Chapitre 59, L’exploratrice
– « Honorée Maîtresse! »
Lorsqu’elles virent Cara s’effondrer, toutes les sorcières autour d’elle commencèrent à paniquer.
– « Imbéciles! Hum … » Cara essaya de couvrir la blessure avec sa main. Elle ne sentait plus le bas de son corps. « Tuez-moi immédiatement ces traîtresses! »
Mais déjà, Rossignol, qui portait Wendy, avait pris l’apparence d’une brume pâle.
Lorsqu’elle parvint à l’embranchement du chemin, La jeune femme se rendit compte que son amie avait perdu connaissance. Son bras était devenu noir : le venin se répandait en elle.
Il n’y avait plus une seconde à perdre. Sans hésiter, Rossignol arracha la manche de Wendy et en fit un garrot qu’elle noua aussi fort qu’elle le put autour du bras blessé. Puis elle tira un poignard de la semelle de sa botte et incisa la blessure.
Moins d’un quart d’heure plus tard, elle avait terminé l’opération. Lorsqu’elle eut fait tout ce qui était possible, Rossignol prit deux sangles et attacha Wendy sur son dos. Si elle parvenait à la ramener à Border Town, du moment que son bras n’était pas amputé, Nana pourrait la guérir totalement.
Mais pourrait-elle la maintenir en vie assez longtemps ?
Seule, il lui fallait trois jours de route, mais en portant quelqu’un, elle mettrait forcément plus de temps. Si elle allait plus vite et venait à glisser accidentellement en bas du sentier, la jeune femme n’était pas certaine de pouvoir remonter.
Le bras de Wendy saignait toujours. Elle ne tiendrait jamais trois ou quatre jours, mais Rossignol n’avait pas d’autre choix. Jamais elle ne pourrait abandonner Wendy. Après tout, c’était à cause d’elle si son amie était blessée.
– « Avez-vous besoin d’aide ? », demanda soudain une voix venue de nulle part.
Surprise, Rossignol ouvrit son monde de brouillard et prit une position défensive.
Cependant, il n’y avait personne devant elle.
– « Ne soyez pas nerveuse, je ne suis pas venue me battre. »
La sorcière leva les yeux, et vit quelqu’un voler dans les airs. Confuse, elle demanda :
– « Qui êtes-vous ? »
– « On m’appelle Foudre, j’ai récemment rejoint l’Association de Coopération des Sorcières. Comme je suis toujours absente, il est normal que vous ne me connaissiez pas. » Elle esquissa un sourire : « Cependant, moi je vous connais. La célèbre Rossignol, l’Assassin de l’Ombre. »
– « C’est Cara qui vous envoie ? »
– « Non, non, ne vous méprenez pas », dit Foudre en redescendant doucement sur le sol, « je veux partir avec vous. »
– « Comment ? » s’exclama Rossignol qui n’était pas certaine d’avoir bien entendu.
– « N’avez-vous pas dit que nous devrions avoir le droit de choisir librement notre vie ? », Foudre marqua une pause avant de déclarer : « Je choisis de partir avec vous, c’est aussi simple que cela. »
– « Qu’est-ce que…? »
Rossignol avait été très déçue par la réaction de ses sœurs. Même Wendy n’avait pas cru pleinement en elle, et maintenant il y avait cette jeune fille devant elle…
Ce n’était encore qu’une enfant d’environ quatorze ou quinze ans, comme Nana.
Elle avait des cheveux blonds coupés courts, frais et soignés, un visage plein d’énergie, une assurance et une manière de parler qui ne correspondaient pas à son âge. En outre, elle ne portait pas l’uniforme habituel de l’Association. Au lieu de cela, elle était vêtue d’un pantalon taillé de manière personnalisée, avec de nombreuses poches et pièces. On pouvait en dire autant de sa veste en cuir vintage. Une ceinture complétait sa tenue. Dieu seul savait où elle l’avait ramassée. À première vue, on aurait dit un accessoire d’homme.
– « Vous avez dit qu’il y avait une machine qui souffle des bouffées de fumée noire et blanche, que vous pouvez également créer de la pierre à partir de poudre grise et même obtenir une poudre qui brise les montagnes avec un bruit de tonnerre. Je veux tout voir! » Foudre était pleine d’enthousiasme : « Je suis déterminée à devenir une exploratrice qui, bien sûr, ne se rend que dans des endroits intéressants. »
Quelle curieuse motivation…
Surprise, Rossignol, ne trouva rien à dire, mais même dans cet état d’esprit, elle sut que Foudre ne mentait pas.
– « Je ne comprends pas… Si vous voulez être une aventurière, pourquoi quitteriez-vous l’Association pour me rejoindre ? »
– « Pas une aventurière, je veux être exploratrice! », souligna la jeune fille : « Je ne suis pas l’une de ceux qui ne sont dirigés que par l’argent, qui disent qu’ils prennent des risques, mais se contente de faire le sale boulot des autres. Les explorateurs n’agissent pas par intérêt! Vous vous demandez pourquoi je ne veux pas rester avec l’Association de Coopération des Sorcières qui recherche la Montagne Sacrée, ce qui devrait être le rêve de tout explorateur? » Demanda-t-elle avec assurance.
