J’analyse cette silhouette dans les escaliers et sens mon pou s’affoler.
C’est de la peur ? De l’angoisse ? Peut-être bien les deux.
La silhouette progresse silencieusement vers moi. Sous l’adrénaline, je cours rapidement jusqu’à l’interrupteur le plus proche. Je me tourne et soupire
Quelle idiote de me faire flipper à une heure pareille.
— Inoue-chan ! Qu’est-ce tu fous là, tu m’as fait flipper !
— Oh pardon, Yazaki-kun, je v’lais pô t’frayer, tu vas bien ?
Elle réussira jamais à prononcer correctement mon nom ? C’est dingue…
— Ça va mieux maintenant, oui. Tu voulais quelque chose, Inoue-chan ?
— J’ai euh… un p’tit problème.
Je suis épuisé…
Je lui fais signe de venir s’asseoir sur le canapé à côté de moi.
— Je t’écoute.
— Chizu arrive pas à dormir à cause de la lumière allumée et moi, j’ai… je crains l’obscurité.
Elle a réussi à tenir une phrase, bravo !
La peur du noir ? Ça me rappelle quand je devais m’occuper de la veilleuse de ma sœur. Mais maintenant, c’est devenu sa hantise et elle ne peut plus se coucher avec le moindre reflet.
Tentons dans un premier temps de la rassurer.
— Tu veux te reposer ici ? Tu pourras laisser la lumière allumée, ça m’ennuie pas.
T’es beaucoup trop gentil, idiot, hurle dans mon esprit, Kinari énervé.
Tais-toi, le psychopathe.
— Tu lis dans mes pensées, Yazaki-kun
Et pourtant je ne suis pas Haruka Kotoura.
— Je vais te chercher un futon, je reviens.
Au moins, toi, tu pourras dormir dans un vrai matelas.
Je lui installe son lit, puis lui propose un thé. Elle dresse un sourire, et accepte.
Bordel, sourit pas t’es déjà beaucoup trop canon sans ton sourire, n’en rajoute pas !
Ses pommettes rougeâtres et sa frange qui lui donne un côté mystérieux… J’adore…
Le thé se remplit jusqu’à en déborder et couler sur le meuble.
— Yaz’ki-kun, fais gaffe !
Son regard me fait visiter les sept merveilles du monde, rêve Kinari amoureux.
— Yaki ! hurle-t-elle. Occupe-toi de ma boisson au lieu de me dévisager, idiot !
Je me secoue la tête pour sortir de mes pensées.
— Pardon !
Putain qu’est-ce que je fous, moi !
Je lui tends son thé. Elle en prend une gorgée puis me confie.
— Tu sais, j’ai un rêve.
Encore un rêve ?
— Ah oui ?
— Oui, mes parents travaillent dans la musique, et ils sont toujours à l’étranger pour préparer des projets. Alors depuis que je suis toute petite, je me sens obligée de jouer d’un instrument. Et je suis tombée amoureuse du piano. Ça doit faire huit ans que j’en joue, et j’adore ça ! Mon rêve serait d’être une musicienne de renom et de jouer en duo !
Attend, elle est tombée amoureuse du piano ou de Shigatsu wa kimi no uso ?
— Pourquoi tu veux jouer en duo ?
— À vrai dire, personne n’arrive à tenir mon rythme, et d’après papa c’est la plus belle chose les duos.
— Tu sais, t’as déjà conquis le lycée, tu n’auras pas de mal à trouver un partenaire, je crois, en toi, Inoue-chan.
Elle s’approche de moi et me confie sensuellement.
— Je suis sincèrement désolée, Yazaki-kun.
— De ?
— T’ennuyer autant.
Bordel prend pas une voix qui porte autant à confusion, t’es tarée toi aussi !
— Tu me déranges pas, t’inquiètes pas, pour ça.
— Tu es vraiment a-do-ra-ble, articule-t-elle.
Ses pommettes rougeâtres et son compliment assomment Kinari amoureux.
Elle termine son thé. La peur qui s’était affichée sur son visage semblait se calmer.
— Je peux faire autre chose pour toi ?
— Oui… je euh… je voulais qu’on parle encore un petit peu.
Elle n’a plus aucun mal à faire des phrases, c’est tellement mieux comme ça !
— Je t’écoute.
Une discussion nocturne. Génial, soupire Kinari blasé.
