Roland eu une moue. Le terme “anéantissement”, en effet, lui semblait un peu barbare pour une société régie par la loi.

– « On dirait qu’il s’agit d’une grosse affaire! »

– « Ce n’est pas aussi compliqué que vous le pensez », rétorqua Garcia comme si elle avait lu dans ses pensées. « Il y a des précédents. En principe, l’Association s’efforce d’obtenir davantage d’informations sur les Déchus à travers ce type de mission avant de les tuer tous d’un seul coup. Pour tout dire, il est beaucoup plus sûr d’être préparé que de faire face tout seul à l’attaque soudaine d’un Déchu. »

– « Avez-vous déjà participé à des missions conjointes ? »

– « Euh… » Garcia hésitait. « Jusque-là, je n’étais pas qualifiée pour y participer. J’en ai seulement entendu parler par mon maître. C’est la première fois pour moi. » Elle marqua une courte pause, les yeux rivés sur la tasse de café qu’elle tenait à la main et reprit : « Peut-être que cela vous importe peu, mais je dois être claire avec vous. Lorsque vous avez obtenu ce permis de chasse, vous m’avez surpassée. Si l’Association m’a demandé de vous informer, c’est parce que vous êtes relativement nouveau et, de ce fait, n’êtes peut-être pas très familier avec la transition. Mais si vous trouvez cela inconvenant, je le ferai savoir à l’Association… »

– « Non, non », coupa Roland. « Puisque c’est vous qui m’avez demandé de rejoindre l’Association, il est tout à fait normal que vous assumiez un rôle de responsable. »

Pour tout dire, il n’avait aucune intention de glorifier l’Association Martialiste ou de devenir lui-même un leader. Son principal objectif en rejoignant cette organisation était simplement de sonder le mystère qui planait autour de l’érosion et de la Force de la Nature et de gagner davantage d’argent.

Garcia leva les yeux vers Roland et le regarda un bon moment, un peu perplexe, avant d’éclater de rire :

– « Un rôle de responsable ? Comme vous êtes étrange… J’ai très bien compris que vous ne vouliez pas prendre cette responsabilité c’est pourquoi vous faites celui qui m’offre ce poste », répondit-elle, visiblement soulagée.

– « Yep, mais je ne veux pas le dire ouvertement », dit Roland en haussant les épaules. « Revenons à nos affaires. Y aura-t-il d’autres personnes avec nous ? Qui sera notre cible ? »

– « Pour éviter toute fuite, nous ne divulguerons le plan qu’une fois que tout le monde sera là », répondit Garcia en avalant son café. « Ceci dit, j’ai entendu dire que certains martialistes modernes se joindraient également à cette mission. »

Roland acquiesça :

– « Quand et où devons-nous nous retrouver ? »

– « Demain soir, 6h00, dans la banlieue Sud. Je vous ferai connaître les détails par SMS. Vous pouvez vous y rendre seul ou, si vous voulez, je peux vous y conduire. »

– « J’irai seul », s’empressa de répondre Roland car s’il partait avec elle, il lui serait impossible d’emmener les sorcières.

– « Comme vous voudrez », dit Garcia avec une moue, après quoi elle fit signe à Phyllis et lui passa un billet : « Je suis la voisine de Roland. Je vis juste à côté, appartement 0827. Si jamais vous rencontrez des problèmes dans cette ville, je veux dire si vous vous trouvez sous la contrainte ou la coercition, appelez-moi à ce numéro. Je serai heureuse de pouvoir vous aider. »

– « Me…merci », fit Phyllis avec un clin d’œil.

– « Je vous en prie », répondit Garcia avec un sourire en lui tapotant l’épaule. Arrivée sur le seuil de la porte, elle fit signe à Roland : « À demain alors! »

Il y eut un nouveau tintement argentin de clochettes et Garcia disparut dans la rue.

– « Elle est charmante », fit remarquer Phyllis. « Comptez-vous y aller Votre Majesté ? »

– « Étant donné que j’ai été nommé par l’Association, il me serait difficile de refuser. Je suppose que c’est le prix à payer pour avoir obtenu le permis de chasse », répondit Roland, indifférent. « Il y aura d’autres personnes avec moi, ça ne devrait donc pas être trop dangereux à partir du moment où nous procédons avec prudence. Tout compte fait, ce n’est pas si mal de participer de temps à autre à un évènement comme celui-ci. »

Avec un groupe de sorcières autour de lui, Roland était presque certain de remporter la victoire et ce serait un bon moyen de réduire son stress.

« Dans ce cas, j’en informerai Dame Pasha et emmènerai avec moi des sorcières de combat », dit Phyllis en s’inclinant.

Roland sélectionna quatre sorcières pour l’accompagner, à savoir Phyllis, Fanny, Line et Donna, capables de traquer l’ennemi tout en dissimulant leurs traces. C’était exactement ce dont Roland avait besoin pour mener à bien cette mission.

Le lendemain, le jeune homme, au volant de sa mini-fourgonnette, arriva à l’endroit désigné.

C’était une aire de repos isolée mais accessible, située en banlieue, où ils étaient supposés changer de véhicule pour éviter d’attirer l’attention.

