– « Votre mère ? » Le Chef Souverain de la Mort afficha un regard surpris. Pourquoi Linley n’en parlait-il qu’à la fin de ses recherches ? « Attendez un moment. » Elle ferma les yeux.
Linley sentit la nervosité monter en lui. « Ma mère… Je n’ai jamais rencontré ma mère ! » Dans son esprit, le mot mère était une abstraction. Mais en son âme et conscience, il aurait aimé la connaître. À quoi ressemblait-elle ?
– « Étrange. » Le Souverain posa son regard froid sur le visage de Linley.
– « Qu’est-ce qu’il y a ? » Dit Linley, inquiet pour sa mère. Comparée à son père ou à ses amis, lorsqu’elle était en vie, elle était très faible. Bien que son âme soit très pure, sa force n’était pas très grande.
– « Vous n’avez pas réussi à la trouver ? » Demanda Bébé.
Le Souverain fronça les sourcils, quelque peu irritée. « Linley, vous essayez de me faire une blague ? »
– « Souverain, comment oserais-je vous faire une farce ? Dites-moi, quelle est la situation de ma mère ? Est-elle morte-vivante ? Qu’elle soit vivante ou morte, dites-le-moi sans ambages. » Linley sentait la nervosité monter, alors que le regard du Souverain devenait encore plus disgracieux.
– « Pff. Votre mère n’est pas morte du tout, et elle n’est pas non plus devenue une morte-vivante ! Pourtant, vous me demandez de la rechercher ? » L’irritation de la Souveraine était à son comble. Pour elle, il ne faisait aucun doute que Linley se moquait d’elle. Celle-ci ne pouvait pas remporter le pari évoqué par son requérant si la recherche se soldait par un échec !
– « Ma mère n’est pas morte ? »
Bébé avait les yeux écarquillés. « Pas morte ? C’est impossible. Le Roi de Fenlai l’a dit lui-même. Ça ne peut pas être faux. »
– « Votre mère n’est pas morte. Ou elle serait morte parce que son âme aurait été détruite. Une chose est sûre, l’âme de votre mère n’est pas dans l’Autre Monde, et elle ne s’est pas transformée en mort-vivant. Autrement, il y aurait une trace dans le cœur de l’Enfer. C’est impossible qu’il ne la trouve pas si elle s’y trouve ! »
Cette information chagrinait Linley. Il la savait clairement décédée. Pourquoi le Souverain mentirait-il ?
– « Souverain. Ma mère est en effet décédée il y a longtemps. D’après mes recherches, lorsqu’elle est morte, son âme a été offerte par l’Église Radiante d’un plan matériel au Souverain Radieux, le Souverain en Chef de la Lumière. Ce Souverain se soucierait-il d’une âme ordinaire ? Est-il possible que l’âme soit réellement transférée à travers les plans jusqu’au Plan Divin de la Lumière ? » Linley n’y croyait pas du tout.
– « Si les choses se sont déroulées comme vous le dites, alors l’âme de votre mère devrait en effet se trouver dans le Plan Divin de la Lumière. Elle est sous le contrôle total de son Souverain en Chef, désormais. En bref, je n’ai aucun pouvoir sur elle. »
– « Le Plan Divin de la Lumière ? » Linley était désespéré. « Y a-t-il un moyen pour moi de ramener ma mère ? »
– « Impossible ! Toutes les âmes recueillies par le Souverain en Chef de la Lumière ne retrouveront jamais leur libre arbitre. Je vais vous dire ceci… les Anges du Royaume de la Lumière Divine sont complètement loyaux envers les Souverains de la Lumière ; il n’y a aucune chance qu’ils ne le soient pas. Même si vous trouvez l’Ange en lequel votre mère a été transformée, il n’y a aucune chance qu’elle revienne. »
– « Des Anges ? » Linley savait quelques petites choses sur ces Anges. Ils étaient une race militaire puissante contrôlée par les Souverains de la Lumière. Selon les légendes, ces derniers avaient créé les Anges. Et même s’ils étaient intelligents, on les décrivait comme des machines de guerre à forme humaine. Sa mère était-elle devenue une de ces créatures ?
