Le Roi m’insulte, mais je fais la sourde oreille. De toute façon, je suis méchant blabla, j’ai récupéré ma récompense avant la fin du combat, blabla, je ne mérite pas de gagner, pfft…
« Ahaha ! »
Le Roi s’arrête quelques instants alors qu’il a l’impression que je me moque de lui. C’est sans doute un peu le cas, mais c’est la situation qui est tellement ridicule… Je viens de m’assurer de ma victoire alors que les corps disparaissent un par un. Le « roi » n’est qu’un bonus dans le fond. Cette situation ne fait juste pas de sens. Me battre en plein jour devant tant de gens en espérant que moins de monde cherchera à me tuer. C’est risible.
Même si j’imagine que le battre est non négligeable… Il y a peu de chance que les gens me respectent ou refusent de m’attaquer après ce tournoi, bien au contraire. Ça me fatigue d’espérer le contraire.
Après tout, personne ne meurt aujourd’hui. Nous n’avons tué personne. C’est une simple compétition sans réelle implication, si ce n’est pour les mioches de la tour ou pour ma mission en tant qu’Assassin. Les cris venant du public sont assez clairs, personne ne veut que le dernier Dresseur gagne.
Nomad doit se faire à l’idée : il n’aura pas ce qu’il veut. Il ne sera pas un héros ou un monstre capable de faire peur à ses assaillants. Il restera une cible à abattre. Pour la gloire, pour l’argent ou pour n’importe quelle excuse.
C’est difficile de se mentir quand je suis aux commandes, n’est-ce pas ?
Je regarde le Roi qui a l’air de jouer sur ma nouvelle personnalité de « méchant ». Que de rebondissements pour la foule. Je m’en moque maintenant. Il va payer pour son attaque précédente.
« Tu oses te moquer du Roi ?! Tu penses avoir une chance alors qu’il m’a suffi d’un coup pour te briser les os ?! »
Les os se réparent en quelques secondes, les réputations par contre…
J’attrape la dent de basilic dans mon inventaire et je la passe rapidement contre l’avant-bras tendu du Roi. La lame n’entaille même pas sa peau, malheureusement. Il doit manquer quelque chose, mais j’aimerais bien ne pas avoir à planter mon croc dans son œil, cette attaque devient lassante…
« TOI ! »
Alors que le Roi continue de m’attaquer, une voix retentit un peu plus loin. À l’accoutrement, il semble que Nomad ait raté un des prêtres. Il n’est « bien sûr » pas un prêtre normal vu l’épaisseur de ses trois bras dénudés, mais ce n’est pas comme si je me souvenais de chacun des prêtres pris dans l’embuscade. Le Roi s’arrête et recule alors qu’il observe le nouvel arrivant.
— TOI ! Tu vas payer pour ton attaque !
— C’était pas moi, j’ai rien fait.
Malgré ma réponse et mon haussement d’épaules, il ne semble pas me croire. C’est peut-être le sourire suffisant que je ne cache même pas qui me trahit. Il se jette dans ma direction en brandissant ses trois poings, le visage déformé par la colère. Je hausse rapidement les épaules une deuxième fois en croisant les bras. Au moins, j’aurais essayé.
Il lance deux crochets du droit en même temps alors que sa main gauche tente un uppercut. Cela me demande un léger effort, mais j’esquive toutes ses attaques en le frappant rapidement à l’entre-jambes avec un coup de pied. Il pose un genou à terre en grimaçant alors qu’il me regarde furieux. C’est bien sûr à ce moment-là que Tark décide d’intervenir en apparaissant à côté de moi.
« Si tu veux t’en prendre à mon ami, tu devras d’abord t’occuper de moi ! »
Il vient vraiment d’utiliser le mot ami ? On dirait qu’il a une mauvaise impression, mais ce n’est pas exactement le moment de le corriger. D’un coup d’œil en direction du Roi, je me rends compte qu’il retient à peine sa jubilation avec l’arrivée du nouveau et que tout un tas d’idées lui vient en tête. On dirait un enfant piégé dans un corps d’adulte…
« Tark, tu t’occupes de lui pendant que j’en finis avec le Roi, je n’aime pas perdre mon temps. »
Alors que le Roi s’apprête probablement à dire quelque chose d’ennuyeux comme « On fait équipe » à l’homme à trois bras, je fonce dans sa direction en pointant mon croc en direction de son torse. Ce n’est bien sûr qu’une feinte, mais c’est suffisant pour qu’il lance un mouvement téléphoné dans ma direction.
Si seulement, il pouvait prendre ce combat sérieusement, mais au fond, je n’ai qu’à l’obliger.
En fermant les yeux, je me laisse guider par mes autres sens. Je n’ai qu’à planter mon croc à plusieurs endroits et le venin fera le reste.
« TU ES À MOI !! »
Bien sûr, le nouveau n’est pas de cet avis. Sans vraiment s’inquiéter pour le Roi sur le passage, il se jette dans ma direction. Sait-il seulement que je ne suis pas la même personne qui a posé une embuscade à des prêtres beaucoup trop imbus d’eux-mêmes qui se sont rendus compte trop tard qu’ils faisaient des proies faciles ? Quelqu’un devrait lui dire. Pas moi, mais quelqu’un.
Tark intervient avant qu’il ne puisse tenter de m’atteindre.
