L’intervention de Lancelot apporta la victoire à Arthur le vampire. Le seul de l’armée du Néant qui échappa au désastre fut Erèbe le malfaisant qui travaillait pour d’autres dieux de la destruction, que l’entité surnommée Néant. Comme cela il disposait de plusieurs sources d’énergie, en plus des bienfaits qu’apportait le portail de puissance. Il fut un des rares partisans du Néant sur le champ de bataille à conserver la vie. Arthur donna l’ordre d’exécuter un carnage sur tous les officiers, et une bonne partie des soldats sauf les esclaves de guerre.
Erèbe croyait que personne y compris l’entité n’était au courant de son petit manège. Le malfaisant estimait que le fait d’avoir plusieurs allégeances passait inaperçu, mais il se trompait lourdement. Cependant le Néant laissait faire, car bien qu’il soit la plupart du temps très jaloux, il y avait de fortes probabilités que le malfaisant réussisse à tuer le vampire. Or le trépas d’Arthur marquerait une période très prospère pour les suivants de l’entité. Suite à son décès, les complots des suivants des forces de la ruine deviendraient beaucoup plus faciles à réaliser. Malheureusement pour le Néant, le vampire demeurait pour l’instant bien vivant.
Après sa victoire Arthur décida de prendre une mesure pour renforcer sa puissance vis-à-vis des humains. L’interdiction de l’esclavage d’un membre d’une race intelligente quelques soient les circonstances, sauf les orques. Beaucoup d’hommes étaient devenus très riches grâce à l’esclavage. Si le commerce d’esclaves devenait plus difficile, les sociétés humaines seraient affaiblies économiquement. Le nom poli pour parler des esclaves était biens intelligents.
Le seul opposant influent chez les elfes à la réforme d’Arthur était le roi elfe Hertio. Celui-ci touchait un gros pourcentage sur les ventes d’esclaves. Il était fier de dépasser le vampire dans un domaine illégal, même si Arthur n’investissait pas un centime dans le commerce de biens intelligents. S’il tolérait l’exploitation des orques, c’était uniquement à cause d’un racisme exacerbé à leur encontre. Les orques constituaient un des pires fléaux qui soient pour les elfes. En outre ils avaient des habitudes jugées répugnantes par le vampire, comme le fait d’enduire le ventre des morts avec des asticots. Ils croyaient que leurs décédés avaient besoin de l’aide d’asticots, pour voyager paisiblement dans l’au-delà. La Pyramide devint une nouvelle fois le centre de débats.
Hertio : L’esclavage est une punition adaptée pour changer l’esprit des criminels. Il s’agit certes d’une sanction sévère, mais seul un traitement de choc peut amener un criminel à ne pas récidiver.
Arthur : L’esclavage est une atteinte à la dignité, qui brise souvent définitivement l’esprit des malheureux qui le subissent. Il existe des méthodes plus douces et efficaces que l’esclavage pour changer l’esprit des criminels endurcis. Si elles ne sont pas appliquées, c’est en partie parce que de riches marchands s’engraissent sur le dos des esclaves.
Hertio : Le recours à l’hypnose et à des sorts n’ont pas empêché certains criminels de récidiver, et de commettre des viols et des meurtres.
Arthur : Aucune méthode de rééducation n’est fiable à cent pour cent. Mais l’hypnose et les sorts qui canalisent l’agressivité permettent d’obtenir de meilleurs résultats que l’esclavage. En plus l’esclavage d’un point de vue économique s’avère une lourde charge pour la collectivité.
Hertio : Il est impossible de trouver une main d’œuvre meilleur marché que les esclaves, ils n’ont pas de salaire.
Arthur : Certes, mais les esclaves sont une concurrence déloyale vis-à-vis des personnes qui emploient des travailleurs rémunérés, et ils conduisent chaque année au chômage des milliers de gens.
Hertio : Si l’esclavage est si horrible, pourquoi ne défendez-vous pas aussi son interdiction pour les orques ? Ils méritent autant que les humains la liberté.
