Les deux Diables Fous hurlèrent de rage, attrapèrent leurs lances en os et leurs bras se dilatèrent rapidement.

Autrefois, dans une telle situation, Foudre aurait laissé tomber les armes et se serait aussitôt enfuie cependant, il restait encore un Diable Araignée à éliminer. Le seul moyen pour elle d’éviter les Diables furieux était de faire diversion.

Elle prit donc de l’altitude passa devant la cime des arbres. Lorsqu’elle eut disparu de la vue des Diables, elle se retourna brusquement et traversa la forêt. À peu près au même moment, deux lances en os traversèrent les branches et les brindilles entremêlées en sifflant dans sa direction.

Foudre poussa un profond soupir de soulagement, fit volte-face et fila droit vers la cible, suivante, conformément aux instructions de Maggie.

Mais lorsqu’elle aperçut le second Diable Araignée, une vague d’inquiétude la submergea.

Sur le point de tirer, le monstre avait dirigé son pilier de pierre vers le haut et ses veines entrelacées dégageaient une lueur bleue venimeuse.

Or Foudre n’avait pas eu le temps de charger son arme.

– « Distrayez-le, Maggie », cria-t-elle. « Empêchez-le de lancer son pilier! »

L’autour, qui planait au-dessus de la forêt, plongea et se transforma aussitôt en une gigantesque bête démoniaque. Sans comprendre ce qui leur arrivait, les Diables Fous qui veillaient sur le Diable Araignée se retrouvèrent plaqués au sol tandis qu’avec un bruit phénoménal semblable à un coup de canon, Maggie venait s’écraser contre le monstre.

Aveuglé par la poussière, la créature trébucha, bascula sur le côté et se retrouva presque sur le dos. Le pilier de pierre fut éjecté de son corps, renversa les Diables Fous, rasa le sol et, à une vitesse épouvantable, fila droit vers la forêt où il s’écrasa. Il vola en éclats, laissant sur le sol une clairière en forme d’éventail.

– « Bien joué! » S’exclama Foudre.

Elle chargea son arme et visa le Diable Araignée qui luttait à présent pour se remettre debout, agitant ses pattes dans toutes les directions.

Mais la sorcière ne comptait pas lui en laisser l’occasion.

La grenade frappa avec précision le ventre du monstre, générant une explosion qui déchira l’autre côté de son corps.

Lorsqu’elle fut certaine que le Diable Araignée ne bougeait plus, Foudre alla relever Maggie qui avait retrouvé son apparence normale.

– « Tout va bien ? » Demanda-t-elle.

« Oui », répondit Maggie en retroussant sa manche et en secouant son bras. « Je l’ai frappé avec le plus gros muscle de mon épaule! »

Mais très vite, elle eut une grimace de douleur en tentant de lever la main.

– « Il semblerait que votre muscle ne soit pas si fort que vous ne le pensiez… », dit Foudre en lui caressant la tête. « Dorénavant, je vous donnerai beaucoup de viande grillée de façon à ce que, la prochaine fois, vous ne vous blessiez pas. Pour le moment, pouvez-vous tenir encore un peu ? Pour moi ? »

– « Bien sûr! » S’empressa de répondre Maggie en hochant vigoureusement la tête.

– « Dans ce cas », dit-elle en s’accroupissant pour prendre le pigeon et le déposer sur sa tête, « allons aider les autres au nom du Groupe d’Exploration de la Cité Sans Hiver! »

Andrea appuya sur la gâchette et abattit un Diable qui pointait la tête dehors. La mâchoire engourdie de douleur, elle avait un goût de sang dans la bouche et comme des éclats de métal sur la langue… à moins qu’il ne s’agisse de ses dents ?

Combien en avait-elle frappé ? Une dizaine ?

C’était en tout cas l’impression qu’elle avait. Ceci dit, au lieu de battre en retraite, les Diables ripostaient encore plus farouchement.

Les Diables Fous, que jusque-là elle n’avait jamais pris très au sérieux, devenaient soudain de rudes adversaires qui, particulièrement nombreux, attaquaient les sorcières de différentes directions. Andrea se réjouissait de posséder cette arme avancée sans laquelle il aurait été quasi impossible de les arrêter.

Techniquement, la forêt n’était pas le lieu idéal pour un combat à armes à feu, car les Diables Fous pouvaient facilement se cacher derrière les arbres pour éviter les balles et continuer à envoyer leurs lances. Les Sorcières du Châtiment Divin, qui n’avaient pas de boucliers, devaient donc se fier à leurs compétences physiques en matière de combat pour éviter les attaques ennemies.

