Le Chevalier des Elfes
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Chapitre 1 – Le chevalier des elfes
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Je tiens à remercier Aurélien Giry dit Schnaga, Frédérick Demangeot, et Dial pour leurs corrections efficaces.

Arthur était né esclave. Il travaillait comme mineur dans le royaume d’Absolia, la nation la plus laxiste du monde en matière de lois sur l’esclavage. Dans certains pays, tuer un esclave pour le plaisir constituait un délit. À Absolia, torturer, violer ou assassiner un esclave sans justification s’avérait un comportement toléré. Les esclaves travaillant dans des mines avaient plusieurs surnoms, le plus connu était celui de galériens souterrains.

Les esclaves mineurs ne survivaient longtemps qu’en volant de la nourriture à leurs compagnons d’infortune. D’ailleurs même les plus forts et résistants d’entre eux dépassaient très rarement quarante ans. Les causes de morts des esclaves mineurs étaient nombreuses, parmi les principales il était possible de dénombrer la poussière de fer, les privations infligées de temps à autre par les contremaîtres, les éboulements, le manque d’hygiène, et la nourriture par moment pourrie. Les galériens souterrains les plus chanceux, ne travaillaient que douze heures par jour, six jours sur sept. Pour bénéficier d’un horaire de travail réduit, trois options existaient: satisfaire sexuellement un contremaître, appartenir à une équipe de mineurs très productive, ou avoir de la famille qui payait les contremaîtres.

Les tribunaux étaient les principaux pourvoyeurs d’esclaves des mines absoliennes. Ils envoyaient surtout des gens du peuple dans les mines. Pour qu’un aristocrate soit condamné à être un galérien souterrain, il fallait des preuves très solides. Par exemple, à Absolia, un voleur de pain qui dérobait pour la troisième fois de quoi manger, était passible d’une peine d’esclavage à vie.

Arthur aurait pu avoir une enfance heureuse, sa mère était un contremaître ayant mis un joli pécule de côté. Mais elle commit l’erreur de confier le secret de la naissance de son enfant à un ami bavard, et sa volonté de faire évader son bien-aimé qui était esclave. Le bavard, lors d’une soirée arrosée, dévoila le lourd secret et la mère se retrouva esclave. Peu de temps après avoir accouché, elle finit dans les profondeurs de la terre et mourut très rapidement dans les mines. Heureusement, une autre esclave s’occupa d’Arthur qui s’endurcit très rapidement. Il arrivait à triompher en combat au un contre un d’enfants ayant quatre à cinq ans de plus que lui. Ainsi les autres, mis à part ses amis proches le qualifièrent, non plus du prénom Arthur, mais de l’appellation «le fort».

Le fort ne connut pas son père qui mourut à cause de l’infection d’une blessure au ventre, avant qu’Arthur ne naisse. Le fort développa rapidement un côté vicieux et impitoyable, mais surtout, il apprenait très vite et pouvait recopier une technique de combat après l’avoir observé une ou deux fois seulement.

Le statut d’esclave était héréditaire selon la loi absolienne, donc Arthur n’avait aucun recours légal pour contester son état.

Les mineurs à Absolia développaient une vision nocturne plus performante que chez les humains moyens, car ils étaient chichement éclairés. En prime ils devaient rationner sévèrement les bougies par moment, et gare au malheureux qui cassait une lanterne à paroi de verre, il recevait des coups de fouet en cas de bris du matériel.

Il arrivait qu’un esclave quitte la mine pour retrouver le ciel mais il s’agissait d’un événement rarissime. À Absolia un mineur avait généralement l’obligation de trimer jusqu’à la mort dans une prison faite de parois de terre et de pierre, et agrémentée de poutres en bois souvent de mauvaise qualité.

Les esclaves dans les souterrains adoptaient une apparence effrayante selon les critères des humains qui pouvaient contempler le ciel. Beaucoup de mineurs se révélaient voûtés avant trente ans, et surtout ils se caractérisaient par une crasse presque répugnante, au point qu’un homme à peau blanche comportait par moment plus d’endroits noircis par la saleté que de coins blancs d’épiderme. Il fallait ajouter à cela les gentillesses des puces et des poux qui fourrageaient en abondance dans les cheveux débraillés, et la barbe hirsute de la plupart des mineurs.

Quant à la tenue des esclaves, elle n’était pas très recherchée, un pantalon crasseux et une chemise misérable, le plus souvent de couleur grise, voilà les vêtements des mineurs.

La vie d’Arthur en tant qu’adulte de vingt-deux ans était simple, elle consistait principalement à travailler, dormir et voler, sa cible actuelle s’avérait Léodo. Le fort ne l’aimait pas du tout, car sa victime vendait son corps, une activité dégradante selon Arthur. La proie exhalait une odeur de propre, grâce aux bains que lui accordaient de temps à autre son protecteur. Les esclaves dans les mines qui refusaient de voler ou de se prostituer ne faisaient pas long feu. Ils mourraient rapidement.

