Livre 3, Chapitre 93 – Percée ! Évasion !

Le système de défense Nirvana de Dark Atom était une catastrophe naturelle créée par l’homme – une éruption volcanique massive qu’il pouvait déclencher à volonté. La chaîne de montagnes de Blisterpeak était une immense étendue de territoire, jalonnée de volcans prêts à exploser. Si l’un d’entre eux explosait, des dizaines de kilomètres seraient couverts de lave mortelle. De plus, l’échelle d’un seul volcan était monstrueuse. Si la montagne sous laquelle se trouve le Nucleus venait à exploser, les résultats seraient catastrophiques.

Au minimum, les soldats élyséens pris dans le cataclysme auraient du mal à se mettre à l’abri. La force d’une seule personne face à la fureur de la nature ne signifiait rien.

Une fois le Nirvana déclenché, la zone de plusieurs kilomètres autour de Nucleus serait ensevelie sous de la pierre liquide et des cendres volcaniques pendant un long moment. Tout ce qui se trouvait à portée mourrait, et pendant un long moment, la ville resterait isolée du monde extérieur car il serait impossible de s’en approcher. Pour se préparer à cela, Nucleus avait depuis longtemps établi un écosystème fermé. Elle disposait de nourriture, d’eau et de ressources pour se maintenir en vie sans aide extérieure pendant près d’une décennie. C’était leur meilleur atout, à n’utiliser que dans les pires circonstances.

Sur le site de leur grande bataille, la chaîne de montagnes était déjà devenue une mer de lave. Des cendres recouvraient des marées de pierres rouges, aussi épaisses que de la boue mais aussi agitées que la marée. Ses reflets ardents peignaient les flancs des montagnes en teintes dramatiques, tandis que des houles de lave déferlaient dans les vallées. Ceux qui étaient pris à découvert étaient emportés, morts avant d’avoir pu se noyer.

À ce moment, le ciel et la terre n’avaient plus de frontières.

Au-delà de la portée des marées de lave, des orbes de lave crachées par les volcans tombaient encore. Elles frappaient le sol comme des missiles, parfois à des dizaines de kilomètres, volant la sécurité de l’air. Les vaisseaux de guerre élyséens esquivaient et louvoyaient, mais en vain. Les pyroclastes s’écrasaient sur leurs coques, les faisaient exploser et mettaient le feu à tout ce qu’ils touchaient. Il n’y avait aucun secours pour les humains pris dans la zone de l’explosion.

Toutes ces conneries qu’il crachait à Drake… Cloudhawk n’aurait jamais cru qu’il aurait raison.

C’était vraiment un piège. Ils se cachaient toutes ces années, faisant croire aux gens qu’ils avaient peur de Skycloud pour que les Élyséens accourent quand ils seraient découverts. Bien sûr, ils allaient lancer tout ce qu’ils avaient sur Dark Atom, aussi vite qu’ils le pouvaient avant que les rats ne puissent retourner dans leurs trous. Ils étaient loin de se douter qu’en apportant toute leur puissance, ils faisaient le jeu des rebelles.

Dark Atom n’avait pas activé Nirvana non plus. Wolfblade voulait que son filet soit plein à craquer avant de tirer la prise.

Quel prix terrible les Élyséens avaient payé pour leur haine !

Cloudhawk ne semblait pas avoir de mal à se sortir de situations délicates. Cette fois-ci, il s’agissait de sauver une escouade entière de soldats, et c’était une tâche qu’il avait bien failli échouer. Mais il serra les dents et puisa dans tout ce qui était en lui, puisant imprudemment dans son potentiel.

Des vagues de chaleur étouffante se rapprochaient. Il avait l’impression que sa tête allait exploser !

Brontes et Roc sentaient la chaleur torride les envahir et avaient déjà perdu tout espoir. Comment étaient-ils censés s’en sortir ?

Cloudhawk ignorait ce qui les entourait et concentrait tout sur la pierre de phase. Il y avait un océan de force psychique en lui. Il l’avait vu ! Pourquoi ne pouvait-il pas faire appel à ce pouvoir pour lui-même ?

Pourquoi était-il toujours limité à faire appel à une si petite partie de cet héritage ? Pourquoi ne lui donnait-on pas plus ? Il n’était pas satisfait des limites. Il avait besoin de ce que la pierre pouvait offrir. C’était le seul moyen de les sauver, lui et les autres, de l’anéantissement.