Comme si cela ne suffisait pas, il y avait aussi un Diable Supérieur de haut niveau, probablement une transformation d’un Seigneur des Enfers, visiblement beaucoup plus faible qu’Ursrook en termes de pouvoir magique mais plus robuste et plus musclé. Il avait développé la mauvaise habitude d’utiliser les arbres comme des lances. À chaque fois qu’elles le voyaient en déraciner un, les Sorcières du Châtiment Divin devaient s’unir pour parer l’attaque. Par ailleurs, il construisait des monticules de terre pour protéger les autres Diables. De ce fait, les sorcières étaient considérablement ralenties par l’offensive conjointe de ce Diable et du Tueur de Magie.

Andrea, peu à peu submergée par la douleur et la fatigue, chargeait, visait et tirait mécaniquement sans plus vraiment être consciente de ce qu’elle faisait.

– « Attention Andrea, surveillez votre droite! » Lui cria Sylvie après deux jets de lance.

Un groupe de Diables Fous, en effet, faisait diversion auprès des Sorcières du Châtiment Divin. Le Tueur de Magie se libéra de l’épée géante de Cendres et fondit, tel un fantôme, sur Elena et Andrea.

Cette dernière leva son arme mais Ursrook, du tranchant de la main, la coupa en deux.

Puis vint le second coup.

En une fraction de seconde, tout parut se figer. Andrea vit une lumière bleue fantomatique jaillir de la main griffue du Tueur de Magie qui était sur le point de s’abattre sur elle.

C’était fini.

Paralysée par la peur, elle se prépara à la mort… mais ce n’était pas encore pour cette fois car au dernier moment, Elena se retourna brusquement en encaissa le coup à sa place.

La blessure lui déchira les côtes et atteignit ses organes. Toute Sorcière du Châtiment Divin qu’elle fût, il lui était impossible de poursuivre le combat.

Elena s’effondra.

– « Non!! » Cria Zoé.

Furieuse, elle tourna le revolver contre Usrook et tira plusieurs fois de suite.

Impossible pour le Tueur de Magie d’esquiver un tir à bout portant. Son bouclier finit par se briser. Il avait le corps criblé de balles et perdait son sang.

À la surprise de Zoé, l’ennemi la regarda, vola en arrière et planta sa main dans son propre corps. On aurait dit qu’il ne ressentait rien. Aussitôt, ses blessures cicatrisèrent et son pouvoir magique se régénéra.

– « Monstre… », murmura Sylvie, qui avait tout vu, désespérée.

– « Quelle impertinence que de me traiter de monstre », dit Ursrook d’un air ironique. « Je tue pour évoluer et m’améliorer. » Il s’approcha de l’autre Diable Supérieur qui lui tendit un réservoir de brume. « Je me nourris de vos blessures et de votre énergie. Vous auriez dû savoir que vous ne pourriez rien contre moi. Cessez donc le combat, il ne fera qu’augmenter votre douleur. Si vous vous rendez maintenant, eu égard à votre courage, je promets de vous accorder une mort sans souffrance. »

– « Allez en enfer! » Rugit Zoé. « Jamais je ne céderai devant un Diable. Dussé-je souffrir mille morts, je vous mettrai en pièces! »

Andrea, cependant, n’entendait plus ni les mots, ni les grognements, ni les cris, ni les avertissements. Elle rampa lentement vers Elena et la prit dans ses bras :

– « Pourquoi m’avoir sauvée ? » Murmura-t-elle.

Elena cracha du sang et eut un léger sourire :

– « j’aurais dû être tuée il y a des années. Si j’ai survécu, c’est parce que je voulais quelque chose. Nous avons atteint nos limites, mais vous, vous avez un grand potentiel. Cela ne me donnait-il pas une bonne raison de vous sauver ? »

Voyant le visage bouleversé d’Andrea, Elena lui caressa doucement la joue : 

– « Ne soyez pas triste. Je ne ressens rien, je vous assure. Je suis juste… un peu… fatiguée… »

Sa voix peu à peu retomba et son souffle se fit profond et régulier comme si elle s’était endormie.

La vue brouillée, Andrea lui prit la main.

Les sorcières étaient totalement immobilisées à présent. Deux autres guerrières du Châtiment Divin étaient au sol et l’ennemi se resserrait autour d’elles.

« Allons-nous finir ici ? » Se demanda Andrea. Les forces lui manquaient. Prise de vertige, elle perdit l’équilibre et s’écroula sur le sol.

Le ciel était sombre, de plomb, comme si une tempête se préparait…

Elle eut à peine le temps d’apercevoir, à travers l’épaisse couche de nuages, un éclat de lumière dorée, après quoi elle perdit conscience.