Rose avançait péniblement dans le sombre souterrain.
La blessure dans son dos qu’elle avait reçue en s’échappant continuait saigner. Bien qu’elle n’était pas profonde, elle n’était pas non plus superficielle.
Elle avait besoin d’un traitement d’urgence, mais avec des poursuivants à ses trousses, elle n’avait ni le temps ni l’opportunité de le faire.
Elle avait concentré sa magie sur la blessure comme mesure de fortune, mais la douleur ne faisait qu’augmenter avec le temps qui passait. Et en proportion inverse, elle dépensait à la fois sa magie et sa force physique.
Sa respiration était irrégulière.
Même si ses sens étaient aiguisés pour détecter les signes de ses poursuivants, elle n’avait cessé de réfléchir.
À ce moment-là, quel était le choix vraiment correct ?
Quel était le meilleur choix ?
Cette question sans réponse tournait en boucle dans sa tête.
Poignarder Doem, son fiancé, était une décision prise sur le vif. Mais ce n’était en aucun cas une action impulsive. Dans le temps limité qui lui était imparti, elle avait conclu que c’était le meilleur choix. Ou du moins, c’était censé l’être.
Mais son plan avait échoué.
Doem vivait toujours, et elle était devenue une fugitive.
Mais le recul était de 20-20. Son erreur avait été de mal jauger la vraie force de Doem. Mais cela ne signifiait pas nécessairement que son choix d’éliminer Doem était aussi une erreur.
On pouvait même dire qu’elle n’avait pas d’autre choix. À l’instant où elle avait vu son père différents… à l’instant où elle avait vu les yeux du roi du Royaume d’Oriana, Rose avait décidé d’éliminer Doem. Le lien entre Doem et le Culte ainsi que toutes les autres rumeurs concernant le Culte se sont instantanément transformés en vérités confirmées dans son esprit à l’instant où elle avait vu le père qui semblait perdu et avait été transformé en une simple marionnette.
C’était pourquoi elle avait tiré son épée.
Était-elle impulsive à ce moment-là ?
Était-elle trop impatiente ?
N’avait-elle pas agi avec précipitation et colère ?
Sur le moment, Rose s’était crue calme.
Elle ne voulait pas emprunter l’aide d’Alexia ou de Natsume. Jusqu’au bout, cette affaire devait être traitée purement à l’intérieur d’Oriana. C’était ce que son intuition lui avait dit, et c’est ce qu’elle avait suivi.
Son intuition politique n’était pas fausse.
Bien qu’elle ait finalement échoué, c’était la propre erreur de Rose, et un problème du seul Royaume d’Oriana. Les étincelles ne s’étaient pas encore propagées au Royaume de Midgar. Elle avait inconsciemment évité le pire scénario.
Mais cela aussi n’était qu’une question de temps.
Les mots que Doem avait criés lors de sa fuite résonnaient dans son esprit.
“Rends-toi avant la fin du Festival du Dieu de la Guerre ! Sinon, je ferai en sorte que le roi du Royaume d’Oriana commence à tuer des VIP !”
Si le roi d’Oriana tuait vraiment des VIP comme Doem l’avait menacé… une guerre éclatera. Rose ne pouvait pas dire à quel point il était sérieux, mais elle avait compris que le Culte considère son Royaume d’Oriana comme un simple pion.
Si c’était vraiment le cas…
Rose grinça des dents de vexation.
Son père n’était pas un monarque particulièrement éclairé, et le Royaume d’Oriana n’était pas un si grand pays.
Mais il était son seul et unique père, et c’était sa seule et unique patrie.
Et c’était pourquoi elle voulait les protéger tous les deux.
C’était ce sentiment qui avait alimenté son agitation.
Rose avait frappé du poing le mur du tunnel souterrain.
Tout ce qu’on pouvait dire à ce moment-là, c’est qu’elle avait laissé libre cours à ses émotions et avait agi de manière impulsive. Si elle pouvait éliminer Doem, alors tout aurait été résolu. Telle avait été son erreur de jugement.
Mais après tout, Doem lui-même n’était qu’un simple pion. Le Culte avait très probablement étendu ses racines au Royaume d’Oriana, donc se débarrasser de Doem ne résoudrait rien.
Il aurait dû y avoir un autre choix.