« Sort ! Donne-la-moi ! »

Drake le vit se débattre. « Si tu ne peux pas le faire, alors sauve-toi. Sors d’ici ! »

« Ferme ta gueule ! » Cloudhawk était né avec un esprit têtu, et il y puisait. Des veines se gonflèrent sur son front, et les vaisseaux de ses yeux s’engorgèrent. « Qui dit que je ne peux pas le faire ? ! Je vais vous montrer ce que je peux faire, putain ! »

La volonté et le corps étaient poussés dans leurs plus hautes limites quand enfin, une lumière aveuglante jaillit de la pierre de phase.

Dans les recoins de son esprit, Cloudhawk vit la mer d’énergie mentale. Une grande partie de celle-ci se dissipa mais ne disparut pas. Au lieu de cela, elle resta suspendue dans l’obscurité comme un nuage tandis qu’une partie d’entre elle était attirée en lui.

Pour lui, c’était comme une bouffée d’air frais, un jet d’eau fraîche qui traversait son corps et son esprit. Ses propres énergies mentales étaient comme un filet d’eau, mais maintenant, tout d’un coup, c’était un ruisseau.

Je l’ai eu ! Putain, je l’ai !

Son allégresse n’était pas due au fait qu’il avait réussi à appeler le pouvoir de la pierre. Cloudhawk était heureux parce qu’il avait réussi à faire sien ce pouvoir. Ce n’était pas seulement une montée de force temporaire. C’était une percée !

Depuis l’obtention de la pierre de phase, elle était devenue la source d’une grande partie des énergies mentales de Cloudhawk. Au fil du temps, elle augmentait progressivement, mais absorber la puissance de cette mer noire était lent et laborieux. L’énorme héritage de l’ancien maître de la pierre n’était pas facile à transférer. Au lieu de cela, à mesure qu’il devenait plus fort, il pouvait enfin franchir le goulot d’étranglement et augmenter ses capacités.

Au cours des dernières années, l’amélioration était exactement ce qu’il recherchait. Étape après étape, heure après heure, il en récoltait enfin les fruits.

Il ne savait pas quand il avait acquis la force de raffiner une partie du pouvoir de la pierre, seulement que c’était le moment. Il avait manqué d’élan, mais l’environnement mortel et sa volonté de sauver Drake lui avaient donné ce dernier coup de pouce. Enfin, quand tout était en place, il était enfin capable de pousser à travers le bloc qui le retenait.

« Ce n’est pas bon ! Tu dois partir ! »

Drake n’avait aucune idée de ce qui se passait dans Cloudhawk. Tout ce qu’il savait, c’est que la lave allait rapidement les clapoter sur les talons. Si il ne s’enfuyait pas maintenant, il perdrait sa chance.

Il respectait les intentions du gars. Drake regrettait juste de ne pas l’avoir écouté en premier lieu. Si Cloudhawk mourait à cause de son entêtement, son esprit ne connaîtrait aucun repos, même une fois parmi les dieux.

« Tais-toi ! » Il répondit en hurlant de frustration.

C’était le moment ou jamais. Ses pouvoirs nouvellement améliorés atteignirent la pierre et s’unirent à elle. La puissance combinée se diffusa dans l’air autour d’eux pour former une bulle avec Cloudhawk en son centre. Elle gonfla jusqu’à englober tout le monde et puis…

Ils disparurent.

Drake vit tout cela comme une sorte de rêve.

Un moment avant que la lave dégringolant des montagnes ne les atteigne, il ressentit une force motrice étrange et intense. La marée en fusion les balayait, mais rien. Il n’y avait pas de brûlure, pas de chaleur d’aucune sorte. Avant qu’il ne s’en rende compte, ils couraient à travers la lave plus vite qu’il ne pouvait l’imaginer et de plus en plus vite.

Tout disparaissait. La poussière, la lave, les montagnes, les rochers… tout disparaissait derrière eux dans de légères traînées de lumière jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent.

Tout était arrivé en une fraction de seconde.

Drake tituba et regarda autour de lui. « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

A en juger par leurs visages, tous les autres soldats avaient la même question brûlante.

