Cette vision de ce pays tout droit sorti d’un rêve n’était pas, cette fois-ci, causée par Dame Oignon et le fil de karma rose.
Song Shuhang revoyait simplement la ville majestueuse dans le ciel, à demi conscient.
Pourquoi est-ce que j’y pense maintenant ? Est-ce parce que je me rapproche de la mer de Chine orientale ?
Le jeune homme, qui était en train de rêver, regarda tout autour et vit qu’il y avait des montagnes, des lacs, des forêts et des prairies sur l’énorme île flottante.
Il y avait aussi une ville très ancienne, ainsi que de hauts remparts pour la protéger.
Dans ce rêve, il contemplait tout cela d’un point de vue surélevé. Il surplombait l’île dans le ciel et découvrait clairement la disposition de la cité. Le centre était particulièrement accrocheur, une grande tour s’y dressant.
Toutefois, il n’y avait personne. Pas un chat.
Est-ce l’île mystérieuse ?
La dernière fois, à travers Dame Oignon, il avait pu sentir la présence du moine bouddhiste nommé Neuf Lanternes – ou peut-être devait-il penser à elle comme une nonne bouddhiste ? Cependant, il ne la voyait pas dans son rêve. Il ne voyait personne.
Après avoir passé les lieux au peigne fin, son regard se porta vers l’extérieur sauvage. Pour être plus précis, vers l’immense forêt.
Il aperçut un énorme lac en forme de croissant de lune.
Extrêmement beau.
Il lui rappelait les lieux mystiques qui apparaissaient constamment dans les films fantastiques. Des eaux tranquilles, où se reflétait le clair de lune. Un endroit enchanteur. Si l’on prenait une photo avec un téléphone, il était inutile de retoucher l’image. Celle-ci pouvait directement être utilisée comme fond d’écran.
Juste au moment où il allait se rapprocher du lac… Quelque chose sous la surface perçut son regard.
Splash ! Un énorme poisson bleu tout en longueur apparut, fonçant directement vers le ciel.
Il était vraiment énorme. La partie visible de son corps, hors de l’eau, faisait au moins dix mètres de long. Sa silhouette était celle d’un serpent et il n’avait pas d’écailles… Sa peau ressemblait à une écorce d’arbre desséchée.
L’énorme poisson bleu faisait face au ciel, lui montrant ses dents terriblement pointues. Sa langue ressemblait à un petit poisson vert très étrange, qui avait une paire de griffes pointues qui gesticulaient de manière menaçante vers Song Shuhang.
Il fut choqué. Presque comme s’il avait regardé un documentaire paisible et agréable avant de voir apparaître un fantôme hurlant.
N’importe qui aurait été effrayé.
Après quoi, l’étudiant se réveilla.
❄️❄️❄️
– « Était-ce un cauchemar ? » marmonna-t-il en ouvrant lentement les yeux.
Il s’aperçut qu’au-delà du hublot, tout était noir. Le genre de ténèbres où il était impossible de voir ses propres doigts.
– « Eh bien ? Qu’est-ce qu’il se passe, il fait déjà nuit ? »
Ce n’aurait pas dû être le cas pourtant. Lors du décollage, la matinée était à peine entamée et le vol ne devait pas durer plus de deux heures. Alors comment se faisait-il qu’il fît si sombre ?
Et puis, pourquoi les passagers autour de lui avaient-ils l’air si paniqués ?
– « Que s’est-il passé ? » demanda-t-il immédiatement à Joseph, toujours assis à côté de lui.
Celui-ci sourit amèrement. « Maître, quelque chose de terrible vient d’arriver. »
Juste au moment où il s’apprêtait à tout lui expliquer, la voix hystérique de l’hôtesse de l’air se fit entendre.
– « Chers… chers passagers… Je dois me renseigner, y a-t-il quelqu’un qui sache piloter un avion parmi vous ? »
Après quoi, elle répéta en anglais.
