Le Chevalier des Elfes
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Morgane fut tellement estomaquée par le faible niveau d’exigence du fort, qu’elle fit une sacrée grimace d’étonnement, son visage afficha bien pendant vingt secondes un rictus de profond ébahissement. Elle se demanda d’ailleurs, si elle ne rêvait pas, si elle ne vivait pas un songe délirant. Elle fut quand même agréablement surprise, et manifesta ensuite un sourire sincère de bonheur, une sensation qu’elle n’éprouva pas depuis longtemps. Elle ne résista pas à l’envie de poser des questions.

Morgane : Pourquoi êtes-vous gentil avec une ennemie ?

Arthur : Vous pouvez être très utile pour les elfes, alors je trouve intéressant de ne pas chercher à vous nuire.

Arthur était ainsi, il privilégiait profondément l’intérêt des royaumes elfes, même si cela signifiait par moment ménager des adversaires. Bien sûr il n’était pas tout tendre, passé un certain degré d’outrage à son égard il se vengerait immanquablement. Mais il était quand même capable de se montrer très patient avec un ennemi, s’il estimait que les elfes issus du peuple pourraient en profiter.

Morgane n’arrivait pas à comprendre la clémence de son ennemi, elle se demanda pendant un moment si son adversaire n’essayait pas de se la jouer grand seigneur, de se présenter comme un personnage généreux afin de mieux la piéger, ou du moins l’attirer dans un lit. Cependant Arthur jura solennellement que s’il trouvait belle la séductrice, il n’avait pas spécialement envie de coucher avec elle.

Ainsi Morgane s’avéra profondément décontenancée par les propos et les actions d’Arthur, elle n’arrivait pas à analyser les buts de son interlocuteur. Pour elle une personne prête à pardonner à une ennemie au nom de l’intérêt commun, ou d’une cause altruiste, c’était franchement original. Elle rencontra nombre de gens au cours de sa carrière politique, et il y avait toujours une ou plusieurs conditions égoïstes à respecter afin de conclure une alliance, la paix, ou un marché. Pourtant là le fort ne réclamait pratiquement rien en signe de conciliation, juste la tranquillité.

La séductrice révisa en partie ses opinions sur Arthur, elle admit qu’il n’était pas aussi barbare que prévu. Mais elle n’abandonnait pas totalement sa méfiance et ses préjugés. Si son adversaire devenait un jour un obstacle préoccupant alors elle frapperait sans hésiter. Elle était prête à exercer des représailles allant jusqu’à un niveau terrible en cas de besoin. Cependant le fort devrait être tranquille vis-à-vis de la séductrice, s’il ne cherchait pas à outrepasser les conditions du pacte de non-agression, tant que durerait sa carrière militaire.

La scolarité d’Arthur ne compta pas beaucoup d’incidents notables suite à la trêve avec Morgane, son quotidien se résumait surtout au travail et à l’étude. Finalement vint le moment pour le fort de quitter l’école des officiers et de regagner les lieux de bataille. Pendant son absence ses subordonnés gagnèrent en muscle et en expérience, deux à trois d’entre eux succombèrent à des blessures, mais la majorité resta vivant, et se renforça aussi bien sur le plan mental que physique.

Le fort pour avoir réussi à être diplômé changea le point de vue de beaucoup, il y avait encore des gens le dénigrant, mais leur effectif diminuait.

Arthur tint à voir rapidement le lieutenant Glil afin de vérifier l’état de la rancune de son interlocuteur, voir si son ancien supérieur hiérarchique devenu son égal, continuait à le détester. Il parlementa devant un chêne sacré, l’unique arbre qui poussa de façon vigoureuse dans une lande désolée. Aussi les elfes des environs lui vouaient un culte.

Arthur choisit ce lieu particulier car il savait que ses compagnons parlaient franchement en présence du chêne. Il était très mal vu par les elfes de mentir ou même de retenir ses propos devant l’arbre sacré. Il était permis de ne pas employer de vocabulaire vulgaire près du chêne, mais il fallait quand même livrer le fond de sa pensée. Aussi le fort pensait qu’il pourrait juger avec une certaine efficacité si la haine de Glil évolua vers quelque chose de moins hargneux. Arthur doutait qu’il soit possible d’avoir des échanges cordiaux avant très longtemps. Mais il espérait quand même que sa relation avec le lieutenant puisse se transformer positivement. Il avait un certain degré de rancune par rapport à Glil, et parfois il ressentait l’envie de l’écraser physiquement à coup de marteau de guerre de vingt kilos. Cependant Arthur apprit à contenir sa colère, et il verrait comme un superbe accomplissement de déboucher sur la paix avec le lieutenant.

