Le Chevalier des Elfes
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Le duel commença sur le fameux pont, un bel ouvrage qui enjambait un profond canyon. Bien que la construction de pierre soit assez fonctionnelle dans le sens qu’elle résistait depuis des siècles aux intempéries, elle possédait aussi une réelle beauté esthétique, grâce aux nombreuses statues l’ornant, notamment celles des aristocrates elfes mécènes qui financèrent la construction du pont. Les sculptures étaient faites dans du zinc, ainsi elles supportaient très bien le passage du temps grâce à ce métal. Elles furent faites par des maîtres réputés, ce qui expliquait le niveau de détail. Certains avaient parfois l’impression la nuit que les statues étaient capables de s’animer.

Stamoc le hobbit pensait sincèrement qu’Arthur le fort, lui racontait des mensonges pour le déstabiliser. De plus le hobbit était tellement confiant dans sa victoire, qu’il ne mit pas toutes ses forces dans la première partie du combat. L’orgueil de Stamoc lui valut une belle blessure à la jambe gauche. Le hobbit fit connaissance avec une sensation que beaucoup de gens trouvent désagréable, la douleur physique. Arthur ressentit de la joie à corriger un adversaire prétentieux, mais il restait sur ses gardes. En effet la blessure de son ennemi se résorbait très rapidement, au bout de dix secondes tout ce qui restait de sa plaie était une cicatrice. Mais le fort avait l’avantage, la régénération de Stamoc le fatigua. Après un échange de cinq coups, l’épée brandie par le hobbit commençait à tomber en morceaux, au bout du septième coup elle devint inutilisable.

Arthur aurait pu achever son adversaire, profiter de l’occasion qui lui était offerte, mais il voulait une victoire nette. Ainsi il laissa son ennemi prendre une nouvelle arme. On proposa au hobbit une épée qui décuplait les forces physiques, mais Stamoc par sens de l’honneur déclina l’offre. Par contre il opta pour une arme beaucoup plus solide que celle qu’il avait utilisée. Il prit une épée de deux kilos d’une longueur d’un mètre. Le hobbit était à présent sûr de l’emporter, il décela un tic de combat, une habitude de guerrier d’Arthur qui lui serait très préjudiciable. Certes le fort était rapide et puissant, mais il avait un défaut de taille. Quand il s’apprêtait à frapper de haut en bas, il retenait sa respiration. Autrement dit pour une personne attentive et perspicace, Arthur indiquait de manière très claire certains de ses coups.

Quand Stamoc entendit Arthur cesser de respirer, il se prépara à frapper, mais il eut le droit à une surprise de taille, le fort le frappa de droite à gauche. Le hobbit ne comprenait pas ce qui se passait, puis il eut une révélation, Arthur avait fait semblant d’avoir un tic afin de pousser Stamoc à s’exposer. Cependant même surpris le hobbit demeurait très vivace, ainsi il évita que l’épée de son adversaire ne plonge dans sa poitrine, il récolta quand même au passage une impressionnante cicatrice au niveau du torse. Sa veste était dans un triste état, alors il demanda une pause pour changer de vêtements.

Arthur était assez tenté de refuser d’accorder cette faveur à son ennemi. S’il convenait d’un arrêt des combats, l’avantage psychologique donné par son dernier coup victorieux s’amoindrirait. Vu qu’il offrirait à son antagoniste une possibilité de récupérer du point de vue spirituel, de mettre de l’ordre dans ses idées, et de concevoir un plan. D’un autre côté le fort désirait une victoire la plus nette possible, et s’il refusait de faire preuve d’un minimum de cordialité certains pourraient lui reprocher de se comporter comme un malpoli. Néanmoins se priver d’un avantage précieux constituait souvent une erreur coûteuse.

Finalement Arthur fit un compromis, il autorisa son ennemi à s’habiller, mais Stamoc n’aurait plus le droit à un temps mort sauf pour changer d’arme en cas de destruction. D’ailleurs le fort ne resta pas inactif, il s’adonna à une série d’exercices de médiation pour atteindre un état de transcendance psychologique. Stamoc décida que le spectacle avait assez duré, alors le hobbit chargea brutalement son antagoniste. Il voulait tourner court à un combat néfaste pour sa réputation. Cependant il affrontait un adversaire qui refusait l’épreuve de force directe, qui jouait sur la pression, qui faisait durer l’affrontement pour malmener son opposant.