– « Pour quelle autre raison les Souverains de la Lumière collecteraient-ils des âmes pures, me diriez-vous ? Le but est de renforcer leurs armées d’Anges. » Dit le Souverain.
– « Il n’y a aucun moyen pour moi de ramener ma mère ? »
– « Les morts-vivants réincarnés disposent au moins de leur liberté. Mais les anges… Linley, vous avez entendu parler des Golems du Dieu de la Mort, des armes de guerre à forme humaine, n’est-ce pas ? Les anges sont un peu plus spéciaux que ces Golems ; ils ont leur propre intelligence. Néanmoins, ils partagent une chose : les anges ne trahiront jamais leurs maîtres, les Souverains de la Lumière. De plus, étant donné le caractère de celui qui vous concerne… Même si d’autres Souverains lui rendaient personnellement visite et lui demandaient de libérer un de ses Anges, la probabilité qu’il accepte serait très aléatoire. »
– « Y a-t-il autre chose ? S’il n’y a rien d’autre, je vais partir. » Demanda le Souverain avec empressement.
– « Il y a encore une chose que j’aimerais vous demander. »
– « Vous avez vraiment de gros problèmes. Parlez, alors. » L’attitude du Chef Souverain de la Mort envers Linley était clairement bien meilleure que sur la Montagne Abyssale. Le fait que Linley soit considéré comme un Paragon jouait évidemment en sa faveur.
– « J’aimerais savoir s’il y a un moyen de ramener quelqu’un à la vie, dont l’âme est dissipée. »
Le Patron doit certainement penser à Grand-père Doehring. Bébé n’ignorait pas l’affection profonde qu’avait Linley pour Doehring Cowart.
– « Vous plaisantez ? Une fois que l’âme d’une personne est dissipée, cette personne est définitivement morte. Comment pourrait-on la faire revenir ? »
– « Oh… » Le soupçon d’espoir de Linley s’évanouit.
– « En fait, Linley, il y a peut-être une petite chance pour la ramener à la vie. »
– « Hein ? » Les yeux de Linley devinrent brillants. « Souveraine, quelle est cette méthode ? »
La Souveraine fut surprise par le regard de Linley. « Une personne dont l’âme est dissipée meurt définitivement. C’est le point de vue des Souverains. Mais selon la légende, le Dieu Suprême de la Vie est la personnification des Édits de la Vie ; cette dernière est donc elle-même l’Édit de la Vie. Le fonctionnement de l’univers est contrôlé par les édits. Je ne suis pas capable de sauver une personne dont l’âme s’est dissipée… mais peut-être que ce Dieu Suprême l’est. »
– « Oui. Oui ! » Linley jubilait. « Il peut certainement sauver cette personne ! »
– « Ce n’est que mon opinion. Je ne suis pas un Dieu Suprême ! Je ne peux pas en être complètement certain, mais, d’après ce que je sais, les Dieux Suprême sont omnipotents. Il semblerait qu’il n’y ait rien dans l’univers infini qu’ils ne puissent accomplir. Ils sont les Édits, tout de même ! »
– « Voilà ! Je n’ai plus de temps à vous consacrer. Je vais faire en sorte que les six personnes que vous avez mentionnées soient amenées à la Montagne Abyssale. Vous devriez vous y hâter… et retrouver votre famille et vos amis. » Dès que ces mots furent prononcés, le clone d’énergie du Souverain disparut !
Linley et Bébé se regardèrent. « Patron, félicitations. » Bébé gloussa.
Linley était tout sourire. Ses doutes avaient été levés en entendant le Souverain en Chef de la Mort. Il allait retrouver les siens, et il ne lui manquait plus qu’à rencontrer le Dieu Tout-puissant de la Vie. « Tout va s’arranger. Bébé, rendons-nous à la Montagne Abyssale. »
Ils embarquèrent dans leur forme de vie métallique…
L’Autre Monde. Préfecture des Os du Nord. Repaire des bandits des dix-huit chaînes de montagnes. L’une de ces chaînes …
Des nuages sombres tourbillonnaient dans l’air comme un dragon noir, couvrant le ciel nocturne. On pouvait à peine apercevoir la lune sanglante et diabolique.
