La Tour des Mondes
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Chapitre 139 – Cultivé
Chapitre 138 – Dans la douleur, un sourire Menu Chapitre 140 – Un plan qui germe

— Installe-le sur le dos. Ici, c’est bon.

— Il va salir la banquette avec son sang.

— C’est mon problème. Dis moi, êtes-vous vraiment amis tous les deux ?

— C’est mon larbin.

— Tu prends beaucoup de risques pour sauver un larbin.

— Pas vraiment. Je ne sais pas… Quoi qu’il fasse, il se met toujours dans des situations impossibles et ça m’énerve.

— Merci en tout cas. Je vais te demander de sortir pendant que je m’occupe de lui. Ferme bien la porte.

Je peux entendre vaguement quelques sons dans la pièce que j’interprète comme ceux de Maliel qui sort et me laisse avec Mad. Je ne sais pas ce qu’elle compte faire pour arrêter la douleur, mais j’ai confiance en elle. Après tout, c’est une vétérane et ce n’est probablement pas la première fois qu’elle voit quelqu’un dans mon état. Elle pose une main à un endroit où ma peau n’est pas en morceau en signe amical et sans doute pour s’assurer que je n’ai pas perdu connaissance.

« Je sais que tu m’entends, Nomad. De ce que je sais, ce n’est pas ton premier rodéo, mais tu t’en es sorti de peu et dans un état lamentable. Nous n’avons pas de prêtre à disposition dans le bar donc je vais devoir te soigner moi-même… Je ne suis normalement pas capable de soigner les gens… et je vais être franche. Soit, je te soigne en utilisant des biais normaux avec des onguents et des bandages ce qui risque de prendre un moment et tu garderas les cicatrices ainsi que quelques séquelles jusqu’à ce que tu vois un vrai prêtre. Ça te prendra probablement plusieurs mois de t’en remettre vu ton état. Tu ne mourras pas, mais ce sera douloureux… Soit, j’utilise une autre méthode encore plus douloureuse et qui risque de te tuer, mais qui te fera sortir de la pièce en pleine santé dans les dix minutes. Pour autant… je ne suis pas sûre que tu sois prêt à la rencontrer tu es encore un débu…. Ah. »

J’entends la porte qui s’ouvre en grand et Madeleine qui semble surprise. Est-ce que quelqu’un a fini par trouver un médecin ? La personne entre et referme la porte derrière lui. Je peux sentir une forte odeur de terre et de mousse humides qui m’imprègne les narines. Comme si un bout de forêt venait de rentrer dans la pièce. Je n’ai pas la force de me tourner vers lui où même de le regarder, mais d’après ce que j’entends c’est un homme.

— Cro’, j’aimerais savoir ce que tu fais là.

— Pas la peine d’être aussi froide, c’est une visite de courtoisie. Vu ce qu’il se passe à l’extérieur j’imagine que j’ai bien choisi mon moment… Comme si j’allais manquer ce genre d’occasion… Et je vois que tu as quelqu’un qui a besoin de moi ?

— Si tu penses pouvoir faire mieux que moi, je t’en prie, mais ne commence pas à faire des expériences étranges. Et puis si ça t’intéresse, celui-là est le dresseur dont tout le monde parle….

— QUOI ?! Et tu ne pouvais pas commencer par me dire… CA !? Garçon je vais faire ce qu’il faut si tu m’entends, Madeleine par pitié pousse toi vite de là j’ai tellement de questi — … Ghu. ?!

— Ose me reparler comme ça Cro’ et je te jure que la prochaine fois je me sers de toi pour repeindre le bâtiment avec ton sang pendant que ce qui te sert de déguisement me servira de pot-pourri, on est d’accord ? C’est parce que je te connais que je te le dis et que ce n’est pas déjà fait, mais n’abuse pas de ma bienveillance.

— Ghu… J-j’comprends, je me suis juste un peu emporté… Pardon ? Ghua ! Tu as toujours une sacrée poigne en tout cas, aha… Toujours en forme à ce que je vois, eh…

— Je te propose que tu t’écartes pour que je sorte de là avant que tu ne dises quelque chose de fâcheux. Soigne le gamin, après on parlera calmement autour d’un verre et je te dirai que je suis contente de te revoir et tu t’excuseras correctement pour ton comportement.

— Oui, oui bien sûr, je t’en prie. Et il ne craint rien avec moi ! J’ai fini d’expérimenter avec les excréments depuis longtemps…. Période la plus étrange de ma vie avec le recul…

Pendant que Cro’ marmonne, je peux entendre la porte qui se ferme d’un claquement sec indiquant que Mad est bien sortie. C’est la première fois que je l’entends hausser le ton et j’espère bien que ce sera la dernière. Ou du moins que je ne serais jamais la raison de sa colère… Cro’ était capable de parler de son côté, mais je ne pense pas que j’en aurais été capable à sa place.