Arthur se contentait d’infliger des blessures mineures voire des égratignures à son ennemi afin de l’enrager, d’affaiblir son calme et ses capacités physiques, le pousser à la faute.

Et cela marchait plutôt bien, le doute commençait à envahir sérieusement Stamoc. Ajouté à ce contexte mental peu motivant, le fait de ressentir pour la première fois de sa vie la douleur physique d’une perte de sang, et le hobbit manifestait une véritable crise identitaire. Il avait l’impression qu’il n’était peut-être pas effectivement un fils de dieu, mais juste le rejeton d’un démon. Cette pensée le hantait, amenuisait sa résolution. Les mots prononcés il y avait peupar Arthur produisaient maintenant l’effet d’un poison moral sur Stamoc.

Ce dernier perdait sa belle confiance en lui et laissait la peur panique et le manque de foi pénétrer son esprit. Il éprouvait une belle confusion, il peinait progressivement à se concentrer. Il se demanda pendant quelques secondes s’il n’était pas la victime d’une vile sorcellerie. Mais il réfuta cette idée, son adversaire n’était pas connu pour ses pouvoirs magiques, et le hobbit se savait capable de résister à des sorts surpuissants de contrôle mental.

Il fallait tenter quelque chose pour prouver qu’il était bien un enfant chéri d’une divinité. Alors il imagina jouer son avenir dans une attaque particulièrement audacieuse, afin de remettre son avenir entre les mains de sa divinité tutélaire. Une petite partie de lui le conseillait de ne pas choisir la voie de témérité mais il opta pour ignorer la prudence, et se consacrer à une frappe pleine de panache.

Ainsi au bout de trente secondes le hobbit opta pour une attaque risque-tout, il négligea complètement sa défense pour opérer un mouvement puissant et rapide. Il prit à deux mains son épée, et la leva le plus haut possible.

Cela fournit une occasion au fort qui décapita le hobbit, les elfes qui assistaient au combat se mirent à pousser des vivats. Pourtant Arthur se mit à regretter son geste, emporté par la fureur des combats, il se débarrassa définitivement d’un allié potentiel très utile. Sa raison l’incita à épargner son antagoniste, néanmoins l’appel du sang se révéla le plus puissant. Le fort avait l’impression d’avoir commis une belle bourde. Pour satisfaire son appétit de mort il tua une personne qui aurait pu jouer un grand rôle dans le rapprochement entre les elfes et les hobbits, cimenter une alliance aux conséquences très profitables.

Arthur : Je ne mentais pas Stamoc, tu aurais dû me croire, en me confiant ton épée tu te mettais en danger. Ta confiance aveugle t’a été fatale.

Arthur fut porté en triomphe jusque dans la tente du général Lancelot. Arthur venait de franchir une étape décisive dans sa carrière, car sa démonstration brillante poussa Lancelot à faire un geste en sa faveur.

Lancelot : Arthur je te dis bravo, et pour te remercier de ta performance, je te nomme lieutenant.

Arthur : Merci mon général.

Glil : Ce n’est pas possible qu’Arthur devienne lieutenant. Il doit d’abord avoir étudié dans une école d’officiers pour mériter ce grade.

Lancelot : Dans ce cas-là lieutenant Glil, je fournis à Arthur une bourse d’étude pour payer les frais de sa formation d’officier.

Glil : Cette mesure est inédite, je ne suis pas sûre qu’elle soit légale. C’est un comité qui décide de l’attribution des bourses d’étude dans les écoles militaires elfiques, et non un officier seul.

Lancelot : Puisque tu aimes rappeler la procédure, tu as oublié qu’un général tel que moi, peut recommander cinq personnes chaque année pour une école d’officiers sans passer par un comité.

Glil : Arthur est un humain, cela constitue une première dans l’histoire des royaumes elfes, qu’un homme étudie dans une école militaire elfique.

Lancelot : Tu as tort, Arthur n’est pas le premier cas qui se présente, mais le troisième.

