J’avance dans les rues en regardant à droite à gauche. La route que nous avons prise pour rejoindre l’ami de Thif nous a considérablement éloignés du centre-ville puisqu’il habite dans le quartier riche. Il y a plusieurs casernes dans le quartier et des gardes qui patrouillent en permanence. La plupart me regardent méchamment, mais j’imagine que c’est parce que je suis un Grimpeur. Cependant malgré les réactions que ma présence entraîne la plupart semblent se détendre en voyant le Mange-Mot m’accompagner et vont même jusqu’à lui montrer un certain respect.
Il faut vraiment que j’en apprenne plus sur eux. Je n’arrive pas à éloigner ce sentiment étrange qu’il y a quelque chose que je ne peux pas comprendre qui vient d’eux. Je ne sais même pas s’ils sont considérés comme des esclaves, comme des servants ou comme des gens importants pour mériter le respect des gardes et vu qu’ils ne peuvent pas parler j’ai l’impression que je n’aurais pas de réponse. Je jette un regard dans la direction du Mange-Mot, mais celui-ci semble impassible et fixe le vide.
Bon, après avoir fait un tour du quartier riche je décide de lui demander de m’emmener dans les quartiers les plus commerciaux. Après tout, je suis dans un autre monde et c’est le moment de voir ce que ce monde peut proposer. Vu que c’est un port commercial, je pense que ça me donnera un bon aperçu de ce que je peux trouver en Galatia.
Le Mange-Mot passe devant moi suite à ma demande en me faisant signe de le suivre.
Qui qu’il soit et en y réfléchissant je pense que c’est clair qu’il sait se battre. La façon dont il est monté dans le drakkar à côté du phare montre un certain contrôle, mais pour l’aura…
Les rues défilent et nous finissons par arriver dans un quartier où la foule se bouscule, je peux toujours voir quelques grimpeurs qui se promènent seuls ou en groupe, mais ils sont assez rares. Il y a beaucoup plus de gardes que ce que j’aurai cru en tout cas. Les gardes continuent de me dévisager comme si j’étais un monstre, mais je vais finir par m’y faire, tant qu’ils ne m’agressent pas.
Nous finissons par arriver dans des rues couvertes d’étals et honnêtement après avoir fait un tour rapide je suis un peu déçu de ce que je vois. Des bibelots, des bijoux, des armes ou des armures. Rien ne semble d’aussi bonne qualité que ce que je pouvais trouver au pied de la tour et le pire c’est qu’il n’y a rien de surprenant. Bon, j’imagine que le monde de Galatia est juste plus médiéval que fantastique, pas de potions, pas de magie, pas grand-chose au final. Je comprends un peu mieux pourquoi les grimpeurs ont mis le chaos pendant 15 ans dans ce monde, avec les compétences et les classes c’est impossible de résister à une arrivée massive d’autant de gens dangereux. J’exagère un peu, mais il suffit de voir le siège du village d’y a quelques jours. À deux, on a réussi à faire reculer et tuer un bon paquet de guerriers. Sans parler du groupe de grimpeurs qui ont pris la tête du pays de « Penovia » si je ne me trompe pas ? Enfin bref les grimpeurs sont dangereux.
Je regarde les alentours tandis que le Mange-Mot reste à côté de moi et finis par de lui demander s’il n’y a pas des endroits plus intéressants pour trouver du matériel. Il se contente d’acquiescer et me redemande de le suivre. Nous continuons à traverser la ville sans trop de problèmes et finissons par arriver devant un grand bâtiment de plusieurs étages sur lequel est écrit en grand « Hôtel des ventes ». Bon je ne m’attendais pas tout à fait à ça, mais j’imagine que ça correspond à ce que je cherche si je ne peux rien trouver de plus intéressant dans les rues.
Je rentre avec mon compagnon muet à l’intérieur et je suis aussitôt reçu par un homme habillé de parures dorées qui s’avance dans ma direction. Le hall d’entrée semble se diviser en plusieurs escaliers et portes qui sont toutes gardés par des soldats, mais l’une d’entre elles est ouverte et les gens s’y engouffrent. Un homme s’approche alors de nous et il a l’air d’être une sorte de vendeur ou de réceptionniste. Ils sont plusieurs à avoir ce rôle dans le hall et ils sont tous en train de discuter avec ce que j’imagine être de potentiels clients.
— Un Grimpeur et un Mange-Mot, c’est un bien étrange duo que l’on ne voit jamais ici. Bienvenue, en quoi puis je vous aidez ?
— Je cherche à voir ce que cette ville a de plus intéressant à vendre. Qu’est-ce que je peux trouver ici ?
— Vous arrivez dans les temps pour l’enchère. L’arrivage de la journée devrait vous plaire.
L’homme me demande alors de payer une somme pour m’inscrire sur les listes et après avoir vérifié auprès du Mange-Mot que c’était bien le prix normal je me contente de donner la pièce d’argent au vendeur.
Il m’indique ensuite la direction de la salle, mais avant de m’y diriger je lui demande ce que vaut l’argent d’un grimpeur ici.
« Le taux de change est en faveur des grimpeurs, mais peut-être souhaitez-vous que quelqu’un vous accompagne pour parler à votre place lors de l’enchère ? »
Je me contente d’acquiescer et d’un mouvement de la main, il appelle un homme qui commence à me poser des questions sur l’argent à ma disposition. Apparemment, il a l’habitude de s’occuper des grimpeurs et il semble prêt à surenchérir dès que je lui ferais signe si quelque chose m’intéresse.
