Lancelot subit un véritable dilemme entre son éthique et son devoir à l’égard de ses parents. Il était conscient que son père pardonnerait difficilement le fait de laisser filer une occasion de retrouver un de ses fils. Surtout pour protéger un être vu comme méprisable, un prisonnier appartenant à une organisation honnie par les elfes.
Toutefois le général avait du mal à accepter l’idée de jouer le rôle d’un manipulateur cruel. Il savait qu’il ne risquait pas de sanction vu la loyauté de ses subordonnés, et le fait que le captif avait une très mauvaise réputation. Au contraire Lancelot pouvait espérer une belle récompense en faisant avancer la lutte contre les néphilims en collectant des renseignements précieux. Mais il n’était pas une personne qui voyait d’un bon œil le fait de jouer les sadiques. Et puis la loi elfique était claire, sevrer de manière brutale un drogué figurait parmi les cas de torture, quelque soit le motif invoqué.
Parfois il était tenté de prendre des libertés avec la morale lorsqu’il se trouvait à une table de jeu, quand il ressentait un terrible frisson d’excitation en jouant gros. Cependant pour le général cela relevait de l’entorse grave aux principes de malmener un prisonnier en le brisant par l’intermédiaire du manque de drogue. Néanmoins quand Lancelot pensait au regard courroucé de son père en cas de divulgation de la nouvelle délicate, alors il sentait sa résolution s’amoindrir. Il essayait de peser le pour et le contre en toute conscience, mais quelle que soit la décision prise, il craignait de faire un choix affreux.
Les néphilims étaient vus comme de dangereux fanatiques dans les royaumes elfes, cependant Lancelot s’imaginait qu’en pratiquant la torture sur l’un d’eux, il s’abaissait au niveau de ces ennemis des elfes. Mais sa détermination flanchait en songeant au mépris de son père, au poids du secret à porter si le captif ne livrait pas de renseignements vitaux à cause du fait d’être traité correctement.
Finalement Lancelot malgré ses belles paroles ne fournit pas au meurtrier de quoi soulager sa dépendance. Il avait trop peur du jugement de ses proches en cas de fuite d’informations. Il savait que son père avait des yeux et des oreilles presque partout, et Lancelot entre son honneur et l’amour fraternel, préférait au final ses sentiments pour sa famille.
D’ailleurs Arthur avait prévu de jouer les informateurs dans le cas où le général serait resté fidèle à ses beaux principes ; qu’il aurait choisi de privilégier le bien-être du prisonnier. Le fort aimait beaucoup Lancelot, mais il tenait trop à travailler à la perte de Glil. Par conséquent il était prêt à beaucoup de choses pour forcer un témoin essentiel à déposer contre son ennemi.
Arthur connaissait de nombreux gens à contacter au fil du temps, il se construisit un réseau de messagers et d’espions destinés à défendre sa cause. Il se disait d’ailleurs que plutôt que de travailler à sa propre carrière et à son enrichissement, il serait peut-être plus noble d’assigner à ses mouchards et ses agents un but autre que la défense de ses intérêts personnels comme par exemple travailler pour la grandeur des royaumes elfiques. Cela renforcerait la loyauté de ses espions et sbires, si ces derniers agissaient pour d’autres motifs que l’acquisition de richesses. Bien sûr il serait idiot de négliger complètement la dimension monétaire pour des subordonnés travaillant dans des tâches dangereuses, mais un idéal c’est quand même un moyen de fidéliser.
En effet le fort se construisit au fil du temps une organisation illégale, il disposait d’environ d’une centaine de subordonnés dont certains ne reculaient pas devant le fait de tuer des ennemis. Certes Arthur était un petit joueur comparé aux seigneurs du crime les plus influents. Mais il commençait quand même à se tailler une certaine réputation, à accumuler de gros profits. Le fort s’enrichissait surtout grâce au commerce de biens interdits, notamment dans l’alimentaire. Il existait des viandes interdites pour des motifs religieux dans certains royaumes elfes, ce qui suscitait la convoitise de certaines personnes qui payaient fort cher de la chair de requin, et du renard en sauce.