« Cara ne comprend pas l’esprit d’aventure, elle est totalement plongée dans son vieux livre, ne regardant la route pour y trouver les caractéristiques décrites dans le livre. Elle parcourt la chaîne de montagnes à la recherche de deux piliers endommagés par le temps. Si c’est ainsi qu’elle procède, elle ne trouvera jamais la véritable Montagne Sacrée. Mon père a toujours insisté sur le fait qu’un explorateur devait scrupuleusement noter tout ce qu’il voyait. C’est comme cela qu’il doit gérer la question. »
Rossignol aurait bien aimé savoir quel genre de père enseignait de telles idées et avait éduqué une fille aussi étrange, mais ce n’était pas le moment de bavarder. La vie de Wendy était menacée. La jeune fille ne présentant aucun préjudice, une aide supplémentaire serait la bienvenue.
Finalement, Rossignol se contenta de demander :
– « Votre capacité est donc le pouvoir de voler ? »
– « Ben ouais! » Foudre hocha la tête et ajouta fièrement : « Je peux même vous porter toutes les deux à la fois, et filer droit devant, tout comme le vent. »
– « Dans ce cas, je vais devoir vous déranger. »
Rossignol s’assura que Wendy était solidement attachée sur son dos, puis elle s’accrocha aux épaules de Foudre, enserrant sa poitrine de ses deux mains.
– « Eh … c’est lourd! »
Foudre serra les dents et s’éleva lentement. « Finalement, je pense que nous ne serons probablement pas aussi rapides que le vent. »
Ainsi commença leur étrange voyage.
Lorsque Foudre était épuisée, Rossignol la portait et emmenait tout le monde dans son brouillard. Sitôt que Foudre avait récupéré, Rossignol remontait sur son dos et elles reprenaient leur vol.
Lorsque toutes les deux furent épuisées et contraintes de prendre du repos, Rossignol trouva le temps de lui poser quelques questions fondamentales, comme par exemple, qui était son père ou quelle était situation de sa famille.
Foudre expliqua que son père était le plus grand explorateur du monde et qu’il voyageait sur l’océan. Il possédait une flotte de navigation maritime et son équipage l’appelait affectueusement « Tonnerre ». Cependant, elle avait perdu sa mère lorsqu’ elle était très jeune, aussi n’avait-elle pas beaucoup de souvenirs de cette dernière.
Lors d’un voyage en mer, son navire avait chaviré au cours d’une tempête. Foudre avait eu la chance d’être précipitée vers une île par les courants océaniques, mais elle avait perdu tout contact avec son père. Là-bas, la jeune fille s’était servie des connaissances et compétences que ce dernier lui avait enseignées pour survivre. Elle avait passé près de deux mois seule sur cette île avant de se réveiller en plein hiver.
A l’aide de sa nouvelle capacité, elle avait volé vers l’ouest à travers le canal qui conduisait au sud de Graycastle. Après avoir essuyé de nombreux revers, la jeune fille avait finalement rejoint l’Association de Coopération des Sorcières. Puisqu’elle était décidée à devenir exploratrice, elle était persuadée qu’un jour, un miracle ferait qu’elle retrouve son père vivant.
Rossignol ne tira pas beaucoup d’informations utiles de ce récit. Sa capacité ne pouvait être utilisée que pour distinguer si son interlocuteur mentait, mais elle ne pouvait pas déterminer l’authenticité du contenu. En d’autres termes, si la personne affirmait que le soleil était carré et en était convaincue, sa capacité lui indiquerait toujours qu’elle disait la vérité.
Cependant, elle pouvait effectivement en déduire certaines données. Par exemple, la jeune fille devait être née dans une famille riche, les familles qui luttent contre la pauvreté n’ayant pas le temps d’explorer. Le fait que son père avait une flotte parcourant l’océan venait confirmer ce jugement. Par conséquent, la véritable identité de Tonnerre était peut-être celle d’un riche homme d’affaires maritime. Foudre avait des cheveux blonds, contrairement aux descendants des Royaumes du continent. Elle se rapprochait plus des gens de la mer des fjords.
Wendy s’était réveillée plusieurs fois. A ce moment-là, Rossignol essayait de la faire boire le plus possible, mais dès qu’elle avait bu, la sorcière perdait à nouveau conscience .La jeune femme s’aperçut que la température corporelle de son amie baissait de plus en plus, ce qui accrut ses inquiétudes.
Toutes deux n’eurent d’autre alternative que de se hâter, aussi arrivèrent elles à destination au bout d’un jour et demi, au lieu des trois jours normalement prévus.
À l’entrée, les chevaux que le prince avait laissés pour elles étaient encore attachés, et le tas de paille devant eux n’avait diminué que de moitié.
Wendy toujours sur son dos, Rossignol enfourcha le sien et le lança au galop, talonnée par Foudre.
Elles foncèrent sans s’arrêter vers Border Town.