Bien sûr il n’était pas complètement naïf, il faudrait sans doute encore beaucoup de temps avant que l’animosité entre eux deux soit totalement dissipé. Toutefois le fort caressait quand même un mince espoir d’arriver à enterrer la hache de guerre. Il ne choisit pas seulement par gentillesse une alternative de conciliation. Il pensait que s’engager sur plein de fronts, c’était dangereux.

Certes le cas Morgane était réglé pour le moment, mais il restait beaucoup d’autres elfes à craindre. Arthur était conscient qu’il avait des ennemis et aussi des adversaires politiques et religieux. Tant qu’il clamerait haut son allégeance au dieu Proélium, il offusquerait nombre de biens pensants chez les elfes.

Il convertit des fils nobles à la cause de sa divinité, donc il devait avoir prodigieusement énervé des aristocrates. Or le fort connaissait suffisamment bien les puissants pour comprendre que la question de la foi déclenchait des représailles sanglantes sur des dizaines de générations parfois. L’argent était le nerf de la guerre mais la croyance religieuse constituait aussi souvent une source de haine.

Glil : Lieutenant Arthur, j’ai appris que tu avais réussi ton examen de l’école des officiers, avec la mention excellent. Je dois te dire félicitations.

Arthur : Merci lieutenant Glil, je suis content que votre rancune à mon égard se soit atténuée.

Glil : Si je te félicite c’est pour tes aptitudes en matière de triche. Il est inconcevable qu’un berserker soit capable sans frauder de parvenir à passer les examens de l’école elfique des officiers de Sar.

Arthur : J’ai obtenu mon diplôme grâce à un travail acharné.

Glil : C’est ça, je ne suis pas un elfe naïf. De plus je suis certain que tu emploies des sorts de domination mentale pour convaincre tes supérieurs de ta valeur, alors que question intelligence tu es franchement nul.

Arthur : Si j’avais effectivement le pouvoir de manipuler les esprits, pourquoi n’êtes-vous pas affecté ? Cela m’aurait évité beaucoup de déconvenues si j’avais eu la capacité de contrôler vos paroles et vos actes.

Glil : La réponse est simple, tu t’es rendu compte que j’avais une volonté de fer, que j’étais par conséquent insensible à la domination surnaturelle.

Arthur : Pour pratiquer la magie, il faut une formation intense. Or je n’ai jamais étudié les arts mystiques auprès de quelqu’un. Je suis donc dans l’incapacité de manœuvrer les gens par l’intermédiaire d’un sort.

Glil : Même si tu as raison sur le fait que tu n’as pas appris la sorcellerie, tu peux toujours influencer les gens grâce à des complices sorciers.

Arthur : Les sorciers coûtent les yeux de la tête, ils font payer en kilos d’or le plus petit service qu’on leur demande, je n’ai pas les moyens de faire appel à eux.

Glil : Les sorciers acceptent de se faire payer avec autre chose que de l’or ou de la monnaie. Tu peux avoir vendu ton âme ou promis d’effectuer une quête périlleuse pour obtenir l’appui d’un sorcier. Je crois d’ailleurs que tu as gagné beaucoup d’argent grâce à la vente de livres.

Arthur : Décidément vous êtes paranoïaque, j’arrête d’essayer de vous raisonner. Autrement j’ai perdu la plupart de mes économies à cause d’un magicien escroc. Il m’avait promis de m’aider mais ce sale voleur s’est contenté de me piller.

Glil : Nuance je suis lucide, je suis une des rares personnes qui a vu clair dans ton jeu démoniaque.

Arthur : Vous devriez arrêter d’abuser de l’alcool, cela vous ronge le cerveau.

Glil : Je bois de manière raisonnable, tu ne peux rien me reprocher question boisson.