L’assassin arrêté par Arthur, faisait de son mieux pour résister aux symptômes du manque. Cependant plus le temps passait plus il sentait sa volonté s’affaiblir, il fut tenté de se suicider pour ne pas révéler les informations qu’il détenait.
Mais il résista à l’envie de mettre fin à ses jours, malgré l’inconfort de son cachot n’offrant pour dormir qu’une planche en bois, ou le contact avec le sol humide. Le meurtrier avait un fils qui comptait énormément pour lui. Le fort attendait patiemment son heure, il savait que l’ombre jaune était une drogue qui finirait par délier la langue du meurtrier. Arthur prenait un malin plaisir à voir l’assassin perdre petit à petit sa morgue, et sa détermination.
Il regardait le regard fier et plein de suffisance du tueur devenir peu à peu implorant. Il se grisait de briser une volonté puissante. La transformation en vampire d’Arthur avait renforcé sa partie sombre, amplifier sa méchanceté. Les effets du passage d’humain à buveur de sang étaient variables, certains vampires pouvaient devenir plus gentils, d’autres développaient une tendance ignoble. En plus Arthur avait dû affronter à diverses reprises de la part d’elfes, des rumeurs désobligeantes et des calomnies sans fondements, malgré la gloire dont il s’auréola et de nombreux exploits. Résultat son cœur se durcit progressivement.
Le fort restait capable d’être généreux et de faire preuve de bonnes intentions, mais d’un autre côté une partie de lui était ouverte aux solutions peu honorables et, à la mise en place de complots. Arthur perdait progressivement ses illusions, il devenait de plus en plus retors avec le temps. D’ailleurs il eut l’idée de recourir à un mensonge méchant, pour briser plus facilement l’assassin. Il se rendit dans un cachot, et ressentit un moment du délice quand il décela le regard en partie vide et lointain du tueur.
Arthur : J’ai une mauvaise nouvelle à vous apprendre, votre fils est mort.
Assassin : Vous êtes sûr de vous, ne commettez-vous pas une méprise ?
Arthur : Je suis formel, j’ai vérifié plusieurs fois les documents que l’on m’a remis avant de venir vous voir.
Assassin : Qu’est-ce qui est arrivé au corps ?
Arthur : Il a été réduit en cendres par une boule de feu.
Assassin : Dans ce cas comment avez-vous identifié mon fils ?
Arthur : Un mage a procédé à une vérification par l’intermédiaire d’un sort sur les restes de votre fils.
Assassin : Mon nom disparaîtra donc avec moi, c’est vraiment une sale journée. Ma chair de ma chair est morte, je suis vraiment pathétique tout ce temps perdu pour les crimes, sans que je n’aide mon fils.
Arthur le fort mentait quand il disait que le fils de l’assassin était mort, toutefois le vampire pensait qu’en agissant ainsi il déstabilisait le meurtrier. En fait il commettait une grosse erreur. L’envie d’en finir avec la vie du tueur était très amplifiée par la fausse nouvelle répandue par le fort.
L’assassin fit plusieurs cauchemars où il voyait son fils qui le regardait de haut, qui le jugeait pour ne pas avoir été là durant ses derniers instants. Le tueur avait des défauts mais il était tout de même un bon père de famille, il n’avait jamais battu sa descendance, il consacra beaucoup de temps pour jouer avec son fils, il veilla à ce que sa progéniture mange tous les jours à sa faim.
Le meurtrier en outre avait fait de nombreux sacrifices financiers, pour que son fils puisse suivre une carrière de lettré. Il autorisa sa progéniture à choisir l’épouse de son choix. Dans beaucoup de familles humaines, le père n’était pas très gentil avec leur enfant, un fils qui ne rapportait pas assez d’argent à ses parents grâce à son travail pouvait être sévèrement puni voire battu.
