Je laisse Emy à la sortie de la tour des voleurs et décide de trouver des sanitaires pour me laver afin de retirer le reste de la colle et du sable sur mes vêtements.
L’expérience avec la bombe collante aura beaucoup déplu à Emy, mais de mon côté j’ai pu voir à quel point elle était efficace. Si une seule d’entre elles arrive à scotcher Emy au sol… Vu la force qu’il lui a fallu pour s’en dégager, je pense que peu de gens seront capables de s’en défaire.
Je commence à voir plus clairement une stratégie pour me débarrasser de Léon, le chevalier.
La potion me servira probablement d’atout et l’arbalète me servira à l’achever sans avoir à m’approcher. Une fois qu’elle sera prête, il ne me restera plus qu’à mettre du poison de côté pour en terminer avec lui.
Je vais d’ailleurs avoir besoin de plus grosses quantités de poison pour m’armer convenablement. Je regarde Juliette quelques instants en pensant à ça et elle semble comprendre ce que j’ai en tête vu son regard. J’imagine que ce petit jeu qu’il y a entre nous va continuer un moment.
Enfin, tant que je finis par réussir à tuer le chevalier et à me servir de son poison efficacement, elle ne devrait pas trop m’en vouloir. J’aimerais bien qu’elle passe rapidement au prochain rang du lien, je me sentirais plus à l’aise avec l’idée qu’elle ne s’en aille pas sur un coup de tête à la longue.
D’ailleurs, le partage de vision fut plutôt utile avec Micha pour connaître la position d’Emy à tout moment, j’ai encore un peu de mal à m’en servir, mais une fois que j’aurai pris l’habitude de le faire, il faudra que je réfléchisse à toutes les façons dont je peux m’en servir.
Après m’être nettoyé, je décide d’aller chercher des carreaux d’arbalète de taille moyenne puisque je ne vais pas me servir uniquement des carreaux spéciaux. J’en achète une cinquantaine et décide de retourner dans la classe des Assassins pour continuer mon entraînement. Il est encore trop tôt pour aller chercher l’arbalète et je pourrais aller m’entraîner avec Fae, mais je ne souhaite pas la voir tant que cette histoire n’est pas complètement réglée. Alors que je m’apprête à donner une pièce au garde pour monter les escaliers une main se pose sur mon épaule.
« J’aimerais savoir pourquoi tu n’étais pas là hier et j’imagine que tu prévoyais de me poser un lapin ce soir en plus ? »
Je me retourne calmement en entendant la voix familière. Maliel se trouve derrière moi et semble en colère. Bon, je peux la comprendre, mais j’avais zappé à cause des évènements d’hier matin. Je me contente d’avoir un sourire gêné et de marmonner un bonjour. Je ne pouvais pas faire pire apparemment vu sa réaction. Elle m’attrape par l’oreille et m’emmène un peu plus loin.
— Tu vas me dire pourquoi tu n’étais pas là hier, maintenant.
– Ok, ok. On m’a forcé à accepter un duel et maintenant je dois m’entraîner pour ne pas mourir en gros.
— Comment est ce que tu fais pour te fourrer dans des situations pareilles. Déjà que tu es un voleur passable, maintenant je dois comprendre que tu ne tiendras pas ta part du marché et que tu vas garder tes pièces pour toi ? J’aurais dû m’en douter que ça finirait comme ça.
— Maliel. Je pense qu’être en danger de mort me suffit pour l’instant n’en rajoute pas. Tu voudrais vraiment que je continue à voler avec toi alors que j’ai un duel à préparer ? Ok je ne respecte pas notre accord temporairement… mais tu ne vas pas me le reprocher quand même, si ?
— Tu me déçois, mais passons. Tu n’as pas intérêt à mourir sans même être devenu rentable pour moi quelque temps.
— Est-ce que je dois comprendre que je vais te manquer si je meurs ?
— Dans tes rêves.
— Hm. J’y vais et si tu entends reparler de moi c’est que j’aurais survécu à un duel à mort que j’ai peu de chance de gagner. On reprendra notre relation à bénéfices unilatérale si je m’en sors ça te va ? Je peux aller m’entraîner maintenant ?
