Je peux toujours le voir à travers la fumée grâce à la corruption et il semble qu’il n’ait pas bougé et qu’il m’attende. Est-ce qu’il essaye de m’attirer dans un piège ? Est-ce qu’il a un plan ? Pour le poison, je dois attendre qu’il fasse effet, mais je ne peux pas le laisser agir librement sinon il se soignera ou sortira de la fumée rouge.
Je ne suis plus en état de réfléchir de toute façon. La douleur commence à vraiment être trop forte pour ça.
Je fonce en avant en espérant pouvoir le toucher une fois de plus, mais avant que je ne puisse l’atteindre, une vague d’énergie venant de son sabre me sectionner complètement la jambe gauche. Je m’effondre par terre. J’essaye de ramper dans sa direction en me servant du bras et de la jambe qui me reste, mais c’est lui qui s’approche de moi.
La fumée disparaît d’un seul coup autour de moi, dispersée par le vent qui semble provenir de la main de Marshall qu’il tend au-dessus de lui.
Il s’agenouille devant moi alors que je crache du sang venant de ma blessure à la bouche. J’ai un bras cassé, plusieurs fractures et une jambe en moins maintenant. Je ne perds pas tant de sang que ça, mais à ce rythme, je ne sais pas combien de temps je vais rester conscient.
« C’était amusant, mais tu n’avais aucune chance. Je me demande pourquoi personne ne me croit jamais. Maintenant, j’aimerais que tu me dises ce que tu as fait dans mes quartiers. Je vais avoir besoin d’une réponse qui me convient, sinon je risque de te faire encore plus souffrir. »
Je n’ai même pas la force de lui dire quelque chose. En voyant cela, il plante son sabre dans ma main droite me clouant sur place.
« Essaye au moins de dire quelque chose. Demande-moi de te laisser la vie sauve ou quelque chose du genre. Les cries d’agonies sont rarement intéressants. »
Alors qu’il remue son sabre dans ma main, j’essaye de me concentrer sur ce que je peux faire. Sur les options qu’il me reste. Je ne vois plus de possibilités. J’ai l’impression de ne plus avoir d’options maintenant.
En soupirant, Marshall se redresse et semble avaler le contenu d’une fiole. J’imagine que c’est un antidote. Adieu mon dernier plan.
[Tu as trois secondes, je ne pourrais pas faire mieux à cette distance.]
Alors que je peux entendre la voix de Yuu dans ma tête, je sens que le lien avec Juliette s’agrandit. On dirait que Yuu a décidé que la fusion était la seule solution. Trois secondes, ce sera bien assez. Dans mon état, je n’aurais pas le temps de jouer, mais je ne pense pas que « Sigu » laissera passer une telle opportunité.
Le lien s’élargit alors que la fusion commence. Je peux sentir les battements de mon cœur ralentir alors que l’esprit de Juliette s’approche du mien.
*
Sigu. J’aime bien ce nom.
Il n’y a qu’un seul homme avec qui jouer cette fois-ci. Tant pis. À cette distance, je n’ai même pas besoin de lui courir après.
D’un geste de la main, je laisse son arme me trancher la chair jusqu’à la passer entre mon majeur et mon annulaire pour me libérer, avant de saisir mon croc. Je contorsionne ensuite mon corps et, d’un mouvement de bassin, je me projette dans les airs en direction de mon adversaire qui est déjà debout. Il semble surpris, quel ennui. Mon corps est tellement léger avec une jambe en moins.
Une
Ma jambe passe autour de son cou où je l’enroule en le verrouillant fermement. Inutile de lui laisser le temps de réagir. Avec ma main blessée, j’enfonce mon croc dans son cou, enfin j’essaye. Il a la peau dure. J’arrive à peine à l’égratigner. Sans doute une compétence idiote qui m’empêche de m’amuser. Ou alors je manque peut-être de force avec cette main déchiquetée ? Ce n’est pas grave, il ne me reste qu’à le mordre à plusieurs reprises rapidement.