Arthur trouva sa proie au niveau des dortoirs pendant la pause du repas du milieu de la journée. Le lieu n’était pas très différent du reste de la mine, il comportait la présence d’objets personnels, mais il était difficile de déceler une grande différence avec les endroits dévolus au travail. Les mineurs profitaient au mieux d’habits usagés comme moyen d’améliorer leur confort durant le sommeil. Ils dormaient souvent par terre, à même le sol, comme des animaux.

Il se trouvait tout de même une différence avec d’autres sections de la mine, il était possible de discerner des entraves de métal reliés au mur pour les esclaves indisciplinés. Il y avait quelques gardes qui patrouillaient dans le coin, mais Arthur connaissait suffisamment leur routine pour savoir qu’il avait au moins dix bonnes minutes avant d’être dérangé. Léodo, occupé à se remettre les cheveux en ordre, sursauta quand le fort se manifesta.

Arthur reçut une certaine éducation intellectuelle de la part d’un mentor mort il y avait quelques années, mais il se comportait quand même par moment comme une brute, même si son vocabulaire était plus riche que beaucoup d’autres esclaves. Ses leçons d’histoire et ses conversations intellectuelles ne suffisaient pas à étouffer tous ses sombres instincts. Arthur décida de s’en prendre à l’esclave le plus isolé au même niveau souterrain que lui, Léodo.

Arthur : J’ai faim, donne-moi ta ration, et tes herbes médicinales.

Léodo : S’il te plaît Arthur, mon meilleur ami est malade, il a besoin de nourriture et de mon remède pour reprendre des forces.

Arthur : Je compatis, mais il me faut une alimentation de qualité si je veux aider mon groupe à remonter près de la surface. Mon rhume me rend moins performant alors il faut le soigner.

Léodo : Je ne comprends pas.

Arthur : Ne fais pas semblant d’être bête, comme tu couches avec un contremaître, celui-ci te donne une nourriture bien meilleure et nutritive comparé à celle de la majorité des mineurs.

Léodo : Je ne suis pas le seul qui pratique la prostitution, pourquoi t’en prends-tu à moi ?

Arthur : Tu es le prostitué le plus isolé de cette section de la mine, tu n’as que deux amis. Et puis ton protecteur contremaître est mal vu, si tu te plains à lui, il y a peu de chances qu’il m’arrive un pépin.

Léodo : Tu me sous-estimes, j’ai un moyen de me défendre, vas t’en ou je te transperce avec mon couteau.

Léodo brandissait une arme à la façon d’un débutant, ses gestes et surtout ses tremblements indiquaient qu’il n’avait pas l’habitude de blesser des gens, ce qui arracha un léger sourire de mépris à Arthur.

Arthur : Pauvre imbécile, les armes sont strictement interdites pour les mineurs, tu m’as fourni un prétexte idéal pour te voler de la nourriture.

Léodo : Que veux-tu dire ?

Arthur : Si je te dénonce aux contremaîtres, je suis assuré qu’ils fermeront les yeux sur tous les prélèvements de ration que je te ferai.

Léodo : Tu ne me laisses pas le choix, je… je vais devoir te tuer.

Arthur : Essaie donc, tu n’as aucune chance de me blesser.

Arthur s’avança avec certitude vers sa victime, il prit une pierre et la lança à grande vitesse à côté de sa proie afin de l’intimider. Le projectile fusa littéralement, mais ne blessa personne. Cependant Léodo ne s’avouait pas vaincu, il refusait catégoriquement de céder aujourd’hui. Il était prêt à beaucoup de choses pour survivre, mais certainement pas à faire la carpette si cela contribuait à aggraver l’état de santé d’un proche.

Léodo considérait les amis comme une ressource extrêmement précieuse, qu’il était nécessaire de protéger avec énergie. Alors Léodo choisit de se révolter contre Arthur. Sa haine contre son voleur amplifiait ses forces, il n’allait pas se laisser faire. Certes, il avait souvent l’habitude de quémander, de s’incliner devant les forts par devant. Mais aujourd’hui il ne voulait pas se rabaisser, il s’imaginait que la lutte serait difficile, qu’il faudrait combattre comme un enragé pour disposer d’une chance de réussir à l’emporter.

Et il était prêt à tenter le coup, à démontrer qu’il n’entrait pas dans la catégorie des lapins faciles à effrayer mais des fauves quand une personne mettait en danger la vie d’un ami à lui. En outre, Léodo bénéficiait d’un avantage sur son adversaire, il possédait une arme d’os plutôt rudimentaire, un simple couteau, mais cela ajouté aux forces supplémentaires adjointes par sa colère et à son désir farouche de protéger commençaient à faire beaucoup, et pouvaient renverser la balance.

