La Tour des Mondes
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« Allez ! Plus vite ! Allez ! »

Emy trépigne d’impatience à l’avant de son navire. Elle regarde sur sa droite et se rend compte que le navire d’Olga continue d’aller plus vite que le sien.

Elle sait très bien pourquoi, mais elle souhaite vraiment être la première sur la plage. Impossible qu’Olga la devance. Grâce à Solstice, ils ont pu passer plus facilement à travers le barrage de boules de feu et la plage n’est maintenant qu’à quelques coups de rames. Bien sûr, il y a d’autres boules de feu en préparation, mais le bouclier de Tom a bien fonctionné jusque là et elle ne s’en fait plus trop pour la flotte non plus.

Du moins, ce n’est pas le moment de s’en faire. Fuir ne sera pas possible tant qu’ils auront l’Archimage de leur côté.

Elle esquive une flèche d’un mouvement de la tête en regardant les différentes lignes de défense devant elle.

Des rangées de pieux sur la plage. Ensuite au moins cinq mille soldats en formation, puis sur la dune à mi-hauteur une rangée de mille archers et encore après, une autre ligne de défense où se trouve l’Archimage et d’autres soldats en haut de la dune. À vue d’œil, Emy a l’avantage numérique et c’est tout ce qu’il lui faut, le reste elle s’arrangera directement sur la plage, mais si Olga lui vole la vedette elle ne sait pas ce qu’elle fera.

Elle recule de quelques pas en tenant fermement son marteau de guerre qu’elle n’a pas quitté depuis le début de l’attaque et qui subit sa poigne de fer. La tension de ne rien pouvoir faire depuis un navire commence à trop peser pour elle. Emy ne pense qu’à gagner la course avec Olga.

Elle regarde Tom toujours concentré sur le bouclier magique protégeant le navire puis les soldats qui se sont accroupis et se protègent des flèches derrière leurs boucliers.

« Je pars devant ! »

Elle se courbe et se tend pour avoir le plus de force possible et d’un seul coup saute en avant et vers la plage et la ligne de soldats qui l’attend. Elle active un par un les boosts les plus importants et atterrit sur la plage à une trentaine de mètres du navire et à seulement une vingtaine de celui d’Olga.

Emy regarde devant elle en se disant que depuis sa fuite du pied de la tour avec Nomad elle a vraiment commencé à se faire à ce moyen de déplacement.

En se reconcentrant sur la tâche devant elle, elle attrape son marteau à deux mains et fonce vers la ligne de soldats. Sautant directement au-dessus du mur de boucliers pour atterrir au milieu des guerriers, Emy commence alors à faire ce qu’elle fait de mieux en tant que grimpeuse, semer le chaos et la destruction.

*

Les cheveux dorés d’Olga virevoltent dans l’air marin. Son violon joue toujours en boucle la même note comme le tic d’une montre beaucoup trop rapide. En suivant ce son, les esclaves continuent de ramer à toute allure sans même se rendre compte de l’effort que cela fait subir à leur corps. Les soldats de leur côté sont figés comme des statues en attendant la note salvatrice qui les relâchera de cette position. La mélodie change, d’une note elle passe à deux. En réponse, les soldats à ses côtés commencent à frapper en rythme leur lance sur le pont du navire tandis que les rameurs en bas poussent de toutes leurs forces en se tuant un peu plus à chaque coup de rame. Olga joue de ses doigts fins le long des cordes, faisant frémir à chaque instant les muscles des soldats comme pour les préparer et les échauffer avant d’arriver sur la plage.

Elle peut voir qu’Emy est déjà arrivée, mais elle ne la laissera pas avoir la vedette aussi facilement. Elle a beaucoup trop travaillé pour avoir sa place ici, dans cet événement clé qu’est la guerre pour la reconquête de Penovia. Elle ne compte pas les heures qu’elle a passé à faire en sorte que les soldats les plus réceptifs de l’armée ne deviennent qu’un sous sa musique tout ça pour qu’aujourd’hui elle puisse dire qu’elle a sous ses ordres l’unité la plus forte de toute l’armée hors grimpeur.

Une volée de flèches fonce dans sa direction et d’un son strident de son violon les soldats brandissent leur bouclier pour la protéger en continuant à suivre le rythme et la mélodie. Il n’y a plus d’individus sur ce navire, il n’y a qu’ordre et musique.

Le navire s’enfonce dans le sable de la plage et en reprenant sa mélodie elle ordonne aux premières rangées de soldats de descendre en sautant directement à l’eau. Elle avance vers l’avant du navire sur la pointe de ses pieds nus en continuant à jouer la même mélodie et à chaque nouvelle note les soldats débarquent et forment aussitôt un mur de bouclier. Certains se font toucher par des flèches, mais ils les ignorent et en les retirant aussitôt reprennent ce que la mélodie leur souffle de faire en seulement quelques notes.