Les passagers s’affolaient. Le chaos ne tarda pas à s’imposer.
– « Mais que se passe-t-il donc ? Pourquoi demande-t-elle s’il y a un pilote dans l’avion ? » insista le pratiquant.
– « Il y a trois minutes à peine, tout est soudainement devenu noir dehors, » expliqua Joseph, qui faisait de son mieux pour rester calme. « Après cela, nous avons réalisé que de nombreuses personnes avaient disparu, dont ma fille. C’est comme si elles n’avaient jamais pris l’avion. » Il serra les dents. Il était très inquiet à son sujet. « Pire encore, le pilote et le co-pilote ont tous les deux disparu. Les membres d’équipage à l’avant de l’avion aussi… Tous. »
Song Shuhang était stupéfait.
Les pilotes ont disparu !? Certains des membres de l’équipage qui auraient pu prendre leur place aussi ?
C’est quoi cette plaisanterie ?! Alors, qui pilote l’avion ?
– « Se pourrait-il que je sois toujours en train de rêver ? » murmura-t-il.
Parfois, certaines personnes enchaînaient les cauchemars. Dès que le premier était terminé, ils passaient au second.
Cette situation se produisait généralement en cas de maladie, comme une grippe, ou si leur santé était globalement mauvaise.
– « Ce n’est pas un rêve, Maître. Notre situation actuelle est vraiment mauvaise… L’avion suit le pilote automatique, nous devrions nous en sortir pour le moment… Mais tôt ou tard, l’avion va s’écraser. » Il sourit amèrement. Un bleu était visible sur son bras. Il s’était lui-même pincé. Trois minutes plus tôt, il avait lui-même cru faire un cauchemar. Pourtant, même en se faisant mal, il ne s’était pas réveillé.
Ce n’était pas un rêve… mais la cruelle réalité.
La voix paniquée de l’hôtesse de l’air en larmes s’éleva à nouveau. « Bouhouhou… S’il vous plaît, ne me criez pas dessus, ça ne sert à rien… Beuh… Je ne sais pas comment piloter un avion. Si parmi vous quelqu’un sait comment faire, qu’il vienne vite à l’avant. Même le pilote automatique ne fonctionne plus correctement maintenant. »
Les autres employés étaient entourés par des individus agités. Ils n’avaient absolument aucune idée de ce qu’ils devaient faire. Après tout, aucun d’entre eux ne pouvait faire fonctionner les commandes de l’avion.
Les passagers étaient tous désespérés.
Quel genre de plaisanterie était-ce là ? Comment espérer trouver un pilote parmi quelques passagers ? Croyaient-ils pouvoir tomber sur un agent spécial 007 ? Pensaient-ils être dans un film de science-fiction où le personnage principal, quelqu’un qui était déjà allé dans l’espace, apparaissait soudainement ?
❄️❄️❄️
La voix de Zhugeyang, derrière Song Shuhang, retentit. « Je suis désolé, je suis tellement désolé, tout le monde. C’est de ma faute si nous sommes partis pour la station balnéaire en mer de Chine orientale. Et maintenant vous êtes tous… »
À ses côtés, Gao Moumou étreignait sa petite amie Yayi en se forçant à sourire.
Tubo était plutôt déprimé. Il posa contre son siège, en arrière. Il avait accepté une invitation à partir en voyage et il était sur le point de mourir. Qui n’aurait pas été dépité ?
– « Ne perdons pas plus de temps, écrivons une lettre d’adieu. Avec un peu de chance, elle pourra survivre au crash. Utilisez votre téléphone portable pour la taper, peut-être qu’il y aura assez de réseau pour l’envoyer avant de mourir. » Zhuge Yue déverrouilla son écran avec son doigt et commença à écrire rapidement sur le clavier.