Un choix magique qui aurait pu tout résoudre. ( C’est dans les comptes de fée quand c’est aussi simple )
Rose s’était assise dans le tunnel souterrain humide.
Si seulement elle avait choisi la meilleure solution, et que tout avait été résolu… Se surprenant à penser à de telles impossibilités, Rose riait d’autodérision.
Tout était déjà fait et appartenait au passé. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait fuit.
Que prévoyait-elle de faire après sa fuite ?
Qu’est-ce qui devrait changer si elle réussissait à fuir ?
Ne devrait-elle pas se rendre ?
Oh oui… ce serait sûrement mieux.
“Je vois… que je devrais me rendre.”
Elle ne savait toujours pas ce qu’elle aurait dû faire à ce moment-là. Cependant, ce qu’elle devrait faire à ce moment précis était clair comme de l’eau de roche.
Si elle se rendait, au moins, la guerre serait évitée.
Elle se sentait un peu plus légère. Mais elle fût immédiatement assaillie par un sentiment écrasant de perte et de chagrin.
Rose sortit de sa poche un papier d’emballage de MagRonald. Elle en avait déjà mangé le contenu, mais une légère odeur de pain s’en dégageait encore.
Puis elle pensa à un certain garçon aux cheveux noirs. Il avait sûrement déjà entendu parler de son incident. Qu’est-ce qu’il en pensait ? ( Il trouve que c’est cool d’être une enfant rebelle mdr )
Était-il inquiet pour elle ?
Est-ce qu’il croyait en elle ?
Se pourrait-il qu’il soit à sa recherche ?
Si elle avait réussi à éliminer Doem et à rendre la raison au roi… s’il y avait eu un tel avenir où tout se résolvait parfaitement… aurait-elle pu passer toute sa vie avec lui ?
Ce n’était sûrement qu’un rêve qu’elle avait voulu voir.
“Je suis tellement désolée…”
Rose s’excusa.
Une seule larme coula sur sa joue.
Le rêve qu’elle avait peint s’était déjà transformé en poussière.
Rose plia soigneusement le papier d’emballage de MagRonald, puis le remit dans la poche de sa jupe. Presque comme si c’était le dernier fragment de son rêve.
“Ow… !”
Une douleur aiguë traversa la poitrine de Rose. Elle jeta un coup d’oeil dans sa chemise pour voir une tache de peau noire.
C’était la preuve de la Possession Démoniaque. Les symptômes n’étaient apparus que récemment.
Au tout début, son rêve était déjà impossible. Rose baissa la tête et riait.
À ce moment-là, un son doux était parvenu aux oreilles de Rose.
Était-ce le son d’un poursuivant ?
Non, le son était trop doux et trop beau pour être un bruit de pas. Quand elle tendit l’oreille, elle reconnaissait le son d’un piano.
“Sonate au clair de lune… ?”
En tant que personne versée dans la musique, elle connaissait cette chanson. Cette chanson qui avait reçu un accueil exceptionnel, même à Oriana le pays des arts, sortait du tunnel devant elle.
“C’est magnifique…”
L’interprétation était si profonde et parfaite que c’était comme si l’interprète y mettait toute sa vie.
Rose commença à marcher vers la source du son, comme si elle était guidée par le clair de lune.
Cet endroit s’appelle le Labyrinthe Souterrain de la capitale royale, mais Rose pensait qu’il s’agissait plus d’un site historique que d’un labyrinthe. Le sol était proprement pavé de pierre, et il y avait des sculptures de reliefs et de lettres anciennes sur les murs.
En venant ici, elle avait croisé plusieurs portes dans les murs, mais aucune ne pouvait être ouverte. Soit il fallait une clé, soit un mécanisme ancien était tombé en panne.
Elle se rapprochait du son du piano.
Puis Rose tourna un coin, et vit une grande porte cassée en face d’elle.
Le son venait de l’intérieur.
Rose se faufila à travers le grand trou de la porte, et arriva enfin.
L’espace dans lequel elle se trouvait était une cathédrale traversée par une lumière fantastique. Les vitraux, hauts comme le ciel, représentent les trois héros et le démon vaincu.
Une lumière radieuse tombait des vitraux.
Et au milieu de cette lumière se trouvait un piano à queue.
“Shadow…”
Dans cette cathédrale oubliée depuis longtemps, il était là, jouant seul la Sonate au clair de lune.