Apparemment même si j’ai l’impression de ne pas avoir tant d’argent que ça, pour une enchère comme celle-ci c’est suffisant. Les pièces du pied de la tour sont faites avec des matériaux très purs qui valent plus que la monnaie de ce monde.
Nous passons dans la salle d’à côté et nous frayons un chemin à travers la foule pour avoir une place devant la scène. Au-dessus de nous se trouve un balcon où sont installés des gens plus riches ainsi que quatre loges réparties de chaque côté de la salle. Je ne m’attendais pas à rentrer dans une salle de ce genre, mais entre les gravures et les décorations, la salle donne une impression de richesse à laquelle je ne m’attendais pas.
Pendant plusieurs minutes, je patiente en dévisageant la foule autour de moi. Il y a deux autres personnes que je peux identifier comme des grimpeurs, mais les autres personnes semblent être des marchands ou des habitants de la ville. Un homme finit par monter sur la scène et s’installe au pupitre posé sur la droite de la scène.
« Mes seigneurs et messieurs, l’enchère va à présent commencer. À l’ordre du jour, nous avons plusieurs stocks d’armes et d’armures de très bonne qualité ainsi que des esclaves fraîchement arrivés des plaines de Dashi et des montagnes de Rana. Nous avons également des œuvres d’art venant du pays d’Erken et bien entendu quelques surprises à proposer ! Commençons immédiatement avec le premier lot d’épées !… »
Aussitôt, la foule autour de moi commence à s’animer et à discuter. Bon, je dois dire que je ne m’attendais pas vraiment à finir dans un endroit pareil. Je ne suis ni un connaisseur ni un habitué de ce genre de chose. Encore une activité que je n’aurais jamais faite sur terre.
Les différents articles défilent sur scène lentement et je ne parlerai pas de la partie avec des esclaves. Même si je n’aime pas l’idée, je ne compte pas mener une révolution pour les libérer…
Vu la réaction de Thif quand j’ai commencé à parler de démocratie, je me doutais que ce serait le genre de monde où les droits de l’homme ont encore beaucoup de progrès à faire. Je ne vais pas changer ce qui se passe en Galatia, mais je ne vais pas non plus faire partie de ce système. C’est peut être de la lâcheté de ne rien faire, mais après la défense du village qui s’est soldée avec la mort de plus la moitié du village et des guerriers, je ne pense pas que ça vaille le coup de me mettre à juger une culture différente de la mienne en quelques jours.
Il y avait des femmes et des hommes bien sûr, mais ce qui m’étonna le plus fut le grimpeur. D’après le récit du priseur sur scène, celui-ci était endetté et n’a pas eu d’autre choix que de se mettre lui-même en vente pour payer ses dettes. Et contre toute attente, le prix de vente fut relativement bas.
J’imagine que c’est aussi un risque pour l’acheteur de prendre un grimpeur en esclavage puisque c’est sans doute possible que d’autres grimpeurs viennent le « délivrer ». Le grimpeur en question était sale et en guenilles et il est resté inexpressif pendant que quelques personnes surenchérissaient pour finir par être adjugées pour une trentaine de pièces d’argent. Prendre un grimpeur en tant qu’esclave n’est pas stupide ? Après tout s’il fait apparaître une clé, il peut directement repartir au pied de la tour non ? À moins qu’il ne puisse pas ? Enfin, passons.
Jusque là, je n’ai rien vu de particulièrement intéressant ou de surprenant et les articles les plus chers étaient les esclaves avec une moyenne de cinquante pièces d’argent.
Le vendeur qui m’accompagne semble désespéré de ne pas me voir réagir, mais j’essaye de ne pas trop y prêter attention. Au total, une heure vient de se passer et j’attends de voir si effectivement les surprises dont a parlé l’homme sur scène existent vraiment.
« Mes seigneurs, messieurs, nous arrivons à la fin de l’enchère et nous proposons tout d’abord une épée en provenance de la Tour. Celle-ci, même si elle semble banale, elle est capable d’aspirer l’énergie des blessures qu’elle inflige pour redonner des forces à la personne qui la manipule. Nous commençons les prix à cinq pièces d’or ! »
Le silence résonne autour de moi jusqu’à ce que finalement un des grimpeurs que j’avais remarqué lève la main et propose six pièces d’or. Le prix continue d’augmenter et le grimpeur en question continue de surenchérir jusqu’à ce que le prix atteigne 34 pièces d’or. Ça me semble bien trop élevé pour une arme dont on ne connaît même pas la puissance de l’effet.
Vu qu’elle vient du pied de la tour, j’aurais cru qu’elle se vendrait pour bien plus dans un monde où la magie n’existe pas, mais sans avoir plus d’informations c’est difficile à dire. Peut-être que les gens de Galatia sont réticents à l’idée d’utiliser des objets de ce genre ?
« Bien, passons maintenant à notre avant-dernier article. Venant du désert de Piré au Sud, nous arrive un article un peu particulier que nous n’avons pas l’habitude de voir ici. Je vous présente aujourd’hui un Kelfi ! »
Après son annonce, on installe alors sur la scène une cage et dedans se trouve une sorte de petit renard.