C’était la première fois que Song Shuhang voyait ces dossiers. Jusqu’alors, il n’avait prêté attention qu’aux journaux de discussion et n’aurait jamais pensé qu’il existait autant de documents aussi fantastiques dans l’espace de stockage commun du groupe.
Ces dossiers d oiv ent contenir l es informations qui permettent aux aînés sortant de cultivation à huis clos de s’ intégrer rapidement à la société moderne. Mais… à première vue , ils semblent plutôt suspects. Dire qu’on peut créer une pièce d’identité et des détail s personnels à partir de rien . L’influence insoupçonnée du Groupe des Neuf Provinces #1 s’étend donc aussi loin dans le monde des mortels.
« Aîné, qui est cet Érudit Xian Gong ? » demanda-t-il, curieux, en pointant du doigt le dernier sujet de la liste. De q uel genre de tragédie parlaient-ils ?
Quand le Maître Praticien entendit la question, le regret transparut sur son visage. « Ah, c’est un aîné avec une puissance inouïe. »
« Cela doit faire deux cents ans maintenant. L’Érudit Xian Gong avait trouvé un lieu secret sans aucun signe d’habitations humaines et y commença sa cultivation en réclusion. Une centaine d’années plus tard… alors qu’il poursuivait sa méditation, quelque chose appelé “bombe atomique” atterrit brutalement là où il se trouvait avant d’exploser. »
« Comment dire… Il a couru un grave danger ! S’il n’avait pas été aussi puissant et qu’il n’avait pas installé plus de cent couches de matrices de défense autour de sa crypte, il serait peut-être mort à l’heure qu’il est. Et puis, même s’il est parvenu à rester en vie, il a dû se reposer pendant des dizaines d’années avant de pouvoir récupérer petit à petit. Maintenant, le terme “bombe atomique” est tabou. Quiconque ose en parler devant lui risque de se le mettre à dos. »
Song Shuhang sentit que cet Aîné était vraiment quelqu’un d’extraordinaire pour être capable de survivre à l’arme ultime de l’humanité et à un tir direct. Il ne pouvait que s’incliner dans un respect silencieux.
Quand le Maître arriva à ce point de son discours, une peur tapie profondément en lui colora sa diction. « Au cours de ces dernières dizaines d’années, l’avancement technologique des mortels a été trop rapide et nous, cultivateurs, qui pratiquons souvent à huis clos depuis des lustres, nous avons l’impression d’être incapables de rattraper notre retard. Maintenant, ceux qui sortent de leur isolement doivent réapprendre totalement ce qu’on juge comme étant la base de la vie quotidienne. De plus, le potentiel destructeur de l’humanité a grandi à toute vitesse, et se renforce de jour en jour. Il paraît que la quantité d’armes nucléaires dans le monde est des dizaines ou des centaines de fois suffisante pour effacer toute vie sur terre. Je ne sais pas si c’est vrai. Quoi qu’il en soit, de nombreux aînés craignent qu’un jour, en sortant de cultivation en isolement, ils ne découvrent un monde sans vie. Et encore, ils sont optimistes. Ce qui est vraiment effrayant à imaginer, c’est qu’un jour quelques centaines d’ogives nucléaires tombent soudainement du ciel alors qu’ils sont en train de méditer paisiblement. Ne mourront-ils pas sans s’en rendre compte ? »
Est-ce que des centaines d e bombes H peuvent vraiment exploser en un seul point ? Peu importe l’immensité de la bêtise humaine, il supposa que cela ne se produirait pas. Song Shuhang s’apprêta à le faire remarquer, mais il se souvint soudainement d’une situation particulière appelée “destruction des armes nucléaires”.
Il ne pouvait pas l’affirmer avec certitude. Une zone pouvait-elle réellement servir de cible à de nombreuses ogives dans le but de se débarrasser de ces dernières ?
« … » À cet instant, il ne sut vraiment pas quel genre d’expression il devait faire face au Maître Praticien.
Après avoir rencontré les daoïstes du Groupe des Neuf Provinces #1, son image des cultivateurs était celle de victimes perpétuelles. Où était l’être glorieux sur le toit du monde, le soi-disant pratiquant immortel gracieux ? Il n’en voyait même plus la silhouette.
« J’ai trouvé, le voilà. » Juste à ce moment-là, et après avoir cherché longtemps dans les dossiers, le Maître Praticien réussit à trouver ce qu’il cherchait.
“Recherches et discussions concernant les utilisations basiques du Rassemblement de l’Énergie Mentale, par l’Érudit Lune Grisée.”
Il lui expliqua alors : « Il y a là-dedans les informations que tu voulais, sur la façon d’utiliser son énergie mentale pour déjouer les embuscades et repérer les harceleurs, ainsi que des moyens permettant à un pratiquant constituant ses fondations d’être plus vif, et même une méthode pour développer ses sens. C’est vraiment simple, tu pourras vérifier par toi-même plus tard avant d’essayer de t’y entraîner. Ce document a été fourni par l’Érudit Lune Grisée librement, inutile de payer quoi que ce soit. »
Comme tous étaient des experts dans le groupe, ce genre d’utilisation basique de l’énergie mentale était ridicule à leur niveau. Tout comme pour le Maître Praticien qui avait rendu publique la recette de la potion de Trempe Corporelle simplifiée, ceux qui s’en servaient lui étaient automatiquement redevables, tandis que les autres pouvaient simplement y jeter un coup d’œil.
