Il faisait nuit noire.
Le son d’un carrosse qui cahotait pouvait se faire entendre le long de la tranquille route qui menait au palais. Linley était assis, seul, dans le carrosse, avec Bébé sur ses genoux. À côté du carrosse se trouvait dix chevaliers chevauchant de beaux étalons, qui suivaient le domestique royal venu chercher Linley.
À l’intérieur du carrosse.
Linley fronçait les sourcils tout en réfléchissant.
– Il se fait déjà bien tard. Mais le Roi Clayde m’a soudainement convoqué au palais. Pour quelle raison ? Comme dit le proverbe, seuls les innocents sont toujours détendus.
Linley avait tué Patterson, et maintenant, il était bien conscient que dans le passé, c’était Clayde qui avait ordonné à Patterson d’envoyer des personnes pour kidnapper sa mère. En d’autres mots, il y avait maintenant une profonde hostilité entre Clayde et lui.
Naturellement, Linley était très prudent autour de Clayde.
– J’ai entendu dire qu’il y a deux jours, Clayde a fait saisir l’intendant du Duc, et qu’il a commencé une enquête à propos des affaires de Patterson. Celui-ci avait dit qu’il n’avait informé personne de notre rendez-vous. Mais puis-je lui faire confiance ? Linley était incertain.
Peut-être que cet intendant était déjà au courant de la rencontre entre Patterson et Linley.
Si l’intendant du Duc informait le Roi Clayde de cette rencontre, alors naturellement, Linley serait au bord du gouffre.
– Linley, ne t’inquiète pas.
La voix de Doehring Cowart résonna dans l’esprit de Linley, pour le rassurer.
– Linley, même si ce Duc Patterson avait informé son intendant de son rendez-vous avec toi, tu devrais t’en sortir.
– M’en sortir ? Linley regarda le vieux sage d’un air interrogatif.
Ce dernier acquiesça avec confiance.
– Naturellement. Même si Clayde suspectait ou savait que c’est toi qui as tué Patterson, il n’en parlerait pas ouvertement pour autant.
– Car… Clayde ne connaît pas la raison pour laquelle tu as tué son frère. Le visage du vieillard était empli de confiance.
Linley était surpris. Même si Clayde ne savait pas pourquoi il avait tué Patterson… il saurait tout de même que Linley était le meurtrier, n’est-ce pas ?
– C’est simple. D’après la conversation que tu as eue avec Patterson dans cette pièce souterraine, sa relation avec Clayde n’était pas très bonne. Lorsqu’il était le Ministre des Finances, il s’est engagé dans de la corruption à tous les niveaux. Dans son cœur, Clayde n’avait probablement plus beaucoup d’affection pour Patterson. De plus… Clayde ne sait pas qu’il y avait de l’hostilité entre vous deux. C’est pour cela qu’il n’agira pas contre toi sans raison. Car s’il veut te punir, ou te tuer, il devrait alors demander d’abord la permission à l’Église de Lumière. Les yeux brillants, Doehring Cowart regardait Linley.
– Humph, est-ce que ce Clayde peut vraiment être considéré comme un roi ? L’Église de Lumière possède l’autorité nécessaire pour le destituer à n’importe quel moment. Mais tu es quelqu’un qui compte beaucoup pour l’Église de Lumière. Oserait-il agir sans réfléchir contre toi ? Le consola son mentor.
Linley acquiesça.
Il comprenait bien cette logique.
Cependant…
Il ne souhaitait vraiment pas que Clayde soit sur ses gardes à son encontre. Si le Roi devenait méfiant à son égard, comment pourrait-il enquêter sur ce qu’il était advenu de sa mère, ou même comment pourrait-il la venger ?
– Ouvrez les portes ! C’est moi ! Cria le domestique royal d’une voix stridente.
Entendant cela, Linley sut immédiatement qu’ils avaient déjà atteint les portes du palais. Telles des créatures gigantesques, les portes se tenaient là, massives. En seulement l’espace d’une demi-heure, d’innombrables carrosses étaient entrés ou avaient quitté le palais.
L’un de ces carrosses était celui de Linley. Un autre appartenait à Bernard. Et d’autres transportaient des nobles.
Dans le salon des discussions d’affaire du palais.
Mis à part les deux gardes de chaque côté des portes du salon, toutes les personnes présentes dans la pièce étaient des nobles de haut rang. Au total, il y avait huit personnes. Celles-ci étaient Bernard, le chef du clan Debs. Le Premier Mage de la Cour, Linley. La Main Gauche du Roi, le Duc Bonalt. L’inspecteur Général, Hampton [Han’pu’dun]…
– Linley, tu es venu, le salua chaleureusement Bernard.
De même, tous les nobles déjà présents le saluèrent instantanément. Voyant tous ces nobles, Linley ne put s’empêcher de se calmer soudainement. Il semblerait qu’il n’ait pas été le seul après tout.
– Messeigneurs, je me demande si l’un d’entre vous saurait pourquoi sa Majesté nous a convoqué ici ? Demanda immédiatement Linley.
Le Duc Bonalt, en tant que Main Gauche du Roi, était au courant de toutes les informations du royaume.
