Lancelot : Messieurs les officiers, des vampires ont trahi les elfes, et se sont rangés du côté des humains.
Glil : Quel est l’effectif exact des traîtres ?
Lancelot : Ils sont au moins une centaine, cela veut dire qu’à moins d’avoir une stratégie très bien pensée, nous risquons de nous faire sérieusement malmener.
Arthur : Les vampires que nous devrons affronter, sont-ils sous l’effet d’un sort de domination ?
Lancelot : J’aimerais mais d’après mes sources ils ont changé de bord de leur propre initiative. Ils ont renié les elfes pour de la monnaie et d’autres avantages. Pourquoi cette question ?
Arthur : Une personne sous les effets d’un sortilège de domination perd en réflexes, elle combat moins bien. Cela aurait rassuré mes subordonnés si les vampires ennemis avaient eu le cerveau lavé par la magie.
Lancelot : Je pense que l’attaque ennemie aura lieu ce soir. Nous aurons une nuit de pleine lune sans nuage alors la force des vampires sera décuplée.
Glil : On pourrait demander à nos mages d’invoquer des nuages ou des ténèbres pour cacher la lumière de la lune sur le champ de bataille.
Lancelot : J’y ai pensé lieutenant Glil, mais le problème vient du fait que je n’ai qu’une vingtaine de mages. Tandis que ceux adverses sont cent, de plus leur puissance mystique dépasse celle de nos magiciens.
Arthur : Il y a peut-être un moyen de l’emporter contre les vampires, sans trop de pertes. Il consisterait à les attirer vers la forêt interdite.
Lancelot : Ce serait carrément une mission suicide. La forêt interdite doit son nom au fait qu’elle abrite une horreur séculaire d’une puissance colossale.
Glil : C’est stupide lieutenant Arthur, tu n’offriras qu’un répit passager à nos troupes. Et tu condamneras à une mort certaine tous ceux qui t’accompagneront.
Arthur : Je sais que je propose une diversion risquée, mais elle vaut le coup si elle marche. Si on ne dit que la moitié de la vérité sur le monstre de la forêt interdite, il pourrait sans trop de problème tuer une centaine de vampires.
Lancelot : C’est bien pensé, mais il reste le problème de la manière d’attirer les vampires.
Arthur : La lumière de la pleine lune a tendance à exacerber les appétits des vampires. Si nous offrons un appât tentant aux buveurs de sang, il y a une forte probabilité que les vampires renégats se jettent dessus sans retenue.
Lancelot : Il demeure un facteur à régler, le choix de l’appât.
Arthur : Je crois me rappeler que nous avons un mathusalem, c’est-à-dire un vampire vieux de plus de mille ans, dans nos rangs. Si le mathusalem acceptait de déposer un litre de sang dans un vase, nous aurions de quoi générer une puissante tentation pour les vampires ennemis.
Lancelot : Lieutenant Arthur, es-tu prêt à appliquer la concrétisation de ton idée ?
Arthur : Je suis volontaire pour participer, toutefois j’aurais une requête. Si aucun de mes subordonnés n’est d’accord pour venir avec moi, je souhaiterais qu’on cherche ailleurs des gens pour m’accompagner.
Glil (pense) : Hé, hé, Arthur va se faire tuer à coup sûr, je suis vraiment en veine. De toute façon même s’il survit à l’horreur, je lui ai préparé une mauvaise surprise.
Arthur prenait un risque énorme pour ne pas dire suicidaire, en s’étant porté volontaire pour pénétrer dans la forêt interdite. Seuls des héros de légende avaient réussi à survivre plus de dix minutes à l’intérieur des bois contenant surtout des pins. La description de l’horreur qui arpentait la forêt variait d’un rescapé à l’autre. Par contre il y avait deux faits communs sur l’horreur dit le monstre invincible, elle semblait indestructible, même les épées les plus dures et tranchantes n’arrivaient pas à entamer sa chair, même les plus puissants sortilèges ne l’incommodaient pas. En outre le monstre avait une puissance d’attaque phénoménale, puisqu’il lui avait suffi d’une minute pour exterminer un dragon adulte.
Un jour une armée de cinquante mille orques voulut passer par la forêt interdite. Au bout de cinq minutes les troupes bruyantes n’émirent plus aucun bruit. La bonne nouvelle était que l’horreur semblait incapable de quitter ses bois, différentes hypothèses expliquaient la situation. Un sort emprisonnait le monstre, ou il était très grégaire, cela voulait dire qu’il fallait de très fortes contraintes pour qu’il quitte son territoire.
L’horreur ne tolérait aucun membre des races intelligentes sur ses terres, toute personne qui pénétrait sur son domaine, finissait généralement très rapidement mort.
Arthur était vraiment angoissé, il réussit à tromper ses camarades en paraissant plein de courage. Mais sa résolution avait tendance à s’étioler au fil du temps. Il consulta des ouvrages sur l’horreur afin de dénicher un point faible ou une autre caractéristique à exploiter. Mais plus il lisait plus il était atteint par la hantise. Il allait se confronter à un adversaire avec une puissance qui faisait passer pour ridicule celle de monstres de légende. Le fort était au courant que certains auteurs aimaient bien enjoliver leurs récits, mais Arthur choisit de se renseigner en consultant des ouvrages de gens sérieux qui respectaient le plus possible la vérité.
Il y avait un autre facteur qui expliquait le fait qu’il avait du mal à lutter contre la peur. Il n’y eut aucun volontaire prêt à l’accompagner pour une mission suicidaire vue comme une superbe démonstration de courage, mais aussi un accomplissement cinglé. Même les plus dévoués des subordonnés du fort n’arrivèrent pas à surmonter leur appréhension, quand ils comprirent que la mission pouvait être refusée, ils ne se gênèrent pas pour donner leur désaccord.
Arthur n’en voulait pas à ses compagnons, il proposa une tâche qui paraissait folle au premier abord. Et puis si le fait de mourir ne dérangeait pas tellement beaucoup de militaires elfes courageux, c’était autre chose de finir en fantôme hurlant condamné à des souffrances presque éternelles. L’horreur avait la réputation de s’amuser avec les âmes de ses victimes et de les condamner à de terribles tourments. Certains érudits remettaient en cause le fait que le monstre des bois soit responsable de la présence de spectres dans la forêt, mais il était indéniable que son territoire contenait une importante quantité de fantômes.
Quelques nuits par mois surtout lors des lunes noires, il était possible d’entendre et de voir dans les bois de nombreux spectres déambuler et prononcer des paroles du genre «détruisez moi s’il vous plaît» ou «mettez fin à mes souffrances».
Le fort n’arrivait pas à se défaire de l’impression qu’il commit une belle bourde en se proposant pour influencer l’horreur. Il peinait à se défaire du pressentiment qu’il finirait tellement blessé qu’il en mourrait. Il devait reconnaître que son plan était bourré d’inconnus. Or ce genre de tactiques tournait souvent très mal pour les gens œuvrant à les concrétiser. D’un autre côté la stratégie d’Arthur apportait un peu d’espoir, une donnée inestimable la veille d’une bataille.