— Tu sais, on ne se connait pas énormément, me dit-elle en caressant ses cheveux. On est dans la même classe depuis plus d’un mois, ce serait sympathique d’en apprendre un peu plus l’un de l’autre.
Un mois ? Ça fait seulement un mois que je suis dans ce lycée ? J’ai lu, l’équivalent de zéro heure, zéro minute et zéro seconde, un manga… douce tristesse.
— C’est vrai que le temps passe vite.
— J’ai remarqué qu’en début d’année, t’étais quelqu’un qui était toujours seul. Petit à petit, tu t’es rapproché de Shimizu-chan et pendant notre voyage scolaire, tu t’es lié avec moi. Je voulais savoir pourquoi t’étais quelqu’un de solitaire.
Lié ? Qu’est-ce qu’elle raconte ?
On a échangé de rôle, là ? Ce n’est pas elle qui est venue vers moi ?
— C’est simple, être seul, c’est rien devoir à personne. C’est un principe auquel j’ai adhéré. J’me suis toujours débrouillé comme ça. Être solitaire c’est rejeter toutes émotions, se passer de choses que j’estime inutile. La colère, le chagrin ne sont que des hantise pour moi.
— Et pourquoi t’as changé alors ?
— Je pense que c’est à cause de mon club de littérature, j’ai pas vraiment eu le choix de rencontrer d’autres personnes… et avec le temps, j’me suis rapproché de certains de mes camarades.
— Donc si tu t’es lié à moi, c’est uniquement à cause du voyage scolaire, je vois.
Elle penche sa tête vers moi.
— N’est-ce pas, Ya-za-ki-kun, dit-elle sensuellement.
Ta poitrine est bien trop proche, idiote.
Bordel, j’vais faire une crise cardiaque !
Je peux m’occuper d’elle si tu veux, me chuchote Kinari énervé, avec deux khukuris à la main.
— Tu te trompes Inoue-chan, c’est grâce à notre voyage scolaire que nous nous sommes rapprochés.
— T’es le premier à être aussi gentil avec moi, Kinari.
La fille sortie tout droit d’un eroge m’appelle par mon prénom, rêve Kinari amoureux en se relevant de sa chaise.
Je dois vraiment m’occuper de ces personnages tout aussi bêtes l’un que l’autre.
— Le… le premier ?
— Oui, à vrai dire tout le monde me voit comme l’idole du lycée ou comme la mascotte. Ils pensent tous que j’existe pour satisfaire leurs oreilles, mais moi aussi j’ai un cœur ! J’en peux plus d’écouter les caprices de tout le monde ! Ils pensent tous que j’ai des tas d’amis, que j’ai aucun problème, que je vis une vie paisible, alors que c’est tout l’inverse. La vérité c’est que je me sens seule, que je n’ai pas d’amis. La vérité, c’est que je me concentre dans la musique parce que je n’ai que ça !
Cette puissance dans tes mots, c’est d’une profondeur immense…
J’attrape ses mains, fixe son regard et lui dis.
— Je… Tu…
Je vais défoncer cet univers en 3D, entends-moi bien Têto, entends-moi bien Menma et toi aussi Isla !
— Tu veux bien être mon ami !
Fujimiya Kaori.
Des larmes coulent sur ses pommettes et un sourire se dessine sur son visage.
— Oui !
Pfiou, c’est pas si simple que ça de dire des choses pareilles.
— On va se coucher, Kinari ?
— Ouais.
Plus tard, j’entends Inoue murmurer d’une douce voix.
— Maintenant q’né ami, j’aimrais trop qu’tu m’appelles Aneko.
Tu ressembles trop à Shouko Nishimiya.
Le lendemain matin, j’ai entendu deux filles crier et deux garçons rire. Un brusque réveil avec en plus, une douleur atroce au bras. J’ouvre lentement les yeux et découvre l’expression furieuse d’Anzu et Masuko.
— T’as fait quoi avec Inoue-chan ? Sale pervers !
Je balaie le regard autour de moi.
Où suis-je ?
À ma gauche, le canapé et à ma droite, une fille dort à côté de moi.
Au besoin, j’interviens, chuchote dans un coin de mon esprit, Kinari énervé.
Tais-toi, imbécile.
Concentre-toi, concentre-toi.
J’ai dû tomber dans mon sommeil, c’est certain.