De nombreux hommes contraignaient leur progéniture à servir la gloire de la famille au détriment de leurs aspirations personnelles. Le meurtrier se laissa dépérir, il sauta de plus en plus souvent les repas, il négligea de se laver le visage une fois par jour, l’envie de se droguer avec de l’ombre jaune devint un souci secondaire. L’assassin avait perdu sa principale raison de vivre, son fils comptait plus que tout pour lui. Pour le tueur sa progéniture était sa plus grande source de fierté.
Le meurtrier se compromit et commit des choses peu reluisantes afin de donner un meilleur avenir à sa descendance. Or il pensait que tous ses sacrifices ne servaient plus à rien. La culpabilité, la honte et le dégoût de lui-même rongeaient de plus en plus l’assassin. Sa volonté d’aller dans l’au-delà s’intensifiait d’heure en heure. Dans le même temps l’assassin se mit à détester les néphilims, il se dit que s’il n’avait pas consacré un temps fou pour ses missions, il aurait pu protéger son fils.
Arthur observait avec inquiétude le tueur se laisser aller, se morfondre, il regrettait d’avoir utilisé un mensonge qui avait des conséquences négatives. Toutefois le fort n’avait pas à proprement parler de remords pour avoir plongé un père dans le désespoir. Il en fallait beaucoup plus pour qu’Arthur soit sujet à la culpabilité. Par contre il était navré que sa tentative de manipulation ait été contre-productive. Il n’était pas satisfait que son numéro de menteur se soit retourné contre lui.
Le fort se sentait profondément frustré et ce genre d’événements attisait sa soif, le poussait à rechercher de nouvelles victimes animales. Arthur évitait de se nourrir sur les humains, il considérait comme une sorte de tabou le fait de boire le sang d’homme ou de femme. Il lui aurait été facile de trouver quelqu’un de consentant échangeant du liquide rouge de son corps contre de l’argent.
Toutefois le fort n’était pas disposé quand il parvenait à se maîtriser à céder à des pulsions de buveur sur des humains. En outre il voyait comme une erreur stratégique de chercher à s’abreuver sur des humains, cela donnait une réputation bestiale auprès de certains interlocuteurs.
Certes les elfes toléraient assez facilement les vampires qui buvaient sur des hommes. Mais des alliés très intéressants comme les hobbits voyaient d’un mauvais œil le fait de se livrer à des dégustations sur des humains. Alors Arthur essayait de consacrer le moins de temps possible à boire sur des hommes. Cependant même s’il contrôlait de mieux en mieux ses pulsions de vampire, il n’était encore totalement à l’abri d’un dérapage de temps en temps. Il acquit de façon très rapide une bonne maîtrise de son envie de boire du liquide rouge. Mais cela ne le mettait pas complètement à l’abri du désir de craquer.
Quand il était très en colère ou déprimé, l’envie de percer le cou d’une personne avec ses canines afin d’aspirer du fluide vital le taraudait. Cependant la nouvelle d’une procédure néfaste contre Glil calma les élans sanguinaires chez Arthur. L’assassin acceptait de déposer, de faire un témoignage accusateur.
En effet le général Lancelot escorté par une vingtaine de gardes, vint en personne mener une arrestation contre Glil. Quand il pénétra dans la tente du suspect, il ne put s’empêcher de pousser un soupir de dépit devant les faits consignés sur un parchemin. Glil tenta de voler par l’intermédiaire de son écrit les exploits d’autres personnes, il s’attribua les actes de héros. Mais bon il y avait plus grave, que des vantardises, beaucoup de guerriers avaient tendance à exagérer.
Lancelot : Lieutenant Glil je me vois dans l’obligation de t’arrêter, pour tentative de meurtre sur la personne du capitaine Arthur.
Glil : C’est n’importe quoi, je parie qu’il s’agit d’un complot de la part d’Arthur.
Lancelot : Arthur n’est pas blanc comme neige, mais il n’a pas ordonné à l’assassin qu’il a attrapé de t’identifier. Gardes enchaînez le lieutenant Glil.
Glil : C’est un scandale je me plaindrai à mon père.
Lancelot : Ton père t’a abandonné, il tient à limiter le scandale qui pèse sur sa famille par ta faute. Amenez le lieutenant à l’identification.