Pourtant Arthur mit par terre Léodo en deux secondes. Il neutralisa avec une grande facilité son opposant, bien que son adversaire tenta avec l’énergie du désespoir de préserver les médicaments en sa possession. Le fort éprouvait quelques regrets en agissant de façon brutale avec Léodo, il n’aimait pas les prostitués, cependant il appréciait l’amitié et la solidarité à l’égard des camarades. Néanmoins, Arthur considérait comme indispensable d’être dans une forme optimale, il devait remplir certains quotas de production pour améliorer l’avenir de son groupe.

Léodo : Je nierai que le couteau m’appartient, je dirai qu’il est à toi, comme cela tu seras puni à ma place.

Arthur : Il y a un mage parmi les contremaîtres de cette section, il peut détecter le mensonge, tu ne feras que t’enfoncer si tu nies l’évidence.

Léodo : Je jure que tu me le paieras Arthur, un jour je te ferai regretter d’être né.

Arthur : J’en doute, tu es le moins fort physiquement de cette section, et tu t’avères moins bien entouré que moi. Le seul atout qui te permet de survivre, c’est ton joli visage.

Léodo : Le joli visage a plus d’un tour dans son sac, je trouverai bientôt un moyen de te torturer à petit feu.

Arthur (sarcastique) : Oh j’ai peur, une reine de beauté veut me faire du mal.

Arthur le fort ne se doutait pas qu’il prenait des risques en se mettant à dos Léodo le vicieux, qui avant d’être esclave était un empoisonneur, ce qu’Arthur ignorait. De plus, il y avait des champignons très toxiques dans la mine de fer où travaillait le vicieux. Il savait créer des mixtures de champignons qui pouvaient légèrement incommoder, faire souffrir longtemps ou provoquer une mort foudroyante. Ainsi plusieurs mineurs qui importunèrent Léodo connurent une fin tragique, en étant empoisonnés. Le vicieux savait sauver les apparences, il provoquait des agonies qui ressemblaient au mal des mines, une maladie très répandue chez les esclaves mineurs. Résultat, les soupçons qui pesaient sur Léodo, étaient modérés. Par conséquent, Arthur ne soupçonnait rien des activités du vicieux.

Le mal des mines soigné à temps pouvait avoir des effets bénins, ennuyer autant qu’un léger rhume. Mais une personne qui ne bénéficiait pas d’une assistance médicale mourrait facilement. Les symptômes de la maladie étaient d’abord une toux rauque, et un écoulement de morve au niveau du nez, puis le malade se couvrait de boutons, perdait ses cheveux, avait des hallucinations auditives et visuelles. La dernière phase du mal se caractérisait par une tendance à avoir peur de tout et n’importe quoi. L’agonisant se mettait à avoir la phobie du noir, de son ombre, de l’eau.

Dans le royaume d’Absolia, un esclave mineur sur cinq trépassait à cause du mal des mines. Heureusement, la maladie n’était pas contagieuse. Généralement quand un esclave développait le mal, on ne cherchait pas à le soigner, on l’abattait comme un chien. En effet l’herbe huileuse, le remède contre la maladie, se vendait très chère, or la vie d’un esclave ne valait pas grand-chose. Donc à moins qu’un proche achète l’herbe huileuse, l’esclave malade n’en avait plus pour longtemps à vivre.

Plus tard, Arthur rencontra Bastien, le contremaître en chef, au sein d’une galerie qu’il était en train de creuser avec d’autres esclaves. Le fort pensait que son supérieur hiérarchique était porteur de mauvaises nouvelles, vu l’air désolé qu’il arborait. Il existait une terrible compétition entre les mineurs pour déterminer qui allait vers le haut et obtiendrait les travaux les moins pénibles. Ainsi, certains esclaves étaient prêts à toutes les formes de bassesses pour plaire aux contremaîtres.

Bastien : Arthur j’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer, toi et ton groupe avez travaillé très dur, mais vous n’allez pas pouvoir être envoyés près de la surface.

Arthur : Pourquoi maître ? Nous avons pourtant trimé comme des damnés.

Bastien : C’est vrai, mais un groupe de mineurs constitué d’anciens nobles va bientôt travailler dans la mine. Leur famille s’est arrangée pour payer grassement le propriétaire, afin que les nouveaux venus aient les travaux les moins pénibles.

Arthur : Vous êtes quelqu’un d’influent, vous ne pouvez pas vous arranger pour que quelques membres de mon groupe travaillent plus haut ?

Bastien : Non, je sais que c’est moche de devoir rester dans les profondeurs, étant donné les efforts que toi et tes camarades avez fournis, mais je ne peux rien y faire.

Arthur : Ah oui, j’ai une information importante, Léodo s’est fabriqué un couteau en os. Je vous le remets.

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