Roland emmena immédiatement Anna au laboratoire souterrain de la Troisième Ville Frontalière. À travers l’épaisse vitre de protection, il vit, dans le laboratoire dont les murs étaient protégés par des plaques de plomb, deux cubes magiques : l’un tout à fait normal, tandis que l’autre émettait des rayons laser rouges beaucoup plus courts.

“Celui-ci est-il la nouvelle réplique ?” demanda Anna avec perspicacité.

“C’est exact. En fait, c’est purement accidentel”, répondit vivement Céline “Normalement, Mains Délicates sculpte les motifs sur les pièces. Si les matériaux sont endommagés, il ne sera pas facile de reproduire les motifs, c’est pourquoi, en principe, nous nous en débarrassons. Cependant, il y a une semaine, alors que Mains Délicates sculptait la pièce n° 236, nous avons trouvé la fissure qui signifie que cette pièce spécifique est défectueuse”.

“Mais vous n’avez pas jeté la pièce n° 236 ?” demanda Roland, Dubitatif.  

Tous les matériaux utilisés pour créer des copies provenaient de la Région de l’Extrême Sud. Ces tablettes étant enterrées sous terre depuis 1000 ans, il était donc normal d’en trouver, de temps à autres, quelques unes endommagées.  

Céline tapota son tentacule principal et déclara : 

“Je pensais que ce serait du gâchis de la jeter, alors je l’ai gardée, au cas où. Puis je l’ai installé sur le Cube Magique préalablement fabriqué pour voir s’il fonctionnait correctement”.

Roland la regarda, incrédule. C’était un appareil de torture nucléaire ! 

“Ne vous inquiétez pas, Votre Majesté”, dit Céline comme si elle lisait l’esprit de Roland. Elle leva la tête globuleuse et poursuivit : « J’ai effectué le test dans la Chaîne de Montagnes Infranchissables. Rien n’arriverait à la Citée Sans Hiver même la pire des situations arrivait. C’est un principe suivi par les membres de la Société de recherche. Si  jamais je venais à être tuée, ne soyez pas triste car la recherche de la vérité ne me permet pas de me soucier de ma sécurité personnelle… » (elle a vraiment utilisé l’arme sur elle)

Céline était si éloquente que Roland comprit qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. 

“Maintenant, voyons votre découverte !” Dit-il. 

“Ahem, désolée”, dit Céline en s’éclaircissant la gorge. “De toute façon, comme vous venez de le voir,  le Cube Magique peut toujours être activé même si la portée du rayon rouge a diminué de 90%. L’unité de puissance magique à trois réservoirs état encore en mesure de fournir  des énergies, j’ai effectué un test de chauffage pour voir si le rayon rouge raccourci affectait la transmission de chaleur. Il m’a fallu deux à trois jours pour terminer le test. Lorsque j’ai examiné la puce d’uranium, j’ai été étonnée de constater qu’elle ne changeait pas grand-chose. De plus, il semblerait que la puissance magique consommée était bien moindre lorsque la portée du faisceau rouge se raccourcissait.”

“Donc, la plupart de la puissance magique a été utilisée pour maintenir le rayon rouge ?”demanda Anna après une courte réflexion

“Je comprends maintenant pourquoi tu es devenue une Sorcière Sénior encore plus vite qu’Ayesha”, la loua Céline. “Il m’a fallu un certain temps pour arriver à la même conclusion. Si ce faisceau est composé de nombreuses petites particules, il sera difficile de les diriger toutes vers le même endroit. L’expérience a montré que la transmission de chaleur sur les côtés avant, gauche et droit ne serait pas affectée tant que vous ne toucheriez pas le faisceau rouge. J’en conclus donc que la diminution de la portée du laser a permis d’économiser beaucoup d’énergie”.

“Attendez”, interrompit brusquement Roland. “Cela signifie-t-il que la pièce n° 236 détermine la portée du rayonnement ?”

C’était une découverte majeure, encore plus importante que la durabilité du système électrique. Il y avait environ 300 pièces dans un Cube de Cérémonie Magique et nul  ne savait comment le pouvoir magique fonctionnait à travers ces pierres à motifs. Il semblait qu’il y ait désormais une solution permettant d’ analyser le pouvoir à l’intérieur du cube.