En vérité, Cloudhawk ne savait pas. Il se concentrait sur la pierre, lui demandant de les envoyer loin du danger. Quand il ouvrit les yeux, ils étaient à dix mille mètres des montagnes. À cette distance, ils étaient relativement en sécurité.

La téléportation ! Ça doit être ça. La téléportation !

Eh bien, plus précisément, c’était un voyage instantané. Les pouvoirs connus de la pierre étaient tous liés à l’espace.

Cloudhawk savait que le pouvoir qu’il venait d’utiliser était différent du phasage. Il ne traversait pas non plus les dimensions. Cette fois, il disparaissait complètement d’un endroit et apparaissait ailleurs, avant même qu’il ne puisse le comprendre. Téléportation.

Phasage, voyage dimensionnel… Avait-il trouvé un autre moyen pour que cette pierre se joue de l’espace ? Y avait-il quelque chose qu’il ne pouvait pas faire ?

Quand il se calma, il décida de réessayer. Mais, quand il essaya, une douleur aiguë secoua son corps. Il lui avait fallu toute son énergie mentale pour mettre tous ces gens en sécurité. Et c’était une surprise. Après sa percée, il avait l’impression d’avoir l’acuité mentale nécessaire pour affronter même un chasseur de démons vétéran sans avoir besoin de sa rage berserker.

Mais même ainsi, il n’avait eu qu’une seule téléportation en lui.

Le commandant des Talons de Dieu fixa Cloudhawk en état de choc. « Une sorte de pouvoir dimensionnel ? »

Drake le fixait comme s’il ne l’avait jamais vu auparavant. « Comment diable ai-je pu ne jamais voir ça ? »

« Est-ce qu’on peut éviter de s’énerver pour des conneries maintenant ? » Il était épuisé, et il ne pouvait pas les sauver à nouveau, même sous la menace de la mort. Alors il serra les dents et leur grogna dessus. « Nous ne sommes pas encore sortis de la merde. On doit sortir d’ici parce que je refuse de mourir avec vous, bande d’idiots. »

Des morceaux de lave commencèrent à tomber autour d’eux comme pour ponctuer leur besoin de s’échapper de cette gorge mortelle. Tout le monde avançait en titubant aussi vite qu’il le pouvait, mais tous étaient épuisés.

« Général ! Par ici ! » La carrure d’un soldat corpulent apparut. « J’ai exploré la zone. Il y a un canyon que nous pouvons utiliser pour sortir d’ici. Tout le reste est envahi par des rivières de lave. Le canyon est notre seule issue. »

Cloudhawk hocha la tête en signe d’approbation. « Bien joué, Hammy ! »

Cette unité, qui s’était cachée pour préparer une embuscade pendant toute la bataille, montrait maintenant sa valeur. Les soldats, épuisés et blessés, remercièrent silencieusement la clairvoyance d’Hammont. Sans lui, ils n’auraient probablement pas trouvé d’abri avant que la lave ne les atteigne.

Seulement, juste à ce moment-là, le sifflement de quelque chose perçant l’air retentit.

Une douzaine de silhouettes tombèrent d’en haut. Alors qu’ils étaient arrivés dans de resplendissants manteaux blancs, la cendre volcanique les avait rendus gris. Les nobles visages des chasseurs de démons étaient maculés de suie, mais cela n’enlevait rien à leur majestueuse présence.

L’un d’entre eux fit un pas en avant, apparemment d’un rang supérieur. « Où est le canyon ? ! Conduisez-nous là-bas immédiatement ! »

Nobles chasseurs de démons ! Le cœur d’Hammont battit à cent à l’heure. Il s’empressa de répondre. « Ne soyez pas impatients, vos Excellences. Sir Cloudhawk et le lieutenant-général viennent d’arriver. Mettons nos ressources en commun et partons ensemble. »

« Qu’avez-vous dit ? Cloudhawk… ! » Les yeux du chasseur de démons le plus âgé brillaient comme ceux d’un faucon en colère et repéraient avec autant d’acuité une silhouette parmi la foule. C’était lui, presque effondré et entouré de généraux. Une lumière ouvertement hostile brûlait au fond de ses yeux. « Toi ! »

Cloudhawk reconnut immédiatement l’homme. C’était Augustus Cloude, l’un des hommes de confiance d’Arcturus !