Il passe derrière lui et l’attrape par les vêtements avant de le jeter à quelques mètres de là.
« Je ne m’intéresse qu’au Dresseur, écarte-toi ! »
Je pense que tous ici, nous avions remarqué ce détail.
« Moi, Korail, Asura, dois venger l’affront du Dernier Dresseur envers Redemptio ! Je n’ai pas à affronter un vulgaire Pirate ! »
Vu que Tark vient de craquer sa nuque pour lui répondre, je pense qu’il n’est pas d’accord. J’ai envie de tous les tuer. Le dernier arrivant joue le jeu du Roi en se présentant comme ça et ça me fatigue. J’ai juste envie de me battre. Un faible comme lui ne m’intéresse pas alors que ma proie est juste devant mes yeux.
Le Roi lance une autre attaque dans ma direction que j’esquive en finissant finalement par lui entailler l’avant-bras avec la pointe de mon croc. Une coupure de la taille d’une piqûre d’aiguille, mais c’est mieux que rien.
— T’en prendre à de pauvres prêtres ! Le Dernier Dresseur n’a donc aucun cœur ! C’est donc à moi que revient la responsabilité de te punir !
— Venant d’un homme qui était assis sur une pile de corps, ça sonne faux. Et je croyais que tout le monde détestais les prêtres ?!
Il ne lui reste plus beaucoup de temps avant que le venin ne commence à faire effet, mais vu la taille de la coupure et son physique, cela risque de prendre un peu plus de temps que pour d’autres. Autant le couper plusieurs fois.
La question est de savoir comment j’ai réussi à l’entailler. Le Roi n’a pas l’air d’apprécier la coupure en tout cas et décide de m’envoyer une attaque sérieuse. Je me contorsionne vers l’arrière pour esquiver une attaque qui m’arracherait probablement la tête avant de brandir mon croc.
Comment est-ce que j’ai fait exactement pour l’entailler au bras ? Je continue d’esquiver ses attaques en me contorsionnant et en me frottant le menton. Le Roi semble à la fois perplexe et dégoûté par la façon dont j’esquive mes attaques pendant que je réfléchis, mais même si cela m’amuse pendant quelques instants, je reviens à ma réflexion.
… C’est une question d’angle ou de force peut-être ? Nerys aurait pu couvrir le sujet pendant un entraînement. Une petite remarque du genre « Si tu veux couper tous tes ennemis, tu dois faire comme ça ! »
Bon. Elle m’a donné un corps bien plus facile à utiliser, donc ce n’est pas le moment de se plaindre.
Puisqu’il ne risque plus de m’atteindre, autant faire des tests… À moins que Yuu ait sa petite idée peut-être ? Hm. Peut-être que je ne vais pas lui demander à lui. Qu’est-ce qu’il peut être irritant pour un animal haut comme trois pommes…
[Tu demandes à l’animal haut comme trois pommes de te donner un conseil, un peu de respect serait agréable.]
Je suis sûr que tu n’en sais rien du tout.
[…Non, effectivement. C’est toi l’expert pour faire du mal aux gens. Essaye de te servir de ton cerveau reptilien, il serait peut-être plus utile que ton cerveau de mammifère atrophié.]
Yuu, avec tout mon respect. Arrête de parler pour ne rien dire.
Un animal tellement frustrant. Utile, mais frustrant.
J’essaye à nouveau de planter mon croc dans le corps du Roi, mais impossible de pénétrer sa peau qui est aussi épaisse que du cuir.
Assez rapidement, j’esquive une autre attaque venant de l’Asura qui saute au-dessus de Tark et du Roi pour m’atteindre. Celui-ci est du genre collant.
« BATS-TOI ! »
Malgré son ordre, je n’ai pas envie de l’écouter. Je plante le talon de ma botte sur son visage et utilise le ressort à l’intérieur pour le projeter sur le Roi.
— Il fait vraiment une grosse fixation sur toi. Et il est assez rapide…
— Il me rappelle quelqu’un qui me suit partout et qui veut se battre contre moi. C’est sans doute la mode.
— Hey ! Me compare pas à un Prêtre !
Sur cette dernière remarque, Korail, qui saigne légèrement du nez, se redresse en nous fusillant du regard. Le Roi semble un peu déconcerté de voir comment évolue la situation, mais ne dit rien.
Tark se jette en direction de l’Asura, mais très franchement, je ferais mieux de m’occuper moi-même de ce gêneur. Ce serait plus rapide et je pourrai enfin me battre tranquillement.
J’avance en direction du Roi qui reprend sa posture en souriant. Étrangement, celui-ci a l’air plus massif qu’avant, mais je me fais sans doute des idées. De toute façon, cela ne change rien, il va quand même perdre.
*
En haut de ce qu’il reste de la pile de corps sur laquelle viennent de pleuvoir les aiguilles, Kim se redresse tant bien que mal en regardant en direction du Roi de l’arène. Cela ne lui a pas suffi de l’attacher et de l’humilier comme ça, à présent, tout le monde l’ignore comme si elle n’était plus là. Le Dresseur a même volé une partie des victimes de la colline de corps du Roi avant qu’elle ne puisse le faire elle-même. Ça va probablement lui coûter sa place sur le podium !
Ses yeux commencent à briller étrangement alors qu’elle serre les poings et que la colère commence à prendre le dessus. Une fois qu’elle aura défait ses liens, elle compte bien se venger.