Cette odeur de rose… c’est Aneko qui… qui est contre moi !
La situation est critique, je bondis du sol et m’agenouille devant les deux filles au visage colérique.
— Désolé ! C’est pas ce que vous croyez.
Aneko se réveille et ouvre lentement les paupières.
Tu tombes à pic, l’héroïne des eroge.
— Il t’a fait quelque chose, Inoue-chan ?
Les joues d’Aneko s’empourprent. Elle tente de les cacher avec ses mains, et reste muette.
Alerte, alerte, s’écrie Kinari président.
Un énorme malentendu s’approche, là…
Je lève le regard et constate que Yamaguchi et Maeda descendent en chantonnant d’un ton moqueur.
— Yamazaki-kun le pervers, Yamazaki-kun, le pervers.
Je vais finir par m’effondrer devant cette scène.
Il ne manque plus que Chizu et je peux dire adieu à ma vie d’étudiant.
Tiens donc.
Chizu ouvre la porte de sa chambre, se frotte les yeux, puis hurle.
— Kinari !
Les meubles du chalet tremblent face à son cri d’une puissance phénoménale.
Je m’inflige deux claques au coin de la figure.
C’est ma dernière chance.
— Écoutez-moi, Aneko et moi c’est pas…
Anzu s’approche de moi et me gifle.
D’où tires-tu une telle force ? Je n’ai pas ressenti une douleur pareille depuis des années.
— Comment ça, Aneko ? me demande-t-elle en fronçant les sourcils. Depuis, quand tu l’appelles par son prénom ! Qu’est-ce qu’il s’est passé hier soir, Kinari !
Adieu, courte vie en 3D.
— J’annonce l’assemblée numéro deux, intitulée « Kinari est un imbécile » ouverte, prenez place messieurs, s’exclame Kinari président.
— Quel est le thème de cette réunion ?
— Nous analyserons ce que nous devons faire dans cette situation. On vous écoute.
— On ne pourrait pas simplement les tuer ? J’ai envie de m’amuser, moi.
— T’es dur… On pourrait très bien s’enfuir, loin, loin, très loin, non ? propose Kinari timide.
— Ce n’est pas bête, d’après mes recherches, la fuite est le meilleur moyen d’attaque lorsque les problèmes nous submergent. Dans le cas que nous nommerons n1, les personnes à l’origine du différend nous retrouveront et s’excuseront. On estime cette probabilité à quarante-huit pourcent. Dans le cas n2, les personnes nous abandonneront et auront à jamais ce regret. On estime cette probabilité à cinquante-deux pourcent.
— Ou sinon, je les découpe ?
— Vous me donnez mal au crâne. On a fait des tas d’efforts pour être gentil avec chacune d’entre elles. On mérite pas ça, c’est tout, confie Kinari blasé.
— Le débat est clos.
Il tape deux coups de marteau, puis juge.
— On prend la fuite !
Je sors par la porte et choisis avec précipitation une direction.
Tout droit.
Dans ma course, j’ai entendu Anzu hurler, mais n’y ai pris pas la moindre attention.
Je trouvais un cerisier seul sur mon chemin. Exténué, je décide de m’arrêter ici. Je saisis mon téléphone et remarque la quinzaine d’appels manqués d’Anzu.
Vous m’épuisez.
La veille, je n’ai pratiquement pas pu dormir et mon réveil était d’une part, beaucoup trop matinal, et d’autre part, bien trop brutal.
J’admire cet arbre face à moi.
Toi au moins, tu vis, personne ne t’embête, les passants t’observent, mais ne viennent pas discuter, te taquiner. J’aimerais tant être un cerisier comme toi.
T’en es rendu à parler à la végétation, idiot ? me souffle Kinari blasé.
Ses pétales roses apaisent mon cœur quelques instants.
Ces arbres sont toujours si colorés ?
J’entends un hurlement au loin, mais n’en comprends pas un traître mot. Le son progresse petit à petit et finalement, je saisis mon prénom.
J’analyse la silhouette qui s’approche dans ma direction. Plus les secondes passaient, plus je remarquais le nombre de profils augmenter.
Six.
Mes camarades et ma sœur s’allongent sur le sol.
— Pardonne-nous !
Je n’en mérite peut-être pas tant, calmez-vous…
Anzu relève la tête puis de ses deux mains fait le signe du pardon.