Arthur : Je ne considère pas les orques comme des personnes, les bêtes que l’on exploite sont des animaux domestiques, pas des esclaves.
Les orques semblaient maltraités par Arthur, mais ce dernier ne faisait qu’émettre une opinion très répandue chez les elfes. Son manque de considération était un calcul politique, pour entretenir sa popularité même s’il détestait les orques, une menace importante pour son peuple. D’ailleurs même si la déclaration d’Arthur avait un côté outrancier pour les orques, ceux-ci ne réagirent pas beaucoup, ils étaient habitués depuis des siècles à être vus par les étrangers comme des animaux dotés de parole.
Quant aux orques libres ils se fichaient de leur réputation auprès des elfes, car ils les voyaient généralement juste comme de la nourriture, la politique de cette source de viande tendre les laissait indifférents. Et puis ils méprisaient ouvertement les leurs capturés, ils jugeaient que l’état d’esclave était fréquemment dû à un manque de valeur guerrière, donc pour les orques libres, un congénère esclave méritait son sort.
Après qu’Arthur le vampire eut imposé l’interdiction de l’esclavage excepté pour les orques, il y eut un débat sur la mise en place d’une seule monnaie pour les royaumes elfiques. Il s’agissait du zéni une devise que seuls les monnayeurs d’état travaillant pour Arthur pouvaient fabriquer. Le vampire s’attaquait à un défi mémorable, la majorité des souverains elfes considérait comme important le fait d’avoir leur propre monnaie. Le roi Hertio ne s’avérait pas isolé dans son opposition, il pouvait compter sur l’appui de monarques influents.
Arthur le haut-roi n’agissait pas seulement par altruisme, il désirait augmenter sa puissance, or l’argent constituait un gros vecteur de pouvoir. En s’arrangeant pour que le zéni, la monnaie de son royaume, devienne la seule référence dans les pays dirigés par les elfes, le vampire marquait de manière indéniable des points pour imposer une suprématie politique sur les rois elfes. Bien entendu Arthur se défendait d’avoir des visées de domination, mais dans la réalité il travaillait clairement à dominer progressivement d’autres monarques.
Le vampire dans certaines nations humaines agissait déjà comme un roi de l’ombre, il contrôlait l’ensemble de l’économie criminelle. De plus par l’intermédiaire de la corruption et de la séduction il poussait de nombreux hommes politiques à servir sa cause.
Les rois elfes ne considéraient pas comme dangereuse la politique de contrôle des humains menée par Arthur. Au contraire ils estimaient que cela garantissait leur indépendance. Problème le vampire pouvait s’attaquer à des centaines de sujets en même temps. Il était capable d’œuvrer sur de nombreux fronts différents et de s’en sortir victorieux. Arthur ne bénéficiait pas seulement des dons physiques de Proélium le dieu de la guerre, la divinité renforça aussi ses talents intellectuels, qui étaient déjà considérables durant l’enfance.
Cela n’empêchait pas Hertio de lutter de toutes ses forces contre la mesure prônée par le vampire. Il voyait la manœuvre politique d’Arthur comme un moyen d’étouffer sur le long terme les royaumes elfes qui se méfiaient de l’autorité du haut-roi. Le Haut-Parlement servit de théâtre à des discussions enflammées.
Arthur : Une seule monnaie pour les royaumes elfiques est un moyen de les renforcer. Cela crée un lien fort entre eux au niveau économique et politique.
Hertio : La monnaie unique est aussi un moyen d’attenter à l’indépendance des royaumes, elle crée une dépendance vis-à-vis du principal royaume émetteur de monnaie.
Arthur : Si le pouvoir de gestion de la monnaie est équitablement distribué entre les différents gouvernements elfiques, l’indépendance de chaque roi sera préservée.
Hertio : Le droit de chaque royaume à avoir sa propre monnaie est une de nos plus vieilles traditions. Et puis avoir plusieurs monnaies différentes s’avère une protection, qui empêche la propagation des crises économiques d’un royaume elfique à l’autre.