Je crois que je passe à côté du principal là…. C’est un médecin ? Un vrai ? Alors pourquoi a-t-il parlé d’excréments ? Madeleine est déjà partie sans même me laisser le choix, est-ce que ça veut dire que je peux avoir confiance en lui ? Elle avait parlé d’une méthode qui ne prendrait que dix minutes sans finir sa phrase… Est-ce que ça ne vaut pas mieux que cet homme qui vient de rentrer dans la pièce ?

Alors qu’il s’installe à côté moi, j’entre-ouvre l’œil qui me fait le moins mal et franchement… Je n’aurais peut être pas dû. Assis à côté de moi se trouve un homme, indéniablement, mais un homme buisson ? De ce que je vois il est recouvert de branches et de feuilles en tout genre. Et je vois à peine sa bouche sous ce qui semble être une sorte de couvre-chef en herbe. Son sourire me fait légèrement peur par contre. Un mélange entre « je suis content de faire ta connaissance », « je suis un peu stupide ou un peu fou » et une petite touche de « je vais “bien” m’occuper de toi ».

Il commence à agiter sa main devant moi comme s’il me faisait coucou en perdant plusieurs feuilles des branches sur son bras qui semble lui servir de vêtement.

— M-Médecin…?

— Pas du tout, rassure-toi !

Tout en gardant un sourire en coin comme s’il était fier de sa réponse, il se rapproche de moi et commence à regarder de près les blessures sur mon corps.

Est-ce qu’elle lui fait vraiment confiance pour me soigner ? Madeleine est effrayante en colère, mais lui est effrayant d’une façon bien différente.

Avant même que je puisse trouver la force de lui dire que je m’en sortirai sans son aide, il commence à parler et à « s’attaquer » à mes blessures. Si Micha et Juliette étaient là, je leur demanderais de faire en sorte de me protéger de lui, mais elles sont restées avec Yuu et Adelina dans la pièce principale du bar après leur avoir dit de le faire pendant que l’on me soigne. Il approche ses mains qui sentent la terre de mon dos et je commence à hurler et lui commence à parler comme si de rien n’était.

« Je suis un Survivaliste, un vrai de vrai. C’est ma classe principale. Pour un vrai survivaliste, enfin d’après moi, ce qui compte c’est l’endurance. Quelle que soit la situation nous sommes les gars qui en avons le plus. Pas comme des Berserkers, mais plutôt comme des zombies, enfin je crois. Ou alors c’est juste moi ?… Quel que soit l’environnement, un vrai survivaliste pourra s’en servir à son avantage pour se guérir, se cacher, se nourrir… Arrête de hurler sinon Madeleine va revenir. Une brave fille. Un peu étrange, mais tout le monde finit par l’apprécier… Un peu comme moi héhéhé ! Ouille… Cette partie-là doit te faire un mal de chien. Je vais devoir y mettre un peu de mon mélange spécial.. Je connais ce regard ! Tu te demandes d’où je sors ça puisque je ne le garde pas dans mon inventaire… Tu ne veux pas savoir. À moins que ce soit juste la douleur qui te fasse ouvrir les yeux comme ça ?… Mais c’est efficace, vraiment ! Je l’ai déjà essayé sur moi par le passé et je n’ai jamais été malade. Après j’ai mes compétences aussi… Les survivalistes ont un métabolisme un peu particulier… Ça ne te tuera pas en tout cas ! Du moins pas très vite… Cette marque là te fera une belle cicatrice sur le visage…. À moins que je mette une graine là-dedans et demain tu pourras avoir un beau tournesol pour cacher tout ça. Comment ça non ? Bah, tu as raison, ce n’est probablement même pas une graine de tournesol. Celle-ci sera mieux sur ton dos… Pour un dresseur, je te trouve vachement irascible quand il s’agit de douleur. Ou alors c’est juste que tu es trop jeune. Tu verras, avec le temps ce genre de blessures te fera rire… Ou te tuera.. ? Ça reste quand même le résultat le plus réaliste maintenant que j’y pense. Vu ton physique de gringalet, ce serait étonnant que la prochaine fois ça ne te tue pas. Où sont tes animaux d’ailleurs ? Je pensais qu’un dresseur ne s’en sépare jamais ? »

À mesure qu’il parle et me « soigne », mon corps tremble dans tous les sens. Il étale une sorte d’engrais sur mon dos comme il le ferait sur une tartine, sauf que dans le cas présent c’est moi et mon dos où il ne reste que peu de peau la tartine. Tout mon corps est palpé et frotté avec la délicatesse que j’aurais pour un sac de patates. À plusieurs reprises, je perds connaissance, mais comme s’il voulait continuer à me parler je me réveille à cause d’un pic de douleur plus important qui implique généralement qu’il mette ses mains à l’intérieur de ma chair.

