“Ahhh ! A l’aide ! Je ne peux pas le diriger. Que quelqu’un m’aide !”
Un cri perçant interrompit le fil de la pensée de Roland. Il leva les yeux et vit le véhicule, que conduisait Lune Mystérieuse, se précipiter vers le parterre de fleurs au centre de la cour
“Freine, espèce d’idiote !” cracha Lily en serrant les dents.
“Je l’ai fait… mais ça ne marche pas, ahhh !”
Lune Mystérieuse hurlait de terreur.
La voiture s’emballa. Elle rebondit sur le parterre de fleurs et se dirigea vers la porte du château.
“Votre Majesté, attention !” cria Wendy.
La foule était en émoi.
“Bon sang”, se dit Roland en regardant Lune Mystérieuse qui dirigeait maladroitement le véhicule les yeux fermés, étonné qu’avec une voiture sans essence cela puisse si mal se passer. Lune Mystérieuse était vraiment une horrible conductrice!
À la grande surprise de Roland, la foule ne se dispersa pas. Toutes les sorcières, au contraire, se placèrent devant la voiture et aussitôt, appliquèrent leurs capacités. Anna fit apparaître un mur de Feu Noir ; Lotus créa un fossé pour séparer Roland de la cour ; Ivy invoqua sa Cage Magique, Andrea prépara sa Flèche de Lumière et Rossignol saisit Roland par le bras, prête à l’entraîner dans sa Brume à tout moment.
Finalement, ce furent Phyllis et Léoélia qui arrêtèrent le véhicule par la force.
Elles saisirent le pare-chocs et soulevèrent la voiture.
Anna éteignit alors le Cube de Cérémonie Magique avec son Feu Noir et aussitôt, la machine à vapeur fut réduite au silence.
“Ahhh ! Mais sauvez-vous !” cria Lune Mystérieuse, hystérique, la main toujours sur le volant.
“Danger Public !” grogna Lily en traversant le fossé.
Elle frappa l’arrière de la tête de Lune Mystérieuse et aussitôt, son cri se transforma en un couinement.
La conductrice ouvrit les yeux, mains sur la tête, l’air parfaitement innocent.
” Lune Mystérieuse !”
En voyant Wendy et Sophia s’élancer dans sa direction dans une rage torride, Lune Mystérieuse réalisa qu’elle avait fait une grosse erreur.
“Je suis désolée. Je suis vraiment désolée “, plaida-t-elle. Mais il était trop tard. Elle fut traînée hors du véhicule et dans le château avant d’avoir pu justifier son comportement.
“Vous causez toujours des ennuis !”
“Vous n’aurez pas de temps libre cette semaine !”
“Je vous ordonne de copier 100 fois les règles de l’Association des sorcières !”
“Et vous devrez aussi faire cinq séries d’exercices avant le dîner !”
Le cri de Lune Mystérieuse résonna dans toute la cour. Toutes les sorcières frissonnèrent à cette longue plainte, sauf Anna.
“J’ai examiné le véhicule. Il n’y a aucun problème avec le volant ou le frein”, expliqua-t-elle à Roland. ” Une seule chose peut expliquer pourquoi Lune Mystérieuse a perdu le contrôle.”
“Laquelle ?”
“Elle n’est pas assez forte pour manœuvrer la voiture”, affirma Anna avec un air magnifiquement indulgent.
Roland se mit à rire tant cette vérité était amusante. Apparemment, ceux qui étaient plus faibles que Lune Mystérieuse ne pourraient probablement pas conduire la voiture, à moins qu’il n’installe un mécanisme d’assistance au volant et au frein.
Lotus et Anna eurent tôt fait de réparer la cour. En regardant le groupe de sorcières, incapables de dissimuler leur impatience, Roland secoua la tête :
“Si vous voulez toujours faire un tour, parlez en à Anna. Si elle est d’accord, je n’y verrai aucune objection. Veillez simplement à ne pas détruire le château. Encore une chose. N’oubliez pas de rentrer pour le déjeuner.”
“Oui, Votre Majesté !”
“S’il vous plaît, laissez-moi essayer d’abord !”
“Hé, j’étais là avant vous !”
A nouveau, les rires inondère la cour.
…
“C’est ici, Monsieur.”
Un chariot s’arrêta devant une taverne. Victor Lothar en descendit et lança deux Royals d’argent au cocher avant d’entrer.
“M. Victor !” Le salua une jolie jeune femme en robe blanche en trottinant ver lui. Elle prit ses bagages et lui dit chaleureusement : “Nous vous avons gardé la chambre. Par ici, je vous prie.”
La chambre de Victor était la plus grande du dernier étage. Tout était exactement comme il l’avait laissé en partant, y compris les encens, les vins et sa femme de chambre, Lila.
