Livre 2, Chapitre 47 – Bouclier, pierre, épée
Le Fiend and Huntsman devenait de plus en plus bruyant à chaque objet qu’il exposait. Le déluge d’objets étranges de l’Ordre ne cessait d’affluer ; la plupart étaient des armes comme des couteaux et des épées courtes ou des morceaux d’armure brisée. De temps en temps, des objets plus originaux étaient mis aux enchères.
Pour un étranger, cela devait ressembler à un salon de la brocante ! Les nobles criaient jusqu’à ce que leurs visages soient rouges sur des tas d’ordures. Au fur et à mesure que les prix grimpaient, chaque cri augmentait l’enchère d’un montant suffisant pour rendre un roturier malade d’envie.
Aurore demanda à son conseiller, « Qu’en est-il de celui-là. Dois-je enchérir ? »
« Pas d’offre ! »
« Celui-là ? Il a l’air pas mal ! »
« Pas mal ? T’as un problème avec tes yeux ? De la merde, de part en part. Tu l’achèterais juste pour le jeter. »
« Merde. Celui-là, alors. Il est en excellent état. On devrait faire une offre avant que quelqu’un nous l’arrache ! »
« Pas question ! » Cloudhawk ne faisait pas attention à ses babioles. Son attention était portée sur un objet que les préposés venaient de sortir. Il avait tout de suite compris que celui-ci était différent. Sa résonance était plus complète. La relique était encore en mauvais état, mais il y avait au moins une chance qu’elle puisse être réparée. « Celle-ci peut être réparée, mais tu n’as pas apporté assez d’argent. Laisse-la à quelqu’un d’autre. Nous allons garder un œil sur quelque chose de mieux. Et arrête de me regarder fixement. Tu as dit que tu écouterais ! »
« Ce n’est pas bon. Ce n’est pas bon. Tu m’irrites au plus haut point ! » Elle tira sur ses cheveux platine avec ses deux mains.
Il y avait plus de produits de qualité dans cette convention qu’elle n’en avait jamais vu auparavant. Si elle était seule, Aurore en aurait déjà acheté plusieurs, mais son refus résolu la forçait à rester assise et à regarder.
Les reliques étaient offertes les unes après les autres. L’une après l’autre, elles étaient vendues.
Il comprenait pourquoi l’ordre organisait cette convention de collecte. Cela devait être extrêmement rentable. À part le seul objet qui semblait à peu près décent, tout le reste était de la ferraille inutile ou presque en ruine.
Mais même ainsi, ils partaient pour un tiers ou la moitié du prix standard du marché pour les reliques. Les parties de reliques étaient achetées pour un dixième du prix. Il était facile de voir le profit que l’Ordre des Chasseurs de Démons réalisait.
Les chasseurs de démons n’étaient pas stupides. Ils savaient que peut-être une pièce sur dix valait quelque chose, mais ils avaient quand même participé avec joie. Il y avait des reliques qui valaient plus que tout l’argent qu’ils dépensaient. Une chance sur dix n’était pas si mauvaise si l’on considère les récompenses potentielles.
La vente aux enchères était arrivée à mi-parcours.
A ce stade, ils avaient déjà présenté près de vingt reliques ou pièces de reliques devant le public. Aurore avait enchéri sur plusieurs d’entre elles, mais uniquement dans le but de gonfler leur prix. Cela ne voulait pas dire qu’elle n’était pas impatiente de s’emparer de quelques-unes d’entre elles. Cependant, l’insistance de Cloudhawk l’avait toujours emporté.
Mais, pour une fille comme elle, comment ne pas se sentir étouffée par cette situation ?
D’habitude, c’était elle qui poussait les autres. Que se passait-il ici ? Il la rendait complètement folle !
Chaque minute qui passait la mettait de plus en plus mal à l’aise et la poussait à exploser. Il s’en fichait. Il se contentait de fermer les yeux, comme s’il méditait. Déjà furieux, voir son attitude apparemment désinvolte était presque suffisant pour convaincre Aurore qu’il avait besoin d’une raclée.