Et ça continue…

Encore et encore…

*

Comment dire… Cro’ est plutôt insupportable. Je ne vais pas rappeler que je souffre et que j’ai l’impression qu’on a laissé à un fou irresponsable l’occasion de me soigner. J’ai même du mal à comprendre tout ce qu’il raconte, mais la douleur n’est pas suffisante pour que mes oreilles en lambeaux ne cessent de fonctionner complètement. Du coup, j’écoute et pour faire au plus court, Cro’ est un ancien professeur d’histoire, archéologue et spécialiste du paléolithique. Il a perdu sa famille d’après ce que j’arrive à comprendre de son discours et c’est la faute à la technologie. ? En tout cas, il ne supporte pas les inventions humaines au point d’avoir tout rejeté après avoir être interné à l’asile puis une fois dans la tour. Sa grande idée serait donc de trouver l’origine de l’homme. Enfin ce qui a permis à l’homme d’être l’homme. L’étincelle d’intelligence, sa cause et ainsi de suite.

C’est aussi à partir de là que je l’ai perdu. Bien sûr, tous les sujets étaient mélangés entre eux, jardinage, expérience de survivaliste où lécher un caillou l’aurait sauvé de la mort, le fait que sa génération de grimpeur ne le supporte pas, mais qu’il s’en fiche, son passage à l’asile qu’il qualifia d’expérience sociale désagréable et chimiquement incorrecte pour sa condition mentale instable et inexistante d’après lui.

Histoire de rendre la compréhension plus difficile, il s’arrête de temps en temps en plein milieu d’une phrase avant de reprendre en parlant d’autre chose comme d’un arbre dont il était tombé amoureux pendant quelque temps, mais qui l’avait quitté pour un bouleau. Tout cela ne fait aucun sens pour moi, mais malgré la douleur je ne peux pas, je n’arrive pas à l’ignorer. La seule chose que j’attends c’est que ça se finisse et qu’il me laisse en paix avant que je commence à me dire que je vais mourir.

Lui semble faire abstraction de mes cris de douleur et de mes gémissements et se contente de faire la discussion comme s’il partageait une tasse de thé avec moi.

Après plus d’une heure à me raconter sa vie et à faire des choses incompréhensibles dans mon dos et sur le reste de mon corps Madeleine finit par rentrer et lui poser une question inquiétante pour moi, mais qu’elle semble fatiguée à l’avance de devoir lui poser.

— Cro’… Pourquoi est-ce qu’il a un potager sur le dos ?

— Ce n’est pas un potager ! Juste des plantes parasites que j’ai fait s’enraciner dans son dos, elles poussent vite hein ?!

-…

— Ah. Euh… C’est des plantes qui soignent son porteur avant de vivre en symbiose avec lui et qui finiront par le tuer ? Un genre de lierre à pousse rapide que j’ai moi-même bouturé et grâce à une galle que j’ai provoquée a fini par donner un résultat curatif.

— Toujours pas.

— Euh. Moi mettre plantes qui soignent lui… Moi ensuite couper plantes et laisser racines pour soigner lui… Plantes bien bien soignées. Jolies fleurs bonus. Demain soir, dresseur en pleine santé ?

— … Ça ira comme ça. Laisse-le se reposer maintenant.

— Mais je voulais parler avec lui ! Je n’ai pas eu le temps de lui poser des questions…

— Nomad. Évite de bouger jusqu’à demain. Cro’ prend tes affaires.

-… Tu le savais ! Tu savais que j’oublierais de lui poser des questions pendant les soins et maintenant je vais devoir attendre alors que tu sais que je ne supporte pas ça ! Et laisse-moi deviner, ce n’est pas fini tu vas me demander autre chose maintenant !? Je ne suis pas ton lar…

-…

— Bien Madame. Je sors tout de suite, Madame. Je ne dirai plus rien.

(Merci à Devilex29 qui lors du concours a obtenu la récompense d’avoir un personnage qu’il a lui-même inventé apparaitre dans TM et qui a permis de donner le jour à un personnage pareil qui me fait beaucoup rire xD)



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