Victor acquiesça, satisfait. C’était là le pouvoir de l’argent. Même s’il ne pouvait pas ramener les morts à la vie, il pouvait figer le temps.
“Cela fait un moment que vous n’êtes pas venu ici”, dit Lila en tirant les rideaux. Elle ouvrit la fenêtre et lui servit une tasse de thé : “Mon patron pensait que vous aviez rencontré des bandits ou que vous étiez mort dans un naufrage. Il a demandé au comptable de vérifier chaque jour les Royals d’or que vous aviez laissés pour voir combien de temps nous pouvions vous garder la chambre. Il aurait bien voulu louer cette chambre à quelqu’un d’autre mais ne voulait pas pour autant enfreindre le contrat passé avec la Cité Sans Hiver. C’était vraiment amusant de le voir pris dans ce dilemme écœurant”.
Victor sentit sa fatigue se dissiper peu à peu en écoutant les bavardages de sa femme de chambre.
“Ne craignez-vous pas qu’il apprenne que vous le dénigrez dans son dos ?”
“A moins que vous ne lui disiez. Au fait, où étiez-vous ? Est ce une grande entreprise ?”
“En quelque sorte”, lâcha Victor en sirotant son thé. “J’ai passé la plupart de mon temps dans le Territoire du Sud au cours des six derniers mois.”
“Le Territoire du Sud ?” s’étonna Lila en penchant la tête, confuse. “Cette région est célèbre pour ses pierres précieuses, n’est-ce pas ?”
“Il y a des pierres précieuses partout, à condition de savoir où les trouver”, l’informa Victor, en haussant les épaules. ” Dans le sud, par exemple, elles poussent sur les arbres.”
“Vous vous moquez de moi, Monsieur”, protesta la bonne, un peu indignée.
Victor sourit. Il savait que Lila ne le croirait pas. En fait, il ne le croyait pas non plus avant de l’avoir vu. Le champ de coton était, à sa grande surprise, encore plus beau que les pierres précieuses. Les plantes cultivées par Chloris étaient incroyables. Le coton, grand et doux comme de la neige, était complètement différent de celui qu’il avait l’habitude de voir.
Victor avait été très occupé ces derniers mois. Il avait convoqué tous les tailleurs de sa ville natale, construit une usine au Port des Eaux Claires et embauché du personnel. Une fois la saison des récoltes terminée, il put commencer à vendre son coton. Ses affaires s’avérèrent meilleures que ce qu’il avait prévu au départ. Ce nouveau coton étant abordable et de haute qualité, ils eurent tôt fait de devancer leurs concurrents. Ses produits étaient plutôt populaires, des couvertures aux vestes d’hiver.
Néanmoins, Victor, qui n’avait pas oublié ce que lui avait dit le Roi au sujet de la concurrence, savait pertinemment que lorsque d’autres marchands commenceraient à acheter des graines de coton de Chloris, son marché chuterait évitablement. Par conséquent, en plus des tissus de coton courants, il se mit à produire également des produits hauts de gamme, principalement des vêtements adaptés aux clients fortunés. Des vêtements soigneusement conçus et fabriqués, avec, aux manches et au col, un minuscule représentant une pierre précieuse colorée qui marquait le caractère unique de ses produits.
Ces vêtements furent rapidement reconnus par une certaine catégorie de gens et prirent le nom de “ Pierre d’Arc-En-Ciel”.
Victor apposa également ce logo à ses produits bas de gamme, comme les couvertures et les robes, à ceci près que le logo demeurait monochrome.
Il prédit même que si d’autres commerçants vendaient leurs produits à un prix inférieur au sien, les gens auraient toujours tendance à acheter ses produits en raison du logo Pierre d’Arc-En-Ciel. Tout comme pour les bijoux, les nobles toujours préféraient toujours acheter ceux fabriqués par des maîtres plutôt que les autres.
“Combien de temps comptez-vous rester cette fois-ci ?” demanda Lila après un long silence.
“Probablement trois ou quatre jours. J’ai beaucoup à faire dans le Territoire du Sud”, répondit Victor.
“Si peu ?” demanda la femme de chambre à voix basse.
Victor comprit alors que, s’il renonçait à sa location, Lila serait contrainte de servir d’autres clients. Elle préférait encore nettoyer une chambre vide. Victor ne se souciait pas vraiment du changement possible, mais il aimait bien que Lila le serve.
Il ne s’était pas encore lassé d’elle.
“Ne vous inquiétez pas. Je paierai une bonne somme avant de revenir à la Cité Sans Hiver.”
“Vraiment ?” s’écria Lila dont le visage s’illumina brusquement.
“Ce n’est pas grand-chose, vraiment”, répliqua Victor en se redressant. Il lança un Royal d’or à Lila. “Voici votre salaire. Je dois me rendre au Bureau Administratif. Montrez-moi le chemin”.