Roland se dit que l’Association Martialiste avait pensé à tout.

Cependant, lorsqu’il atteignit l’aire de repos, il se rendit compte qu’il s’était lourdement trompé.

Le parking, bondé de voitures de luxe, attirait de nombreux curieux. Une foule de personnes se trouvait là, hurlant d’excitation. De toute évidence, ces gens avaient repéré des martialistes célèbres.

– « Luo, Luo, regardez par ici! »

– « Puis-je prendre une photo avec vous ? »

– « Vous êtes venus tourner une publicité ? »

– « Ne serait-ce pas le finaliste de l’an dernier, M. Youlong ? »

– « Wow, il m’a souri! Comme il est beau! »

Roland leva les yeux au ciel et se demanda si ces gars-là étaient vraiment là pour la mission. Il n’eut pas plutôt garé sa voiture que Garcia vint à sa rencontre.

– « Dissimulez-vous! »

– « Compris », murmura Donna.

Elle invoqua son voile d’invisibilité et le jeta sur les trois sorcières.

Roland descendit du véhicule et fit signe à Garcia.

– « Vous avez fait vite! »

– « Vous avez un permis de chasse à présent! Pourquoi continuez-vous de conduire un véhicule tout bosselé ? » Demanda la jeune femme confuse. « Je comprends que vous vouliez rester discret, mais là, vous en faites un peu trop. Vous avez l’air minable. »

– « Vraiment ? Je le trouve plutôt pratique, surtout pour aller au supermarché, car il est assez grand pour y mettre une importante quantité de provisions, ce qui n’est pas le cas de tous les véhicules. »

Roland s’abstint bien sûr de lui dire : « Si vous saviez combien de sorcières je peux cacher dans cette camionnette! »

– « Très bien… » dit Garcia, résignée, « si vraiment vous n’avez que faire de la manière dont les gens vous regardent… »

– « Je m’en moque totalement », répondit Roland avec un sourire indifférent. « Ces prodigues sont-ils aussi des martialistes ? »

– « Oui, mais ne le dites à personne », répondit Garcia en lui lançant un regard froid. « Comme ils ont rejoint l’Association avant vous, techniquement, ce sont tous vos aînés. »

– « Et leurs titres dans l’Association ? »

– « Ce serait encore pire, car ils savent que vous représentez les martialistes traditionnels », soupira Garcia. « Ils ne manqueront aucune occasion de vous embarrasser. »

– « Moi qui pensais que les martialistes étaient tous des héros altruistes comme vous », marmonna Roland. « À propos, n’êtes-vous pas une martialiste moderne vous aussi ? Cela ne va-t-il pas vous porter préjudice de m’approcher de si près ? »

– « Tout le monde ne se soucie pas des conflits entre martialistes modernes et traditionnels », grommela Garcia. « D’autre part, ne m’avez-vous pas demandé de jouer le rôle de leader ? »

– « C’est exact », répondit Roland avec un sourire. « Je me conformerai donc à vos instructions. »

– « Eh bien, en qualité d’aînée, permettez-moi de vous les présenter brièvement. Vous en avez probablement vu certains à la fête de mon père, aussi je me contenterai de passer en revue les trois principaux », dit Garcia en levant les sourcils en direction de plusieurs personnes au centre de la foule. « Luo Hua, un martialiste bien établi, doté d’excellentes techniques de combat. Il a beaucoup de fans et a été classé n ° 10 l’an dernier, ce qui en fait le meilleur de cette ville. Il n’a que 22 ans mais déjà beaucoup d’expérience. C’est assez impressionnant. 

« M. Youlong, je ne suis pas certaine de son âge, mais il doit avoir entre 30 et 35 ans, il est l’un des représentants des martialistes modernes. Toute sa famille se consacre aux arts martiaux, et c’est ainsi qu’il a obtenu son surnom. M. Youlong est un sportif complet. Les gens disent qu’il est assez puissant pour devenir “gardien”. Il a terminé second l’an dernier et je suis presque certaine qu’il vise le championnat cette année. À mon avis, ce sera lui le capitaine sur cette mission. »

Garcia s’interrompit et regarda autour d’elle. On aurait dit qu’elle cherchait quelque chose, ou quelqu’un. Puis, montrant du doigt un pavillon à l’extérieur du parking : « En ce qui concerne le dernier, vous devrez redoubler de prudence pour l’approcher. »

Roland regarda dans la direction indiquée.

– « Fei Yuhan, l’une des martialistes les plus douées de ces dernières années, arrivée en finale en seulement cinq ans », souligna Garcia, mi-admirative, mi-envieuse. « Je ne m’attendais pas à la voir ici. Si elle se joint à nous, nous aurons sans doute la meilleure équipe possible. »

– « Dans ce cas, pourquoi dois-je me montrer si prudent ? A-t-elle l’intention de me chercher des ennuis ? »

– « Fadaises », dit Garcia en levant les yeux au ciel. « Vous et elle n’êtes même pas dans la même ligue. Je tenais juste à vous conseiller de ne pas vous la mettre à dos. »