Elle était en train de retrousser ses manches quand soudain, il s’était réveillé par surprise. Une vibration calme et régulière remplissait l’air, une résonance totalement différente de celle des autres objets. Il était intact. « J’en ai un », avait-il dit. « Peu importe le prix de celui-ci. Achète-le. »
Aurore avait réussi à contenir sa colère bouillonnante.
« Hmph. Je vais t’épargner pour le moment. On va voir si tu dis des conneries ou pas. »
Une paire de manutentionnaires avait sorti une énorme valise et l’avait placée sur la scène. Quand ils virent ce qu’il y avait à l’intérieur, les commissaires-priseurs s’étaient tus. Il s’agissait d’un épais bouclier bleu que l’on pouvait attacher à son bras.
Le type d’objet n’était pas important. La première chose qu’ils avaient remarquée était que sa surface était criblée de cicatrices et de fissures dues au combat. Certains endroits étaient particulièrement mauvais, comme le coin supérieur gauche où il manquait un morceau. Les chasseurs de démons avaient tous secoué la tête, désintéressés.
La relique semblait presque complète mais en mauvais état. Les dommages étaient graves et étendus, alors comment pouvait-elle encore fonctionner comme une relique ? Les gens préféraient avoir une relique en mauvais état, brisée en plusieurs morceaux, plutôt que cette horreur.
D’un côté, la réparer serait coûteux, à supposer qu’elle puisse l’être.
Aurore était impatiente de dépenser son argent, mais son visage s’était effondré quand elle avait vu ce que c’était. Elle commençait à soupçonner cette fouine du désert de se moquer d’elle. Ce tas de ferraille valait-il vraiment quelque chose ?
« Le prix de départ est de vingt pièces d’or. L’enchère minimale est de deux pièces d’or. »
On a ce pour quoi on a payé, et ce bouclier robuste ne ressemblait pas à grand chose. L’enchère de départ n’était pas non plus très attrayante. La plupart n’étaient pas intéressés, et seuls quelques enchérisseurs ayant plus d’argent qu’ils ne savaient quoi en faire avaient fait une offre. Vingt or était plus d’argent qu’un roturier pouvait en rêver, mais pour beaucoup de riches ici, ce n’était rien. Si c’était cassé, alors c’était cassé. Ce serait au moins une pièce de collection. Peut-être que ça ferait une bonne décoration.
« Cette relique est plus intacte que tout ce qu’ils ont montré. Je ne joue pas avec toi ! »
Elle avait accepté d’écouter ses suggestions. Elle achèterait ce qu’il lui dirait d’acheter et ignorerait ce qu’il lui dirait d’ignorer – c’était le marché. Pour Aurore, il semblait qu’elle avait déjà manqué l’occasion de mettre la main sur quelques bonnes affaires. Et maintenant, il lui ordonnait d’acheter ce tas de ferraille. Ça l’énervait au plus haut point !
À quand remonte la dernière fois où cette belle et puissante dame d’une famille noble avait reçu des ordres ? Mais elle se souvint de sa promesse et regarda attentivement la cape qu’il avait juré de lui donner s’il se trompait. Elle ravala ses doutes, pour l’instant.
« Trente ! »
Elle cracha les mots avec dégoût.
Quelques voix répondirent à l’appel d’offres. C’était un bouclier abîmé, mais il y en avait encore quelques-uns qui étaient intéressés. Cependant, au final, le prix n’avait pas été trop élevé, et il était vite devenu trop important pour un intérêt occasionnel. Aurore l’avait remporté pour la somme finale de quarante-six pièces d’or.
Les autres commissaires-priseurs murmuraient tranquillement entre eux. Aurore n’avait pas besoin d’entendre pour savoir de quoi ils parlaient.
Elle n’était pas un membre apprécié de la communauté Skycloud, alors quand elle payait une si grosse somme pour un bouclier brisé, ils étaient plus qu’heureux de s’en réjouir. Lady Polaris semblait avoir plus d’argent que de bon sens. Son grand-père serait probablement furieux quand il verrait à quoi elle gaspille son argent.
