Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 83 – Séance de gravure
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Chapitre 83 – Séance de gravure

Son sac d’herbes à la main, Bogda quitta en titubant l’Herboristerie Lawson.

Tandis qu’il attendait les transports en commun, il réalisa soudain qu’il venait de dépenser dix Livres pour un sac d’herbes, soit presqu’un mois de salaire !

Sans sa confiance en Anna et Joyce, il n’aurait jamais laissé autant d’argent au Club de Divination !

Se pourrait-il que M. Moretti soit de mèche avec le patron de l’herboristerie et que s’il n’a pas voulu plus de huit Pences, c’était pour lui faire gagner plus ? On parle beaucoup de ce type d’escroquerie dans les journaux !

Ayant établi ce lien, Bogda devient un peu soupçonneux vis-à-vis de Klein, et même de Joyce et d’Anna.

Alors que le véhicule s’arrêtait devant lui, il regarda le sac d’herbes et, incapable de se résoudre à faire demi-tour, monta dans la voiture, le cœur lourd.

Le patron de l’herboristerie regarda Bogda partir puis tourna la tête vers la porte derrière laquelle étaient entassées les herbes :

– « Scharmaine, n’achète plus d’herbes à partir d’aujourd’hui. »

– « P…pourquoi, Maître ? » Demanda un charmant jeune homme aux cheveux ébouriffés.

L’herboriste eut un sourire :

– « C’est le seizième client que ma renommée attire ici. Si cela continue, les Faucons de Nuit, la Conscience Collective des Machines et les Punisseurs Mandatés ne tarderont pas à me repérer. Si cela se produit, je devrai penser à déménager. »

Scharmaine acquiesça d’un signe de tête puis, inquiet, demanda :

– « Dans ce cas, faut-il sous-louer ce magasin ? »

Son maître eut un petit rire :

– « Tu peux très bien diriger cette herboristerie si tu le souhaites. Tu es tout à fait capable d’identifier les herbes et de concocter des remèdes. Bien entendu, tu n’oublieras pas de déposer la moitié de tes bénéfices mensuels sur mon compte à la Banque de Backlund. »

– « Mais, je n’ai pas votre expertise ! »

Scharmaine en avait assez de ne jamais rester plus d’un an dans une ville, mais il ne voulait pas renoncer aux formules magiques dans lesquelles son maître excellait.

Ce dernier, qui se balançait tranquillement dans son fauteuil, répondit :

– « Ce n’est pas quelque chose qu’on peut apprendre simplement en le voulant… »

Bogda observait le liquide bouillonnant d’un vert noirâtre. Une odeur de vieilles chaussettes qui s’en élevait lui donnait envie de vomir et il se mit à douter de tout ce qu’il avait fait ce jour-là.

En voyant son fils verser du sang du coq dans la potion, son père, inquiet, lui dit :

– « Tu ferais mieux d’opter pour l’opération. »

Les gouttes de sang, en entrant en contact avec le liquide bouillant, firent quelques bulles et disparurent. Bogda prit une profonde inspiration :

– « Si ce remède ne fonctionne pas, j’envisagerai la chirurgie. »

– « Que le Seigneur veille sur vous », fit son père en traçant sur sa poitrine le triangle symbolisant l’emblème sacré.

Bogda attendit que le liquide bouillant refroidisse, puis, comme il n’avait plus l’intention de perdre ses dix livres, il ferma les yeux, rejeta la tête en arrière et avala la potion d’un trait.

L’arôme piquant qui avait l’odeur nauséabonde du sang se répandit dans sa bouche et il faillit recracher tout ce qu’il venait de boire.

Cette nuit-là, Bogda eut des maux d’estomac. Il dut se rendre six fois aux toilettes et lorsque la lune cramoisie eut disparu, seulement alors, il s’endormit, groggy.

Combien de temps avait-il dormi ? Soudain, le jeune homme s’éveilla en sursaut : il venait de rêver que son employeur le réprimandait.

Heureusement que j’ai posé trois jours sur mes congés annuels , pensa-t-il.