Glil : Il n’empêche que vous allez déclencher une polémique, qui pourrait vous être préjudiciable, en acceptant qu’Arthur devienne un officier. La tradition veut qu’un officier d’une armée elfique soit un elfe, de préférence de sang noble.

Lancelot : Lieutenant Glil tu as vraiment le don de gâcher l’ambiance, aujourd’hui est un jour de victoire, et tu cherches à le gâter en jouant les rabat-joie. Pour la peine tu seras privé de solde pendant trois jours. Autrement ta plainte contre Arthur a été rejetée.

Glil n’en revenait pas, si tout se passerait bien pour Arthur ce dernier aurait le même grade que lui. C’était une situation cauchemardesque, l’elfe avait envie de hurler de frustration. Normalement selon Glil il n’y aurait rien à craindre si le fort était une personne honnête, il n’avait pas le niveau intellectuel pour réussir les examens faisant de lui un officier d’elfes. Mais Glil pensait qu’Arthur n’aurait aucun scrupule à gruger, et qu’il s’appuierait sans vergogne sur les forces des ténèbres dans le cas où il serait coincé. Alors l’elfe se dit que la solution viendrait peut-être des dieux de la destruction.

Si ses prières envers le dieu de la justice et ses anges n’aboutissaient pas, il serait peut-être nécessaire de changer de cible. Cela désolait profondément Glil mais plus il réfléchissait, plus il se disait qu’il faudrait qu’il envisage sérieusement de se tourner vers les puissances de la ruine.

Juste un court moment cependant, l’elfe jugeait que ce serait un choix regrettable mais puisque la divinité de la lumière ignorait ses suppliques, il paraissait normal de chercher d’autres soutiens. Il estimait que son comportement n’était pas hypocrite, lui qui tua des gens qui contestaient légèrement la puissance des forces de la lumière. Il ne pensait pas que sa principale motivation était la haine mais un profond altruisme.

Certes il entendit plusieurs récits sur des gens qui finirent dans les rangs des damnés, malgré des intentions très gentilles. D’accord souvent il suffisait de plonger un doigt dans le lac des forces de la ruine pour finir englouti par les puissances en rapport avec les dieux de la destruction. Mais Glil considérait qu’il ne risquait absolument rien du tout car il se voyait comme un champion de la vertu et de la volonté. Son cœur endurci serait une forteresse invulnérable face aux tentations infernales. Il triompherait sans problème des épreuves que lui infligeraient les divinités liées aux ténèbres.

Tant qu’il pourrait dormir sur des draps de soie, avoir le droit à trois repas copieux par jour, et ne pas ressentir une douleur trop forte il ne craignait pas grand-chose. L’elfe douillet ne se rendait pas compte que la voie des ténèbres était fréquemment remplie de passages difficiles. Il fallait être inconscient pour imaginer que s’associer avec les dieux de la destruction ne comporterait pas un prix élevé à payer.

Quant à la souillure provoquée par une association avec des forces maléfiques, Glil estimait qu’il serait très facile de la nettoyer, en participant à un pèlerinage ou en se livrant à des prières intensives à l’égard du dieu de la lumière. Il ne doutait pas une seconde que s’il se montrait assidu en matière de rites religieux purificateurs, non seulement les anges lui pardonneraient, mais en prime il pourrait bénéficier de faveurs divines pour commémorer le fait d’avoir comploté avec réussite contre Arthur.

En agissant de cette façon Glil piqua l’intérêt d’une sombre entité. Il faudrait que l’elfe soit prêt à de lourds sacrifices avant de recevoir une bénédiction ténébreuse, mais il verrait peut-être ses prières exaucées.

Peu de temps avant qu’Arthur ne parte vers une école d’officiers, Lancelot tint à lui donner quelques conseils. Tous deux étaient dehors sur une plaine, et il ne restait qu’une demi-heure de marche à parcourir avant de prendre la diligence emmenant Arthur vers l’école.

Lancelot : Arthur fais très attention, nous les elfes aimons par moment beaucoup l’intrigue. C’est un outil d’avancement social et aussi un moyen de casser nos adversaires politiques.

Arthur : Je suis conscient que je devrais faire attention mon général, merci pour votre conseil.

Lancelot : J’insiste, même ceux que tu domineras par l’épée ou une autre arme pourront se venger en usant de l’intrigue.

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