— On est vraiment désolé d’avoir imaginé tous ces scénarios. Excuse-moi de t’avoir insulté de pervers et je suis encore plus navrée de t’avoir mis une gifle…
Quelqu’un s’excuse, pour moi ? C’est la première fois que ça m’arrive. Bordel j’suis censé faire quoi ?
Embarrassé à la vue de mes camarades et de ma petite sœur étalés sur le sol, je leur demande.
— Relevez-vous, c’est gênant, là…
Aneko serre l’herbe humide avec ses poings et hurle.
— Je suis tellement désolé, tellement désolé. Tu es mon premier ami, et pourtant j’ai fait n’importe quoi ! Pardonne-moi !
Son premier ami…
J’attrape sa main pour la redresser.
Elle pleure ?
Je passe mes doigts sous ses yeux pour essuyer ses larmes puis lui murmure.
— Je suis également fautif, Aneko.
Son sourire se dessine lentement. Elle m’étreint et des gouttelettes apparaissent de nouveau à flot. Cette scène me réchauffe le cœur. Enfin… ça aurait été le cas si Anzu et Masuko arrêtaient de bouder…
Notre présidente semblait se sentir affectée, elle s’approche de moi et bredouille.
— Suis-moi, j’ai quelque chose à te demander, Kinari.
Elle s’empare de ma main, se tourne vers nos camarades, puis les prévient.
La douceur des mains des filles en 3D, j’en suis fan.
— On va faire les courses tous les deux, on revient plus tard.
Sur le trajet, Masuko m’avoue avec appréhension.
— Désolée, Kinari, je t’ai menti.
Je garde le silence et l’écoute.
— Je n’avais rien de spécial à te demander. Je voulais juste passer du temps avec toi, je me sens tellement coupable. Tu saurais comment me faire pardonner ?
Te faire pardonner ?
Au loin, j’aperçois une boutique de feu d’artifice.
Un plan me vient à l’esprit.
Nous courrons jusqu’à la vitrine.
À vrai dire, je n’ai plus un sou depuis le cadeau que j’ai offert à Anzu.
Comment leur remonter le moral ? Très simple, j’ai eu l’idée de demander à Masuko d’acheter des feux d’artifice. Chizu m’a déjà confié qu’elle adorait ça.
Si ma sœur aime ce type d’activité, c’est que tout le monde doit aimer ça.
— Tu veux bien payer des feux d’artifice pour ce soir ?
— Tu n’es pas si bête que ça, Kinari.
Qui l’aurait cru, soupire Kinari blasé.
— Merci.
— T’as vraiment la classe. J’achète ça tout de suite !
La classe ? J’en suis pas si certain.
— Je pensais à ça Kinari, mais si tu as besoin de remonter tes notes tu peux compter sur moi !
Mais bien sûr ! Pourquoi je n’y ai pas pensé avant !
Je l’ai laissé récupérer les feux d’artifice. Moi, j’ai changé de rayon, et ai attrapé un livre de révision.
Nous nous dirigeons au chalet.
— Kinari ?
— Oui ?
— Pourquoi as- tu pris ce cahier ?
— J’ai bien réfléchi, et je pense que je dois t’aider à réviser, mais comme je suis nul, je vais bosser comme un taré pour rattraper un bon niveau, et ensuite je te ferais réviser pour que tu puisses réaliser ton rêve, celui d’intégrer l’école Tôdai.
Elle me fixe, laisse ses joues s’empourprer, et me confie.
— Tu es aussi incroyable qu’adorable. Tu as le cœur sur la main ! On a été cruel avec toi ce matin et malgré ça, tu veux m’aider à réaliser mon rêve, personne ne m’a jamais aidé ! Je n’en connais pas deux comme toi.
Ses mots adoucissent ma haine.
Shigatsu wa kimi no uso : Oeuvre japonaise classée romance, musique, school life.
Têto : Dieu de No Game No Life.
Menma : Personnage principal portant une longue robe blanche. ( Anohana )
Isla : Personnage principal de Plastic Memories.
Fujimiya Kaori : Personnage perdant la mémoire tous les Lundi qui n’a aucun ami, jusqu’à ce qu’un garçon vienne la voir en lui disant, tout les semaines, qu’il veut être son ami.
Shouko Nishimiya : Personnage qui bégaie. ( Silent Voice )