeux de Zaikun s’ouvrirent en grand. Les pupilles qui fixaient Shibaid étaient remplies de quelque chose qui allait au-delà de l’étonnement ; il y avait de l’admiration en elles.
“C’est certain. Et tôt ou tard, il y aura d’autres personnes qui le remarqueront. C’est pourquoi je vous en informe maintenant.” dit Shibaid en regardant droit dans les yeux Zaikuin.
“A partir de maintenant, tu ne dois en aucun cas affronter notre maître. Si tu le fais, je devrai tirer mon épée contre toi.”
Assis devant lui, ce n’était pas un aventurier de rang SS, ni l’empereur Dragon fondateur de l’empire. C’était un seul guerrier qui jura allégeance à son maître. C’était écrit dans ses yeux : ‘nous avons peut-être mené de nombreuses batailles ensemble, mais oppose-toi à moi et tu ne trouveras aucune pitié.’
“…Je vois. Il est vraiment revenu.”
Face à la détermination de Shibaid, Zaikuin resta silencieux. Après quelques instants, il expira tranquillement.
Ce n’était pas comme si un adieu n’était pas triste.
Mais Shibaid pouvait le voir dans l’expression de Zaikuin ; ils passèrent tant d’années ensemble que l’empereur comprenait ce qu’il ressentait.
“Je suis désolé. Je ne peux pas rester sans rien faire, maintenant que nous nous sommes retrouvés.”
“Ne t’excuse pas. Je suis de ton côté. Je serais heureux d’avoir quelqu’un comme toi à mes côtés. Ton maître doit être content aussi. Lors de notre première rencontre, tu regardais toujours au loin. Je savais que tu étais toujours en quête de quelque chose.”
“Ha. Vraiment ?”
“Tu ne le savais pas ? Je suppose que la personne elle-même ne le remarque jamais.” gloussa Zaikuin.
Pour Shibaid, le sourire de Zaikuin était le même qu’à l’époque de leur première rencontre. C’était son vrai sourire, celui qui se cachait sous sa façade d’empereur.
“Shimaia va être bouleversée “, dit Zaikuin en soupirant, comme pour évacuer la tension.
“Elle s’en remettra. Elle est solide.”
“Tu es le seul à pouvoir penser ça.”
Shibaid fronça les sourcils lorsque Zaikuin ignora ce qu’il disait.
C’était Zaikuin qui savait que sa fille avait des sentiments pour Shibaid, mais qui ne faisait rien pour l’empêcher de se développer.
“Alors, quand vas-tu partir ? Tu nous permettra de te dire au revoir ?”
“J’ai d’abord quelques missions à régler. Elles ne devraient pas prendre beaucoup de temps.”
“Je vois. Ce sera difficile à expliquer aux autres, cependant. Ce n’est pas comme si je pouvais leur dire la vérité, après tout”, déclara Zaikuin en se grattant le menton, le visage rempli d’inquiétude.
Un Haut Humain était revenu. Si la nouvelle se répandait, de nombreux groupes allaient commencer à se mobiliser. La faction noire du culte Shiten allaient être ravie, elle allait tenter certainement d’entrer en contact avec lui.
Les nouvelles n’étaient pas toutes bonnes, cependant.
Il y avait des imbéciles qui, ne comprenant pas le pouvoir des Hauts Humains, pouvaient chercher à les manipuler. Et pour la plupart des gens, les Hauts Humains n’étaient que des légendes ; ils les considéraient comme des contes de fées, ne comprenant pas ce qui était vrai et ce qui ne l’était pas.
“J’attends de toi que tu fasses de ton mieux pour garder le secret. Cependant, leur temps passé dans l’anonymat ne durera pas longtemps. Schnee l’accompagne déjà, et j’ai entendu dire qu’il y en a d’autres aussi. Même si je ne faisais rien, leur nom ressortirait quand même.”
“C’est ainsi. Les hommes forts attirent les ennuis. Tu n’es pas une exception.”
“Je ne fais pas exception ?”
“Bien sûr.”
Zaikuin semblait vouloir dire quelque chose à Shibaid qui avait l’air perplexe.
“Je comprends que tu ne veuilles pas rester ici. Mais pour l’instant, en souvenir du bon vieux temps… rejoins-moi pour boire un verre. Pour moi, c’est peut-être un moment de deuil, mais pour toi, ce sera un verre de célébration.”
“Fumu. Buvons.”
Alors que Zaikuin apportait une bouteille spéciale, Shibaid sortit un objet précieux de son coffre.
Ils n’allaient peut-être plus jamais se revoir.
Sachant qu’il en était ainsi, les deux Dragnils, l’un noir de jais et l’autre cramoisi, levèrent leurs verres l’un vers l’autre.