Arthur : Huit à dix verres de vin par jour, c’est une consommation exagérée qui suffit à vous détruire lentement mais sûrement le corps. On ferait mieux d’y aller pour éviter d’être en retard. Le général Lancelot doit nous exposer un plan de bataille, d’après lui la confrontation sera rude.

La tente habituelle dédiée à l’élaboration des stratégies importantes au sein de l’armée de Lancelot, était remplie de personnes angoissées, voire terrorisées. Arthur le fort quand il parlait de confrontation rude risquait d’être en dessous de la vérité. Ceux que le fort et ses camarades devaient affronter, étaient connus comme appartenant à la race de combattants la plus redoutée des champs de bataille. Ils pouvaient vivre des milliers d’années, étaient capables de survivre à une décapitation, disposaient souvent de pouvoirs magiques effrayants.

À part le fait d’appartenir à une même race, un goût prononcé pour les trophées macabres, et l’envie de répandre le plus de sang possible, les vampires ennemis avaient peu de points communs. Certains combattaient sans armes, mais terrifiaient quand même à cause de leur résistance magique et physique très développée, leur force qui leur permettait de défoncer des murs de granit en quelques secondes, et d’autres facteurs comme une voix terrifiante.

Quelques-uns maniaient des épées longues de plus de cinq mètres sans le moindre problème. Ils pouvaient trancher un cavalier en armure lourde et sa monture d’un seul coup. Le chef des vampires mesurait moins d’un mètre dix et n’avait pas une musculature très apparente. Il n’empêchait que ses troupes lui obéissaient au doigt et à l’œil.

En effet le chef était une force de la nature, qui n’avait besoin que de quelques minutes de concentration, pour obtenir la destruction complète d’une montagne. Il manipulait une chaîne ayant à son bout un rocher de dix tonnes. Chaque fois qu’il tuait plus de mille personnes, il ajoutait une nouvelle éraflure à la poignée de son poignard. Or son arme comportait des centaines d’éraflures. Le chef avait pour particularité de tuer les subordonnés qui faisaient moins de dix morts par semaine, et de récompenser en donnant un peu de son sang magique celui qui anéantissait plus de mille vies en une journée.

Le chef fut pendant longtemps un allié des elfes, mais il souffrait d’un défaut notoire, une soif exacerbée d’argent, une avarice qui devint démesurée avec le temps. Il touchait un bon salaire mais progressivement ses exigences devinrent exorbitantes. Les politiques elfes finirent par s’énerver devant les propos outranciers et les demandes croissantes imposées.

Ils finirent par voter le bannissement du chef, une peine d’exil. Ce qui le mit dans une colère noire, l’incita à prêter l’oreille aux propositions de trahison. Il finit par trouver de nouveaux employeurs qui étaient prêts à lui laisser de grosses marges de manœuvre.

Notamment Louis le roi humain du pays d’Absolia, il promit l’essentiel du butin au chef si ce dernier acceptait de conquérir tous les royaumes elfiques. Cette proposition ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Aussi le chef était déterminé à laminer l’armée de Lancelot, à lui infliger une défaite colossale.

Il comptait d’ailleurs avec son groupe de mercenaires ne pas s’arrêter avant que chaque ville et village dirigés par des elfes aient fait allégeance à Louis. Il estimait que d’ici un an au plus tard il pourra dormir avec de gigantesques tas de mithril à côté de lui. Il s’agissait d’un métal très convoité nettement plus précieux et cher que l’or. Il servait à faire des armures d’une solidité remarquable, et était un matériau très prisé pour les couronnes des monarques elfes.

Les gens présents dans la tente des tactiques militaires avaient du mal à se maîtriser, il s’agissait d’officiers gradés, ou des meilleurs guerriers de l’armée. Ils participèrent à nombre de batailles, mais peu conservaient de l’espoir même de façon réduite. Lancelot bénéficiait de quantité de rapports écrits sur ses ennemis, mais cela ne suffisait pas à lui remonter le moral, surtout qu’il soupçonnait ses adversaires d’avoir laissé les éclaireurs les espionner. La tente regorgeait de cartes de la région et d’autres documents. Un certain désordre régnait parmi les livres et les parchemins présents un peu partout, sur des tables et par terre. Ce qui était un très mauvais présage, d’habitude Lancelot s’avérait plutôt méticuleux dans l’organisation et le rangement. Surtout à la veille d’une bataille qui promettait d’être difficile.

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