Arthur : Le fait d’avoir une monnaie par royaume n’a pas empêché la crise générale de 1529. La monnaie unique est une protection plus efficace contre les déboires financiers que plusieurs monnaies. Elle atténue les conflits économiques entre rois.
Hertio : Les humains du continent Pia ont mis en place l’aro. Cela n’empêche pas des conflits économiques spectaculaires entre certaines nations de ce continent.
Arthur : La situation des royaumes elfiques est très différente de celle des nations dominées par les humains.
Hertio : La mise en place d’une monnaie unique va amener des changements profonds, voire des bouleversements. Cela risque de mettre en péril l’équilibre actuel entre le zéni et la principale monnaie des humains, le gil. Résultat il faut craindre que le zéni devienne trop bas ou trop haut.
Arthur : Du moment que les politiques elfes continuent d’agir avec droiture et compétence, nous n’avons pas grand-chose à craindre. Et puis la monnaie unique est un moyen de faciliter les transactions commerciales, ce qui permet de prévenir une situation de déséquilibre entre le zéni et le gil.
Hertio : La création d’une monnaie unique va nécessiter des frais considérables et de lourdes modifications des structures économiques des royaumes elfiques. N’avez-vous pas peur d’effaroucher les marchands et les banquiers ?
Arthur : Certes des adaptations seront nécessaires, mais le projet que je défends n’est pas insurmontable. En outre si dans un premier temps il demande des efforts, il permettra d’unir dans une même direction les monnayeurs. Ce qui à terme amènera une réduction des difficultés et une baisse du coût du fonctionnement des structures économiques des royaumes elfiques, donc une situation qui plaît aux banquiers et marchands.
La mesure sur la monnaie défendue par Arthur fut approuvée par une majorité serrée. Pourtant le roi elfe Hertio défendit avec l’énergie du désespoir l’indépendance monétaire des souverains elfes, il fit des discours enflammés et brillants qui marquèrent les esprits. Mais Arthur le vampire fut le plus fort, s’il avait contre lui des souverains, il disposait aussi des moyens de pression pour arriver à ses fins, tels que l’appui du peuple.
La réforme monétaire du vampire présentait un côté très pratique, elle évitait de changer de monnaie d’un royaume à l’autre pour les elfes qui voyageaient. Les humains et les nains quittaient rarement leur pays d’origine, sauf catastrophe naturelle, ou s’ils appartenaient à la classe sociale des marchands. Par contre il était commun chez les elfes de pratiquer au cours de la vie plusieurs voyages initiatiques. C’était un moyen de tromper l’ennui d’une existence qui dépassait souvent le millénaire, et surtout de glaner des connaissances.
En effet les elfes respectaient la richesse, et les origines sociales, mais ils accordaient aussi une grande importance au savoir. Par exemple quatre-vingts pour cent des livres du monde de Gerboisia étaient fabriqués par eux. Les elfes pensaient d’ailleurs que c’était un bon moyen de s’illustrer auprès du dieu Jéhavah, que de chercher à voyager hors de son pays de naissance, sans y être poussé par de puissantes obligations.
Un des commandements de la divinité était «Cultiver la tolérance, un des meilleurs moyens pour cela consiste à voyager hors de sa patrie». Après la mise en place de la monnaie unique dans les royaumes elfes, Arthur eut un moment de grande joie. Mais cela ne dura pas très longtemps, car la haute-princesse Morgane faisait de terribles cauchemars, et depuis plusieurs jours le fait de dormir lui inspirait de la terreur.
Le vampire consulta Merlin afin de bénéficier d’éclaircissements. Il discutait dans un des laboratoires de Merlin, un endroit dédié à l’étude sur les malédictions magiques et leurs remèdes. Il y avait plusieurs lits pour accueillir des cobayes et des victimes de maléfices. L’endroit regorgeait d’étagères remplies de grimoires et de différents symboles ésotériques protecteurs gravés sur les murs, le sol et le plafond, notamment la larme. Mais Morgane souffrait quand même atrocement dans le laboratoire, elle était attachée avec des entraves en satin à un lit, pour éviter d’avoir des marques sur le corps.