Livre 3, Chapitre 52 – Autumn VS Crimson One
Aucun des malheureux citoyens du quartier des poissonniers ne savait ce qui se passait. Des nuées d’oiseaux carnivores et d’autres monstres du désert avaient brisé la paix qu’ils avaient connue dans le ventre de la montagne. Ces créatures détruisaient tout ce qu’elles approchaient, que ce soit la chair, le bois ou la pierre.
Pendant ce temps, les cris de folie de leurs animaux domestiques étaient assourdissants.
Cette magnifique cité, protégée par la mer et la tempête, avait sombré dans le chaos sans prévenir. Les gens se barricadaient désespérément partout où ils le pouvaient dans l’espoir que cette folie passe et les épargne.
Au milieu de tout cela, la flûte du berger résonna une fois de plus.
Il n’avait pas voyagé dans une vague comme le son normal le faisait. Il était plus profond, comme un appel des profondeurs de l’âme. Il résonnait dans l’esprit de tous, aussi clair que s’il venait de juste à côté d’eux malgré le tumulte.
C’était absolument terrifiant.
Le désastre qu’ils affrontaient maintenant était venu du premier son de ce genre, il y a quelques minutes à peine. D’une certaine manière, il avait attiré les oiseaux assoiffés de sang dans la ville et rendu tous les animaux fous. Jamais ces pauvres âmes n’avaient vu une telle destruction.
Maintenant, le son sinistre revenait. Quelles nouvelles terreurs apporterait-il avec lui ?
Cependant, l’auditeur lucide pourrait trouver qu’il y avait quelque chose de différent dans l’appel de la flûte cette fois-ci. Son appel original avait été tonitruant, s’étendant sur un millier de mètres tout autour pendant un instant. Cette fois, il était beaucoup plus doux. Il s’étendait sur moins de la moitié, mais son appel doux était persistant. Contrairement à la dissonance précédente, le son apaisait le cœur de tous ceux qui l’entendaient.
Il passait de fort et bruyant à doux et mélodieux, comme les tentatives aiguisées d’un novice à côté des œuvres d’un maître. L’esprit et l’âme ne faisaient qu’un alors que la mélodie de la flûte se poursuivait dans une résonance parfaite.
Du point le plus haut à la ruelle la plus basse, les oiseaux enragés étaient apaisés par l’appel de la flûte. Leur soif de sang et de destruction s’apaisait.
Ensuite.
Alors que les citoyens jetaient un coup d’œil derrière les portes et les murs, ils furent témoins de quelque chose qu’ils pouvaient difficilement décrire.
Tous les oiseaux, les chauves-souris, les aigles et les buses… du plus grand rapace au plus petit insecte, tous se mirent à converger vers un seul point, comme sur un ordre. S’organisant en lignes, ils n’avaient rien à voir avec les créatures stupides d’il y a quelques instants. Maintenant, ils étaient aussi précis et unis qu’une armée.
Comment pouvaient-ils décrire ce qu’ils voyaient ? C’était un signe ! Un miracle !
Une pléthore de monstres vivaient dans les profondeurs de la rivière, et si les gens ne pouvaient pas voir ce qui se passait sous les eaux sombres, ils pouvaient entendre. Une série d’appels organisés répondait au son, comme des soldats serrant les rangs.
D’un seul coup, les gens oublièrent leur peur, remplacée par l’émerveillement. Ils étaient sous le charme.
Se peut-il que ces créatures sauvages, vicieuses et mutantes, aient été intimidées par le pouvoir d’une flûte ?
Boom-boom-boom-boom !
Une série d’explosions s’éleva du niveau inférieur de l’arrondissement. Quelques-uns des spectateurs les plus curieux furent renversés par la force.
À un moment donné, les rives du lac avaient été envahies par un mur de vignes. Elles étaient longues comme un homme avec ses bras étendus. Depuis le niveau intermédiaire, il était difficile de distinguer beaucoup de détails, mais il était clair qu’un grand nombre de soldats s’étaient rassemblés d’un côté du mur. De l’autre côté, une masse de monstres aquatiques se tordait.
Boom-boom-boom-boom !