Se sentant soudain ragaillardi, Bogda poussa un soupir de soulagement : cela contrastait fortement avec l’état léthargique dans lequel il se trouvait depuis quelques semaines.

Par réflexe, il appuya sur le côté droit de son abdomen et s’aperçut que cette région, habituellement douloureuse à la moindre pression, lui semblait normale. Il fallait qu’il presse fortement pour ressentir quelque chose.

Ne me dites pas que c’est vraiment efficace ! Il était évident que l’apothicaire se moquait de moi…

À la fois surpris et dubitatif, Bogda sortit de son lit, s’étira et sentit la santé lui revenir.

Il réfléchit un long moment et murmura :

– « Si j’en crois cet homme, il me faut encore en boire deux fois. Cela fait, j’irai à l’hôpital me faire examiner… 

« Ceci dit, il ne m’a pas dit combien de fois par jour il fallait en boire… 

« …Je continue à penser que c’est un menteur… »

Dans le bureau du personnel civil de la compagnie de sécurité, Klein, ainsi qu’il en avait fait la demanda, s’installa dans un espace où personne ne le dérangerait.

Un couteau à la main, il fit jaillir son énergie spirituelle et grava soigneusement des incantations et symboles sur deux accessoires en argent.

La première, écrite en Hermès, était destinée à éloigner les catastrophes. Quant aux deux symboles occultes, ils représentaient la Déesse de la Nuit Éternelle et l’Impératrice du Désastre et de l’Horreur.

Klein y ajouta le Nombre Spirituel qui correspondait à la Déesse, c’est-à-dire le 7, ainsi que sa caractéristique magique.

Par ailleurs, les charmes et amulettes devaient être gravés des deux côtés. Les symboles, incantations et caractéristiques de chaque face, leurs emplacements exacts ou leurs formats spécifiques relevaient du domaine occulte. Ceux qui circulaient parmi la population ordinaire étaient truffés d’erreurs.

Sur sa droite se trouvait beaucoup de matériel mis au rebut. Il s’était beaucoup entraîné et avait attendu d’avoir suffisamment de pratique pour se risquer à créer des amulettes destinées à Benson et Melissa.

Il apaisa son esprit et fit jaillir son énergie spirituelle de la pointe de sa lame. Le chiffre 7 apparut aussitôt à la surface des accessoires en argent.

Il avait déjà gravé les incantations et symboles sur l’autre face, aussi ne lui restait-il plus que ce côté à terminer.

Sitôt qu’il eût posé son couteau, toute son énergie spirituelle se regroupa et le jeune homme sentit soudain une étrange, majestueuse et terrifiante poussée d’énergie se répandre dans toute la pièce.

Ce flux tumultueux se dissipa presqu’aussitôt et les incantations des deux côtés de l’accessoire, sous la Vision Spirituelle de Klein, formèrent un tout qui émettait une lueur noire et sereine.

Il se mit alors à polir doucement l’objet composé d’un cercle et d’une pièce verticale et sentit une touche de fraîcheur sur la surface douce au toucher.

– « C’est fait ! »

Ravi, il rangea dans sa poche l’amulette qu’il venait de terminer avec la seconde dans l’intention de trouver une occasion de les offrir à Benson et Melissa.

Les amulettes créées par les Transcendants possédaient un certain niveau d’efficacité. Elles permettaient à celui qui les portait d’éviter, sans le savoir et dans une certaine mesure les catastrophes, ceci sans paraître trop ridicule. De plus, leur spiritualité s’affaiblissait peu à peu. À moins de recourir à un rituel magique de haut niveau et de créer un ensemble de prières, elles n’étaient efficaces que durant une année tout au plus. La magie rituelle de haut niveau nécessitait une énergie spirituelle terriblement élevée que Klein n’était pas encore en mesure de supporter.

Le moment sera venu, je pourrai utiliser ma spiritualité pour en faire une autre… pensa-t-il en rangeant la table en désordre.

S’il n’en avait pas fait pour lui dans l’immédiat, c’était parce qu’une amulette de ce niveau n’aurait eu que des effets limités le concernant. Son but était donc de mieux comprendre les incantations avant de tenter de les associer à la magie rituelle. Il pourrait alors créer des amulettes défensives capables d’être activées spécifiquement par le son.