L’Aîné poursuivit. « Si tu as un doute, quel qu’il soit, sens-toi libre de m’interroger à ce sujet. Je vais préparer la salle pour le raffinage de pilules ce matin, et j’aurai du temps dans l’après-midi. À ce moment-là, j’aurai besoin de ton assistance pour mes expériences avec la potion de Trempe Corporelle. »
« Merci, Aîné » répondit Song Shuhang. Puis, s’attardant sur le nom de l’auteur de l’article, il ajouta : « Au fait, le nom de l’Érudit Lune Grisée me semble très familier. »
Il se souvenait vaguement qu’il était un aîné apparaissant fréquemment dans le salon de discussion, mais pourquoi était-il parfaitement incapable de se souvenir de lui ?
« Haha, tu n’as pas à te préoccuper outre mesure de ce qui le concerne. Si un jour tu es finalement capable de te souvenir de lui, tu l’appelleras alors le Sage Monarque Lune Grisée. »
« Sage Monarque ? Est-ce une sorte de Rang ? » demanda Song Shuhang. Il savait que la première partie de certains noms de Dao de ses aînés était liée à leur niveau de cultivation. Par exemple, le principal administrateur du groupe, le Véritable Monarque Mont Jaune, ou le vice-administrateur, le Vénérable Septième Cultivateur de la Vraie Vertu, ou encore le père de Douce Plume, le Vénérable Papillon Spirituel.
« C’est le domaine de ce que je ne peux qu’admirer, mais je ne sais pas si j’aurai un jour la chance de l’atteindre. Montrer sa divinité devant la masse, le Sage Insondable du Huitième Rang. C’est aussi l’objectif des Vénérables du groupe. » Le Maître Praticien éclata de rire. « Ce Domaine est encore très loin pour toi, n’y réfléchit pas trop. »
Song Shuhang hocha la tête et regarda l’heure. Il était déjà 6h37, et il devait se préparer à assister aux cours du matin.
Avant de partir, il se renseigna sur un autre problème. « Au fait, Aîné, je voulais aussi vous demander, y a-t-il de réels avantages pour moi à faire l’expérience de vrais combats actuellement ? Je me suis battu avec quelqu’un hier, et même si nous n’avons eu que deux échanges, j’ai le sentiment que ma compréhension de la Technique basique du poing bouddhiste s’est affinée. »
« Expérimenter en situation réelle peut en effet approfondir ta compréhension des techniques de poing. Ceux qui se contentent de lire ne peuvent parler de tactiques militaires que sur le papier. Étudier puis appliquer procure de sérieux bénéfices. Si tu as le temps, essaie de te battre davantage » l’approuva-t-il.
« Merci, Aîné ! Je dois vous laisser. » Song Shuhang le salua de la main.
Mais en se dirigeant vers la porte, il se souvint alors d’une autre question et se retourna d’un air embarrassé. « Euh, Aîné, j’ai une dernière question. Après avoir été au contact de votre poison, une personne a-t-elle besoin d’ingrédients médicinaux vendus dans une simple pharmacie de médecine traditionnelle chinoise ? »
« Tu penses utiliser cette piste pour trouver l’assassin qui a été empoisonné ? Il est sûrement mort maintenant. »
« Je pense qu’il a des complices. Si j’étais l’un des leurs et que je savais qu’il était mort à cause d’un poison, je chercherais certainement à m’en protéger en préparant une méthode pour le contrer. Mieux vaut prévenir que guérir ! » Song Shuhang réfléchit et ajouta : « Si je peux trouver une fourmi, peut-être que j’aurai la chance d’en suivre la piste pour trouver la colonie et la reine. De plus, il y a également une chance que je tombe directement sur celui qui tire les ficelles ! »
« Être capable d’analyser calmement et attentivement la situation en cas d’incident est une bonne habitude. Garde-la. » Le Maître Praticien prit un air satisfait. Tout en parlant, il avait récupéré une feuille de papier et un stylo et écrivit rapidement plusieurs mots.
« Du moment que tu as en face de toi un cultivateur ayant des connaissances en médecine et en poison, il essaiera au minimum de rassembler ces quatre ingrédients médicinaux après avoir été en contact avec ce ‘poison toxique’. Bien sûr, ils ne sont d’aucune utilité dans ce cas précis » expliqua-t-il fièrement.
Le produit faisant son orgueil n’était pas si facile à contrer. Les produits curatifs auxquels on pensait généralement étaient en réalité des éléments déclencheurs dans un piège de sa conception. Deux de ces ingrédients faisaient par exemple augmenter la virulence du poison.
« De plus, ces quatre ingrédients médicinaux ne sont pas si communs, je doute que plus de quelques pharmacies dans tout le district de Jiangnan en auront en stock. Cela rendra également plus pratique de trouver la personne qui en a acheté, puisqu’elle laissera définitivement des indices » ajouta-t-il.
« Merci, Aîné » dit Song Shuhang en prenant le morceau de papier.
Dans cette situation où il ne savait pas par où commencer, il avait au moins cet indice. Ensuite, il devait l’exploiter à fond et rechercher le cerveau derrière cette affaire.