— Maintenant, c’est moi le monstre, Tch. Évite de crever, si tu t’en sors on reparlera peut être des termes du contrat en récompense.
Je laisse Maliel seule et repars en direction des escaliers en soupirant. Même si je tourne ça à la blague, ma vie est vraiment en jeu.
*
« Aller plus vite que ça ! »
Je saute d’une plateforme à une autre rapidement. Du niveau débutant, je suis passé au niveau moyen et je commence à avoir l’impression de vraiment faire des progrès. Je m’améliore, mais est-ce que ce sera suffisant ? J’esquive un carreau d’arbalète d’un mouvement de tête après avoir reçu un message provenant de Micha.
Je saute en direction d’une autre plateforme rapidement et m’y hisse en m’aidant du gantelet de félin. J’esquive un autre carreau visant ma jambe qui se plante dans la plate-forme et dont je me sers pour monter plus facilement.
« Sers-toi de tes jambes plus rapidement. Tu prends trop de temps. »
Je continue l’exercice en essayant de prendre en compte ses conseils. Après une dizaine de minutes à ce régime, Nerys stoppe le mécanisme et me dit de faire une pause.
Je tombe par terre en dehors de la zone en sachant que je n’ai que quelques minutes devant moi pour retirer les carreaux de mon corps. Celui dans ma jambe ne me pose pas trop de problèmes, mais celui qui est logé dans mon omoplate est impossible à atteindre pour moi. Nerys se place dans mon dos et l’arrache sans sommation alors que j’exclame un cri de douleur et me roule par terre.
— Tu perds du temps. Donne-moi ton baume.
— Je…
— Si tu n’arrives pas à endurer ce genre de blessure, tu n’iras pas très loin. Qu’est-ce que ça va être quand tu risqueras vraiment ta vie ?
— … Ce sera sans doute moins dangereux… qu’ici…
— Peut-être. Mais t’habituer à la douleur est une bonne chose. Tu peux souffrir de blessures ou avoir les os brisés, mais tant que tu apprends à survivre tu ne redouteras pas la mort.
— … Je… comprends…
Nerys enfonce ses doigts dans ma blessure pour y mettre du baume ce qui manque de me faire perdre conscience et de hurler. J’endure du mieux que je peux, mais c’est sans doute l’une des blessures les plus sérieuses que j’ai pu recevoir et je n’ai pas l’infirmière la plus empathique du monde pour s’occuper de moi. J’aimerais bien dire que je m’y suis fait, mais la douleur reste la même. Après une semaine à ce régime on peut dire que je suis rodé sur les blessures à l’arbalète et sur pas mal d’autres choses… L’escalade, l’utilisation de stylet, la course, l’esquive et le combat. Je peux rajouter les techniques d’assassinat que j’essaye depuis hier sur Nerys.
Pas de technique secrète pour l’instant. L’entraînement reste libre et dans la lignée de ce que l’on peut attendre de la classe. D’ailleurs, ça fait longtemps que je n’ai pas regardé et… Bingo !
Une nouvelle compétence est apparue : « Perception » et je suis Assassin de niveau 13. Bon je connais la définition générale, mais dans la tour c’est peut-être différent et je demande tout de suite à Nerys.
« Tu peux voir, sentir, entendre et ressentir mieux tout ce qui se passe autour de toi. Tu remarqueras plus facilement un piège, une embuscade, une faille dans l’armure, un mensonge et ainsi de suite, c’est une compétence passe partout qui… Qu’est-ce qu’il y a ? »
Pendant que Nerys était en train de m’expliquer à quoi sert la compétence dans les grandes lignes, une fenêtre vient d’apparaître devant moi. À l’intérieur de celle-ci est écrite la date exacte à laquelle aura lieu mon duel. À partir de maintenant, c’est un assassinat contre la montre qui m’attend. Il ne me reste que 6 jours et 12 h avant le combat.
Je le dis à Nerys.
« À partir de maintenant, tu vas devoir aller l’assassiner. Tu n’as pas beaucoup de temps devant toi. »