Une autre série de détonations assourdissantes secoua la montagne.
Des orbes de feu vert frappèrent les lianes comme des boulets de canon jusqu’à ce qu’ils percent un trou. Sa misérable lumière verte était comme les flammes de l’enfer venues nettoyer le monde.
Les soldats de la ville levèrent leurs armes et tirèrent sauvagement dans la brèche. Les balles et les flèches tombaient comme une pluie de fer, s’abattant sur leur proie avec le poids d’une montagne. Des explosions rugissantes donnaient une voix à leur terrible assaut contre les ténèbres, ponctuées par le claquement des coups de feu.
Cependant, les créatures des terres désolées étaient robustes et terrifiantes. Les balles leur transperçaient la chair, elles étaient hérissées de dizaines de flèches, mais elles continuaient d’avancer. Les roquettes crachaient du feu et des éclats d’obus, mais les monstres avançaient malgré tout. Ce serait une erreur de penser qu’il s’agissait d’une débandade typique, car le chant de la flûte résonnait encore dans leur esprit. C’était une invasion méthodique.
Les créatures mutantes étaient effrayantes en elles-mêmes. Les bêtes des profondeurs du lac étaient souvent le sujet de cauchemars. A quel point étaient-elles plus horribles, alors, maintenant qu’elles répondaient aux ordres ?
Ce n’était pas seulement des monstres. C’était une armée infernale !
Des dizaines de monstres ressemblant à des léviathans aspergèrent les soldats de boue verte toxique. Ils répondirent par des cris hideux et agonisants alors que l’acide rongeait le cuir, la peau et les os.
Un autre groupe de créatures ressemblant à d’énormes grenouilles suivait, leurs bouches engorgées prenant des proportions inquiétantes. Elles éructaient des torrents d’eau avec assez de force pour briser les os. Les soldats qui prenaient le poids de leur déluge étaient pulvérisés.
Ils étaient suivis par un certain nombre de bêtes aux pieds palmés, couvertes d’écailles aussi épaisses que des plaques d’acier. Avec des rugissements gutturaux, ils se jetèrent à travers la brèche et les feux verts bondissants au-delà. Immédiatement, ils furent engloutis par le feu de Castigation. Avec des cris stridents, ils coururent sauvagement à travers la foule.
Comme une torche dans un champ d’herbe sèche, les bêtes laissaient un sillage de feu derrière elles. Le moindre contact et les feux se propageaient à une autre victime. Les soldats se roulaient sur le sol et giflaient leur chair bouillonnante, en vain. Les flammes affamées ne s’éteignaient pas une fois leur faim assouvie. La mort était la seule issue.
Le temps que les créatures écaillées se consument, elles avaient emporté une centaine de soldats avec elles. Le mur de feu s’était affaibli après s’être répandu dans leurs rangs, et de plus en plus de créatures avaient commencé à charger la ligne. Pourtant, bien que les forces de l’arrondissement aient subi de sérieuses pertes, de nouveaux soldats ne cessaient d’arriver. Leur nombre augmentait alors même que les bêtes et les feux consumaient leurs frères.
Les balles et les flèches continuaient de voler. Des roquettes avec des queues de feu sillonnaient la ville. Des bruits de mort, des explosions, des rugissements, tous se battaient au nom de la domination. L’arrondissement des poissonniers tremblait de la fureur de ce qui était devenu une guerre totale !
La force et la férocité des créatures mutantes leur donnait un avantage inné. Entre leur intensité et leur organisation, ils surmontèrent facilement la défense montée à la hâte par les gardes. Alors que les soldats tombaient en masse, le quartier des poissonniers n’était plus qu’un champ de cadavres.
Cependant, alors que les humains étaient repoussés, ils furent soutenus par une vague de puissance insondable.
Un personnage tout de rouge vêtu se tenait au milieu de la bataille, le corps enveloppé de feu vert. Devant des yeux terrifiés, il s’éleva dans les airs, faisant irruption dans les flammes et devenant un énorme orbe furieux quelques secondes plus tard.