Olga se jette de l’avant du navire et aussitôt quatre soldats la réceptionnent en bas. Une partie de sa robe blanche est mouillée par l’eau salée, mais en aucun cas elle ne cesse de jouer. D’un son plus grave le mur de bouclier devient plus fort et plus rigide alors que les autres soldats continuent de venir en renforcer le nombre et la taille. Elle frappe son pied contre l’eau et le sable et d’une nouvelle mélodie le mur avance. Ses yeux sont fixés sur ce qu’il y a devant elle et sur la ligne de soldats qui se rapproche petit à petit. À mesure que le mur de bouclier réduit la distance au rythme de son violon, sa musique le rend imperturbable et inébranlable. Uni dans son mouvement et plus dur que la pierre. À chaque note qui retentit dans les airs, le mur avance, tandis qu’elle continue de renforcer le mur en y ajoutant plus de soldats.

« Mélodie de la conquête, Charge aérienne glorieuse, Premier mouvement »

Dans les échos de sa mélodie précédente, les premiers mouvements musicaux commencent et autour d’elle les soldats s’élancent vers l’avant. Le mur de boucliers s’arrête à quelques pas de la ligne de guerriers ennemis qui la charge, mais n’arrive pas à le briser. À l’intérieur du mur de bouclier se forme une rampe construite d’hommes et de boucliers sur laquelle s’élance les premiers soldats, tombant depuis les airs sur l’ennemi en ne craignant ni peur, mort ou douleur. Il n’y a que la mélodie dans leur tête et dans leur corps qui les guide. La victoire est la seule réponse qu’ils peuvent rendre à la musique, la musique l’ordonne et ne pas la lui donner serait une punition pire que la mort.

Les premiers ennemis tombent au sol alors qu’eux ne semblent craindre aucune attaque. Cinq, dix, quinze soldats se jettent dans les airs en oubliant toute forme d’auto préservation et en forçant leurs adversaires à l’ahurissement le plus total. Qu’est-ce qu’un coup d’épée ou de hache comparé à la musique qui les fait vivre et les pousse vers l’avant.

Une lance dans le torse ? Un bras coupé ? Une blessure fatale n’arrêtera pas la musique et tant qu’elle joue l’individu et la douleur n’existent plus. Il n’y a qu’une obéissance proche de la folie qui les habite, comme si au moment où la mélodie retentit le chaos habituel de leur existence était remplacé par l’ordre et la soumission. Plus besoin de réfléchir, il ne reste qu’à tout lui donner.

Petit à petit, les guerriers ennemis reculent sous les coups toujours plus violents des soldats en trance et un nouveau mur de bouclier se forme. À l’arrière, Olga ne pense déjà plus à eux pour qui sa mélodie continuera de raisonner. Elle regarde en direction d’Emy et se rend compte qu’elle est inarrêtable en plus d’être enfoncée très loin dans les lignes ennemies. Les navires sont de plus en plus nombreux à accoster et les soldats se répandent petit à petit sur la plage. Au moins tous les soldats de son navire sont avec elle, la musique peut enfin changer.

« Mélodie de la conquête, Pluie Funeste et Robuste, deuxième mouvement, variante numéro deux. »

Derrière elle, trois rangées de vingt se forment ; dès les premières notes, chacun se met en position et ouvre un sac en toile contenant des dizaines de javelots qu’ils se mettent aussitôt à lancer en rythme. Elle prend le temps nécessaire pour que la mélodie se grave dans leurs esprits pour qu’ils la jouent seuls et elle revient ensuite à sa première mélodie qu’elle conclut et les soldats qui continuaient de se servir du tremplin pour foncer depuis les airs sur les guerriers se replient aussitôt dans le mur.

« Mélodie de la conquête, Façade Meurtrière, premier mouvement. »

Dès le départ des soldats sautant au-dessus du mur les guerriers se ruent en avant en essayant de briser le mur sans succès, mais les interstices entre les boucliers sont à présent plus grands et plus réguliers. Un son retentit et des lances transpercent les guerriers en passant à travers les meurtrières. Un autre son et les lances se rétractent.

La mélodie se répète plusieurs fois alors qu’Olga observe les alentours. Petit à petit, les autres groupes de soldats débarquent sur la plage et le régiment d’Emy est déjà en train d’attaquer la ligne de guerriers qu’elle a déjà bien affaiblis et qui se concentrent sur elle.

À ce rythme, c’est Em qui se sera montrée la plus forte aujourd’hui et Olga ne l’acceptera pas. Il est temps de passer à autre chose. À quelque chose de bien plus fort qu’une simple Mélodie pour que cette bataille soit la sienne. C’est un de ses atouts, mais si elle ne s’en sert pas elle le regrettera sans doute.

« Concerto de Guerre, Ouverture »



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