Quand tout fut terminé, Klein se préparait à remettre les matériaux endommagés lorsqu’il vit arriver le Capitaine dans son coupe-vent noir.

Dunn le balaya de ses yeux gris et profonds et il eut un sourire :

– « La Sainte-Cathédrale a donné son accord, Klein. Vous êtes désormais un membre officiel. »

– « Vraiment ? C’est formidable ! » S’exclama l’intéressé.

Dunn hocha la tête :

– « Vous allez désormais percevoir une indemnité complémentaire de trois Livres cette semaine, puis 4,50 Livres chaque semaine jusqu’à ce que l’avance ait été réglée.

« Au fait, vous ai-je déjà parlé du rituel ? 

« Chaque Faucon de Nuit officiel doit accomplir seul une mission spécifique. Ce n’est qu’ainsi que vous obtiendrez la reconnaissance de vos partenaires. Mais compte tenu des performances exceptionnelles dont vous avez fait montre, je pense pouvoir vous confier une mission ordinaire à la place. Le moment venu, je vous présenterai officiellement à tous les Faucons de Nuit de la ville de Tingen. »

– « Très bien ! » Répondit Klein sans hésiter.

Trois livres plus sept de remboursement ! Il n’allait plus avoir de problème pour se procurer un nouveau costume.

De plus, il lui resterait encore beaucoup de choses à faire !

Qui sait quand je pourrai accomplir ma mission…

Le jeune homme dut attendre jusqu’au dimanche suivant, jour du dîner d’anniversaire de Selena.

Après avoir mis son costume et nettoyé son chapeau à l’aide d’une petite brosse et d’un mouchoir, Klein se regarda dans le miroir et, satisfait, monta à l’étage.

Melissa évaluait la tenue de Benson.

– « Un problème ? », Demanda celui-ci en levant sa canne, pris au dépourvu devant le regard de sa sœur.

Il s’était inspecté et n’avait rien trouvé d’anormal. Il était vêtu correctement.

– « Benson, c’est un très vieux costume que tu portes là », dit Melissa d’un ton sérieux.

« Il y aura beaucoup d’excellentes épouses et dames à ce dîner d’anniversaire. Porter cette tenue, à mon avis, serait une forme d’irrespect envers elles. »

Klein, qui jusque-là se questionnait, comprit ce qui se passait lorsqu’il entendit la remarque de sa sœur.

– « Benson et moi avons la même carrure. Il peut porter mon autre smoking », proposa-t-il.

S’il avait informé ses frère et sœur de l’achat d’un nouveau costume, leur expliquant qu’il avait déchiré le premier en inspectant certains objets et que sa société l’avait généreusement indemnisé, il s’était bien gardé de leur dire qu’il avait été promu et augmenté. Craignant de les inquiéter, il avait l’intention d’attendre six mois avant de leur en parler.

Cette explication rendit Benson et Melissa extrêmement envieux. La Compagnie de Sécurité de l’Épine Noire était décidément un employeur irréprochable.

– « Ce n’est pas nécessaire, si ? » Rétorqua Benson qui n’avait pas réalisé la gravité de la situation.

– « C’est extrêmement important au contraire », répondit Klein en le poussant vers les escaliers : « Mon smoking est dans la penderie. »

Il regarda son frère monter les escaliers, étourdi, puis se retourna vers Melissa :

– « Espérerais-tu voir Benson rencontrer une dame au dîner et débuter une belle histoire d’amour ? »

Pour avoir lu pas mal de journaux et de magazines depuis quelque temps, il savait pertinemment qu’au sein de l’aristocratie et de la classe moyenne, les réceptions étaient généralement des opportunités de rencontres arrangées.

Melissa acquiesça solennellement.

– « Oui, Benson s’oublie trop à cause de nous. »

Klein la regarda, secoua la tête et eut un petit rire nerveux en pensant :

Pourquoi te comportes-tu comme une mère, petite sœur ?

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