« Regarde ! » Aurore dit, en serrant les poings. « Ils se moquent tous de moi ! C’est ta faute ! »
« Ne tire pas de conclusions hâtives. » Il était resté calme. « Bientôt, tu me remercieras. »
La convention de collecte se poursuivait avec des acheteurs excités se bousculant pour des trésors. Il y avait quelques pièces qui partaient pour plusieurs centaines de pièces d’or chacune. Il en avait identifié quelques-unes qui étaient bonnes, d’autres qui étaient mauvaises, quelques-unes qui pouvaient être réparées, mais aucune qui valait le prix. Il lui avait dit d’économiser son argent.
Finalement, un autre objet avait attiré son attention.
Les autres objets exposés étaient tous des boucliers ou des armes, des objets dont l’utilisation était évidente au premier coup d’œil. En revanche, cette relique avait la taille d’un poing et ressemblait à une pierre jaune. Sa surface était grossière et gravée d’étranges marques, mais elle n’était pas différente des autres pierres. Qu’est-ce que c’était ? Que faisait-elle ? Faisait-elle partie d’une relique ou était-elle une relique elle-même ?
Personne n’en était sûr.
Cloudhawk n’hésita pas et regarda la jolie femme qui l’accompagnait. « Celui-là est bon. Achète-le quoi qu’il arrive. »
Les enchères commencèrent avec un prix de base de trente pièces d’or. En peu de temps, elle était montée à soixante, soit le double du prix de départ. De toute évidence, il y avait un certain intérêt, mais l’intérêt avait ses limites. Personne ne pouvait dire, à première vue, si la pierre était une relique ou un morceau de relique. Personne ne pouvait dire d’après son apparence ce qu’elle faisait.
Quand Aurore avait fait une offre de quatre-vingt-dix pièces d’or pour l’acquérir, personne ne s’y était opposé.
Il était content, car il était convaincu que ces deux objets étaient déjà un bon butin. Cependant, alors qu’il s’apprêtait à abandonner, il en sentit un autre dans le dernier lot de la vente aux enchères.
Il s’agissait d’une ancienne épée noire et or.
Elle était relativement courte, environ un mètre de long et seulement deux doigts de large. La lame était noire et ne reflétait aucune lumière, mais elle émettait une faible lueur violette. Comme l’épée de bronze du début de la vente, elle semblait être en bon état. Cependant, là où les pouvoirs de l’épée de bronze s’étaient effondrés en interne, l’épée noire et or était entière. C’était une relique en parfait état de marche.
Aurore avait jeté un regard interrogateur à Cloudhawk. Il avait fait un signe de tête.
Instantanément, ses yeux s’étaient illuminés. Enfin, un vrai trésor. Mais, s’il était assez bon pour attirer l’attention d’Aurore, elle n’allait pas être la seule. Cependant, son apparence et son aura étaient troublantes. Plus d’un chasseur de démons dans l’assistance pensait qu’il s’agissait d’une relique de démon.
Les reliques de démons et les reliques de dieux étaient à peu près les mêmes, sauf que les reliques de démons avaient un penchant pour le pouvoir de la mort, des ténèbres et de la pourriture. Il n’y avait pas beaucoup de personnes dans la ville qui pouvaient les utiliser.
Les enchères avaient commencé. Les cris et les contre-offres avaient fusé de part et d’autre.
Au final, Aurore Polaris l’avait remporté pour un prix final de deux cent quatre-vingt-dix pièces d’or. Elle ne l’avait obtenu qu’à ce prix, car le vieil homme de tout à l’heure avait dépensé tout son argent sur les objets précédents. Sinon, il était évident qu’il aurait continué à enchérir.
À la fin de la convention de collecte, ils étaient repartis avec un bouclier, une pierre et une épée. Trois reliques qu’ils pouvaient désormais considérer comme les leurs.