Deux
Il m’attrape la jambe et commence à serrer. La cheville se brise, mais ça ne m’arrêtera pas. Je continue à serrer alors que mon croc frappe son cou, sa tête, son épaule. Des petites plaies dont perle du sang. Si le poison dans l’arme est bien ce qu’il est censé être, ça suffira.
Il continue de serrer et je peux sentir que mes os se fragmentent de plus en plus. Il ne me reste plus qu’à l’attaquer une dernière fois. Une petite vengeance personnelle qui convient parfaitement à un observateur. Un croc dans l’œil enfoncé le plus loin possible dans sa petite tête idiote.
Trois.
Mon esprit se sépare de celui de Juliette et je perds le peu de force qu’il me reste en ressentant la douleur qui traverse ma jambe et ma main. Je m’effondre à moitié alors que Marshall me jette au sol comme une marionnette dont les fils sont coupés. La dent de basilique est toujours enfoncée dans sa tête et il le retire rapidement en hurlant et en m’insultant. Il me frappe au niveau du ventre et je voltige sur une dizaine de mètres en brisant un peu plus mes côtes.
Il m’aura fallu quoi, une semaine d’entraînement avec Nerys pour finir dans cet état. C’est ridicule. Je vais probablement mourir en perdant tout mon sang ou à cause de mes côtés brisées qui sont probablement en train de percer mes poumons, vu la difficulté que j’ai à respirer. Je ne sais même pas comment je fais pour rester conscient. C’est calme, tellement calme.
[Tu en as encore trop fait. Comment veux-tu que je visite le pied de la tour si tu finis dans cet état tout le temps. Un idiot, rien qu’un idiot.]
Yuu…
[Ne t’avise pas de mourir. La cavalerie arrive.]
*
Est-ce que c’est fini ? C’est bien fini pas vrai ? Même avec la distance, quand il s’est fait couper la jambe… Je –. Non, n’y pense plus. Ce n’est pas la peine de se rendre encore une fois malade. Je l’ai traîné dans cette situation, je dois rester forte. Marshall finit par s’effondrer sur le côté. OUI ! Enfin ! Il a gagné pas vrai ? Alors pourquoi est-ce qu’il est immobile au sol comme ça ? Est-ce que c’est fatal de couper la jambe de quelqu’un ? Il doit avoir tellement mal… Ghg…
[Toujours consciente ?]
Q-quoi – oui !
[Très bien, admire ce que je viens de trouver.]
Ah ?
La salle commence à trembler. C’est d’abord un long grincement sourd qui se matérialise petit à petit avec des vibrations de plus en plus lourdes. Des chocs de plus en plus puissants, comme des coups sourds contre des blocs de pierre, alors que le sol semble craquer un peu plus chaque seconde.
J’attrape la rambarde sans savoir à quoi m’attendre alors que les chocs semblent de plus en plus forts et de plus en plus proches. Ce n’est clairement pas normal, c’est encore un coup de ce démon qui ne veut pas m’expliquer ce qu’il se passe… Plutôt que de frapper le sol comme ça, il ferait mieux de venir en aide à Nomad !
Soudainement, le sol en dessous du globe se brise et une tête de – de dragon en sort ?! Il rugit en ouvrant sa gueule et des flammes blanches en sortent ! Le sol continue de se briser alors qu’il finit par s’en extirper complètement en ouvrant ses ailes blanches en grand, lançant une ombre gigantesque sur le globe alors qu’il couvre facilement plus de la moitié des balcons justes avec ses ailes.
« Où est-il ?!!! Où est le geôlier ?!! »
Le D-dragon parle en plus ?! Son cri retentit à travers toute la salle en s’amplifiant avec un écho qui fait trembler le balcon où je me trouve. Il a l’air de chercher quelqu’un.
*
Il faudra que je remercie la guide de m’avoir donné les directions, mais je pense que ça lui fera trop plaisir. Une autre fois peut-être.
Je me trouve sur la tête du nouveau compagnon que j’ai trouvé dans les souterrains. Je pense qu’en termes de renfort, c’est largement suffisant pour faire la différence, quoiqu’il arrive. Et maintenant pour sauver Nomad…