Sa lumière atteignait tous les coins du quartier des poissonniers. Son éclat terrible s’intensifiait au fur et à mesure que l’orbe grossissait jusqu’à devenir le soleil de l’enfer au-dessus de la place du marché.
Et pourtant, malgré son éclat aveuglant, il n’y avait aucune chaleur. Au contraire, sa présence remplissait chaque âme d’un froid profond et intraitable. C’était l’antithèse du soleil chaud et vivifiant – au contraire, c’était un emblème de mort et de désespoir. L’énorme puissance qu’il contenait était suffisante pour raser cette montagne entière.
Horrible n’était pas suffisant pour lui rendre justice. C’était la destruction incarnée. Aucun être vivant ne pouvait résister à l’anéantissement que le Crimson One infligeait.
Pourtant, alors que le saint homme restreignait son pouvoir, l’appel de la flûte devint strident. La horde de monstres volants plongea du ciel, se rassemblant en un fer de lance de griffes acérées, un nuage sombre et mortel. Avant que le soleil vert impie du Crimson ne soit complet, ils s’y écrasèrent comme des papillons de nuit attirés par une flamme.
Après s’être écrasé sur le feu, l’orbe devint instable. Des traînées de feu jaillirent et descendirent sur le champ de bataille comme une pluie de météorites. Des cris d’hommes et de bêtes à glacer le sang montèrent jusqu’aux cieux alors qu’ils étaient baignés par les flammes.
Il ne fallut qu’un instant pour que des centaines de vies s’éteignent.
La pluie de feu continuait de tomber tandis que les personnages infectés par la mort verte couraient sauvagement dans la foule. La mort verte se répandait parmi les combattants infortunés dans une scène cruelle et écœurante – une vision de l’enfer sur terre.
L’un des oiseaux traversa le ciel avec ses ailes en feu. Il s’écrasa sur le marché comme un missile.
« Ahhh ! »
« Aidez-moi ! AIDEZ-MOI ! »
Leurs cris rejoignaient ceux des soldats et des bêtes mutantes à l’agonie.
Des langues de feu s’échappèrent de l’oiseau de feu alors qu’il se dissolvait dans les airs. Elles tombèrent sur les citoyens en bas, les enflammant. À leur tour, ils coururent sauvagement parmi les étals et cherchèrent du secours, mais n’en trouvèrent pas. Au lieu de cela, ils répandirent leur cruel destin à leurs amis et collègues.
Les feux continuaient de tomber du Crimson One. Le quartier des poissonniers avait été consumé par la tourmente la plus totale.
« Castigation ! »
« C’est le feu de Castigation ! »
« Il y en a partout ! Le quartier des poissonniers est foutue ! »
Ceux qui avaient la chance d’assister à la tragédie de loin gémissaient de désespoir.
Le feu de Castigation était l’outil de l’Adjudicateur, son châtiment sacré contre les pécheurs. Cette calamité avait-elle été envoyée par les dieux du ciel pour purifier la ville des blasphémateurs ? La virulence du feu était bien connue. Avec tant de choses dans la montagne en contrebas, il ferait des milliers, voire des dizaines de milliers de victimes avant de s’éteindre.
Même les soldats n’avaient jamais vu une destruction de cette ampleur, sans parler des citoyens pris dans les tirs croisés. Le courage s’échappait des gardes alors qu’ils voyaient amis et ennemis brûlés vifs en cendres. Les armes étaient jetées au loin dans des tentatives désespérées de fuite, tandis que les monstres enflammés continuaient à se déchaîner dans leurs rangs. Sans ordre ni direction, le nombre de victimes ne cessait d’augmenter.
Pendant tout ce temps, l’appel du berger continuait de résonner.
Peu importe les gémissements, les cris, les rugissements, rien ne pouvait couvrir la note singulière de la flûte.
Elle était toujours là, en arrière-plan, comme une bande sonore du carnage qui se déroulait tout autour. Son son magnifique et ininterrompu résonnait dans tous les esprits – un contraste frappant avec la laideur qu’il provoquait. Ce furent les derniers moments du quartier des Poissonniers. Ce qui était considéré comme l’un des bastions les plus sûrs de l’humanité n’était plus qu’os et cendres.