George était assis devant la fenêtre de sa chambre, ses yeux fixant l’astre sinistre. « La richesse que j’ai accumulée devrait me suffire pour acheter une maison en ville. » Il réfléchissait. « Plus important encore, il me faut trouver une occasion d’aller en ville ! Bon… dans trois mois, une caravane sera envoyée en ville pour vendre des objets que nous avons volés. Encore trois mois alors ! »
Pendant tout ce temps, George avait lentement attendu, sans se presser. Même s’il était un genre de trésorier pour les bandits de ces chaînes, c’est-à-dire qu’il divisait les richesses équitablement, il n’osait pas trop détourner les fonds. La plupart des experts, dont il avait en charge l’argent, ne savaient que s’entraîner et tuer mais ne connaissaient rien à la gestion financière. Ainsi, son travail était assez détendu. Au fil des ans… les bandits s’étaient attachés à lui et croyaient en ses jugements.
Soudain…
– « Douzième Frère ! » Un cri retentit.
– « Qui est-ce ? » George plissa le front, se dirigeant immédiatement vers le salon.
Plusieurs personnes sortirent. Le chef de la chaîne de montagnes, un grand homme chauve, apparut. « Hé, Patron. Qu’y a-t-il de si urgent ? » Il prit ses gardes pour aller accueillir son visiteur, le chef des dix-huit chaînes de montagnes.
La lumière de l’étrange lune semblait recouvrir toute la chaîne d’une couche de sang.
– « Douzième Frère, dépêche-toi ! »
George se trouvait derrière le grand homme chauve. Il reconnut le nain barbu, Kleopatra, aux côtés d’un homme aux cheveux d’or et à la robe violette.
– « Qui est la personne près du chef ? » George était plutôt perplexe. Pourquoi ne connaissait-il pas cette personne occupant apparemment un rang élevé ?
– « La personne qui m’accompagne est le Démon Sept Étoiles, le Seigneur Beverly [Be’wei’li]. » Dit le nain.
L’homme chauve s’inclina immédiatement. « Milord. »
Le Seigneur Beverly lança un regard calme qui s’arrêta sur George.
George, voyant cela, fut secrètement choqué. « Pourquoi ce Démon me regarde-t-il fixement ? »
– « Vous êtes George, n’est-ce pas ? » Dit Beverly.
– « Euh… oui. »
– « Dans votre ancienne vie, vous apparteniez au Plan Yulan ? » Un rare soupçon de sourire apparut dans les yeux de Beverly.
George fut stupéfait, mais il hocha tout de même la tête pour acquiescer.
– « Très bien. Suivez-moi. »
– « Milord Beverly, puis-je demander pourquoi vous emmenez George ? » Dit l’homme chauve avec empressement. Il était tellement ravi de tout ce que George accomplissait depuis tant d’années, notamment les tâches fastidieuses, de sorte qu’il n’avait aucun souci à se faire, qu’il ne voulait vraiment pas qu’il parte.
Le Seigneur Beverly haussa les sourcils.
– « Douzième Frère ! » Le nain aboya en guise de reproche.
– « Patron, laissez-moi le suivre. » George était reconnaissant de l’affection qu’on lui portait, mais il savait aussi que la demande d’un Démon sept étoiles était quelque chose que ces bandits n’oseraient pas refuser.
– « George… » L’homme chauve le regarda, puis lui tapota sur l’épaule.
George esquissa un sourire, le cœur plein d’amertume. « Je m’étais préparé pendant tant d’années. Nous étions sur le point d’aller en ville… pourquoi cette personne est-elle apparue tout d’un coup pour m’emmener ? Ma rencontre avec Troisième Frère et les autres va devenir encore plus difficile. »
– « Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas une mauvaise chose pour vous. » Dit Beverly. « Le Souverain a pris ces dispositions. »
– « Le Souverain ? »
– « Suivez-moi. » Lui dit Beverly d’une voix calme.
– « Oui. » George n’osa pas désobéir. « Je ne suis qu’un personnage de petite importance. Pourquoi attirerais-je l’intérêt d’un Souverain au point d’envoyer quelqu’un pour moi ? »
George ne comprenait pas, mais il suivit le Démon…