Joseph soupira et prit silencieusement son téléphone, l’alluma et se prépara à écrire son dernier message. « Maître, allez-vous aussi écrire une lettre ? Quel dommage. J’ai eu tellement de mal à trouver quelqu’un comme vous qui maîtrise des techniques d’arts martiaux chinois authentiques. Cela fait à peine quelques jours, et maintenant je suis sur le point d’aller au paradis. »
Song Shuhang ne répondit rien.
Piloter un avion ? Il savait une chose ou deux. Cependant, il avait été formé pour utiliser un jet privé, ce qui était assez différent d’un vol commercial comme celui-ci. De plus, il n’avait pu se faire la main que sur un simple hélicoptère.
… À situation désespérée, mesure désespérée.
Il se leva, prit son sac à dos et se dirigea vers le poste de pilotage.
À l’avant, une hôtesse de l’air un peu potelée répétait encore et encore les mêmes mots. Ses deux jambes tremblaient, elle était terriblement effrayée.
Autour d’elle, un groupe de passagers en colère exprimait sa rage en toutes sortes de langues pour lui lancer des malédictions. Puisqu’ils allaient y passer, ils cherchaient un bouc émissaire.
Joseph regarda Song Shuhang, perplexe, ignorant ses intentions.
De même, Gao Moumou l’observa d’un air déconcerté. Après avoir réfléchi un moment, il secoua doucement Yayi, dans ses bras, la repoussant dans son fauteuil.
Puis il tapota l’épaule de Tubo, lui demandant de l’accompagner pour suivre Song Shuhang et découvrir ce qu’il faisait.
Face à la mort, les Hommes révélaient leur vraie nature.
– « Excusez-moi, pourriez-vous me laisser passer ? » À ce moment-là, Song Shuhang se frayait un chemin à travers la foule. Quand il joua des coudes, il força les gens à s’écarter.
Très vite, il arriva devant l’hôtesse de l’air grassouillette.
– « Salut mademoiselle. Si vous cherchez quelqu’un pour piloter l’avion, pourquoi ne pas me laisser essayer ? » Il fouilla dans sa poche et sortit sa licence de pilote privé, puis la lui tendit. « Même si ce n’est qu’une licence pour le privé, et que les vols commerciaux sont légèrement différents, si personne d’autre ne peut prendre les commandes, je vais m’en charger. »
Il ne parlait pas fort, mais tous les passagers qui l’entouraient l’entendirent clairement.
Immédiatement, tous se turent. Tous le regardaient avec espoir. À ce moment-là, le jeune homme était leur dernier rayon de lumière face aux ténèbres.
Song Shuhang avait l’air un peu jeune. Aux yeux de la majorité, être jeune était synonyme de manque d’expérience, et donc de manque de fiabilité. Cependant, à cet instant précis, personne ne se souciait de son âge.
Ce qui leur importait, c’était sa licence de pilote privé. Ils voulaient savoir si elle était vraie ou non !
– « Quand Shuhang a-t-il appris à piloter un avion ? » Gao Moumou baissa la voix, les yeux grands ouverts.
– « Comment est-ce que je pourrais le savoir ? » rit amèrement Tubo. Ils avaient passé leur permis de conduire ensemble peu de temps auparavant. Et maintenant, il dégainait comme par magie une licence de ce genre ?
Gao Moumou se rapprocha de l’oreille de son ami. « Ce n’est pas un faux, non ? »
Song Shuhang n’avait absolument pas pu avoir le temps ni d’apprendre la théorie, ni de passer l’examen !
Ils étaient, après tout, ses colocataires et ils connaissaient à peu près son agenda pour le semestre. Aller prendre des cours de ce genre réclamait beaucoup de temps. Il n’aurait jamais pu le leur cacher.
En y pensant, Tubo devint blanc comme un linge.
Mais alors, l’hôtesse de l’air rendit joyeusement sa licence au jeune étudiant et lui dit : « Monsieur Song, par ici s’il vous plaît ! Nous ne pouvons compter que sur vous ! »