“Oui”, répondit Céline, un pincement au cœur dans la voix. “Peut-être que les motifs de chaque partie ont une fonction spécifique. Si nous pouvions les déchiffrer, nous pourrions certainement comprendre comment le pouvoir magique fonctionne dans le Cube de Cérémonie Magique.”

“Chaque partie fonctionne différemment. Visiblement que le clan des radiations partageait notre état d’esprit que nous”, expliqua Anna avec un sourire. “N’avons-nous pas de la chance ?”

“Bien sûr”, confirma Roland d’un signe de tête. 

Il savait ce qu’Anna voulait dire. Les civilisations variaient considérablement en termes de langue, d’état d’esprit et d’apparence. Il semblait presque impossible de trouver une civilisation similaire dont on puisse tirer des enseignements. La civilisation souterraine, par exemple, ne pouvait faire fonctionner le dispositif central qu’après avoir transféré l’âme sur un réceptacle. Céline avait passé des centaines d’années à essayer de comprendre son mécanisme mais ses recherches s’étaient avérées infructueuses.

Par conséquent, chaque civilisation, d’une certaine manière, était solitaire.

Bien que Roland ait promis que les êtres humains pourraient toujours apprendre des civilisations perdues même sans les fragments d’héritage, il n’était pas si facile de le faire, surtout quand il n’y avait pas de conseils ou d’assistance disponibles (C un peu comme monter un meuble IKEA sans la notice). Comment pouvait on apprendre de l’autre en ayant des mentalités complètements différentes ?

Si Céline avait raison, le clan des radiations, première civilisation à montrer une certaine ressemblance avec la race humaine, pourrait éclairer l’humanité sur la recherche du pouvoir magique.

“Au fait,” dit soudain Anna en souriant à Roland. “Puisque l’unité de pouvoir magique a été finalisée et que nous avons également résolu le problème de la durabilité, n’est-il pas temps pour vous de tenir votre promesse ?”

En regardant les yeux bleus d’Anna, Roland eut du mal à refuser sa demande.

“Oui, oui… Votre Altesse”, dit-il en souriant. “Je commencerai à y travailler dès que je serai de retour au château.”

…

Dès l’aube, des bruits forts retentirent. 

Hébétée, Soraya se dressa sur son lit et, baillant énormément, se mit à la recherche de ses vêtements. 

Ces bruits produits par les machines à vapeur, qu’elle entendait chaque matin, marquaient le début d’une autre journée bien remplie.

Mais il était particulièrement tôt aujourd’hui. Soraya jeta un coup d’œil à Echo, encore profondément endormie, et s’habilla tranquillement. Qui, au château, pouvait bien se lever avant elle? 

Puis la sorcière réalisa soudain que ce n’était pas la zone industrielle. Pourquoi y avait-il des bruits de machines à vapeur. C’était le week-end , et la plupart des protégé de Roland avaient dormi ici. Le château serait vide jusqu’à l’heure du déjeuner. Rêvait-elle ?

Le rugissement recommença à l’extérieur de la fenêtre, et Soraya entendit parler et rire à gorge déployée.

“Comme c’est intéressant !”

“Votre Majesté, laissez-moi essayer.”

“Moi aussi, moi aussi !”

“Que se passe-t-il ?” demanda Echo en se levant, le regard embrumé.

“Je ne sais pas. C’est probablement Lune Mystérieuse…” répondit Soraya qui s’étira et alla ouvrir les épais rideaux. La lumière du soleil se répandit dans la pièce par la fenêtre. Finalement, il n’était pas si tôt.

Lorsqu’elle se fut adaptée à la luminosité soudaine, elle regarda par la fenêtre et ce qu’elle vit la laissa stupéfaite. 

De nombreuses sorcières, rassemblées à la porte du château, regardaient fixement quelque chose au centre de la cour, l’air surexcité.

Soraya vit alors Anna, rayonnante, assise dans un curieux carrosse à quatre roues, sans chevaux et qui roulait tout seul. Ce véhicule retint alors toute son attention.