– Il est très probable que cette convocation soit en rapport avec la disparition du Duc Patterson, répondit le Duc avec un léger rire.
Bernard, sur le côté, demanda immédiatement,
– Seigneur Duc, qu’est-ce que la disparition du Duc Patterson a à voir avec moi ? Je n’ai aucune responsabilité importante à la cour.
– Aujourd’hui, sa Majesté n’a pas convoqué toute la cour, mais ne fait qu’enquêter sur une affaire. Autrement, pourquoi serais-je ici ainsi qu’un seul Inspecteur Général, mais pas la Main Droite du Roi ? Le Duc Bonalt avait clairement analysé la situation.
Bernard hocha la tête.
Mais il était tout de même très mal à l’aise.
Depuis que Patterson avait disparu, Bernard avait été rempli d’inquiétudes. Il craignait que l’implication entre son clan et le Duc Patterson dans l’affaire de contrebande d’eau de jade ne soit révélée. Si cette affaire était révélée au grand jour, alors le clan Debs serait véritablement fini.
– Sa Majesté est arrivée !
Soudain, la voix stridente du domestique royal résonna. Le Roi Clayde entra dans la pièce depuis une porte secondaire avant de s’asseoir directement dans un siège. Deux serviteurs royaux se postèrent à ses côtés.
– Salutation à sa Majesté !
Tous les nobles présents clamèrent ceci en s’inclinant.
Clayde contempla l’ensemble des nobles d’un regard. Il hocha calmement la tête, et dit,
– Il se fait déjà tard. À l’origine, je ne voulais pas vous déranger à cette heure-ci, mais cette affaire concernant la disparition de mon second frère, Patterson, est trop importante. J’ai été forcé de tous vous convoquer à venir ici.
– Puis-je vous demander, votre Majesté, ce que la disparition du Duc Patterson a à voir avec notre convocation ici-même ? Demanda immédiatement Linley.
Des huit personnes présentes devant Clayde, peut-être seulement Linley osait s’adresser à lui de cette manière, aussi cavalière. Car si toutes les personnes présentes étaient des subordonnées de Clayde, en réalité, Linley était subordonné à l’Église de Lumière, et n’était un serviteur du royaume de Fenlai que sur le papier.
– Linley, je veux seulement enquêter clairement sur cette affaire, sourit Clayde, avant de dire d’une voix puissante, amenez l’intendant du Duc, Lodi.
Lodi ? L’intendant du Duc ?
Linley et le chef du clan Debs eurent tout de suite le cœur qui se mit à battre violemment.
Tout le salon était silencieux. Ils attendaient tous que Lodi soit amené devant eux pour témoigner. Linley se tenait toujours là, avec la Souris Fantôme sur les épaules.
Après un court instant…
Sous la surveillance de deux gardes royaux, un homme d’âge mûr aux cheveux de jade entra dans la pièce. Cet homme semblait très fragile, avec ses cheveux ébouriffés et un air ahuri sur le visage.
Bernard reconnu l’homme en face de lui d’un seul regard. C’était en effet Lodi, l’intendant du Duc Patterson.
– Lodi, explique tout en détail, demanda Clayde d’une voix imposante.
Il avait déjà tout expliqué une fois à Clayde. L’explication demandée par le Roi était clairement pour que Linley et les autres l’entendent. L’intendant dit très honnêtement,
– Votre Majesté, le 18 juin, lorsque le clan Debs a organisé cette cérémonie de fiançailles, le Seigneur Duc y est aussi allé. Mais après la cérémonie, le Seigneur Duc n’est jamais rentré.
– Lodi, éloigne-toi un peu, dit froidement Clayde.
– Bien, votre Majesté. Lodi était clairement terrifié. Il se dépêcha de détaler dans un coin.
Clayde balaya les huit nobles de son regard.
– D’après les informations récupérées par mon enquête, durant la nuit de la cérémonie de fiançailles du clan Debs, vous étiez tous parmi les derniers à partir. Ce que je vous demande est très simple : est-ce que l’un d’entre vous a rencontré le Duc Patterson ? La question de Clayde était en effet très simple.
– Juste après le banquet, Patterson est parti, dit le Seigneur Bonalt, d’une voix forte.
Linley hocha aussi la tête,
– Moi aussi, j’ai vu Patterson s’en aller assez tôt.
Les autres dirent soit qu’ils ne l’avaient pas vu, soit que Patterson était parti très tôt.
Après avoir entendu toutes les personnes parler, Clayde sourit et hocha la tête, puis se tourna de nouveau vers Lodi.
– Lodi, continue.
– Cette nuit, avant d’aller au manoir des Debs, le Duc Patterson m’a dit qu’il allait retrouver une personne extrêmement importante, mais que personne n’était autorisé à connaître l’importance du sujet de la discussion qu’il allait avoir avec cette personne. C’est pourquoi il m’a donné l’ordre de préparer une doublure pour qu’il donne l’impression de quitter le manoir. Mais en réalité, le Seigneur Duc est resté à l’intérieur du manoir.
– Le Seigneur Duc a aussi dit que le clan Debs allait arranger un endroit sûr et secret pour cette rencontre, ajouta Lodi.
En entendant ces mots, le visage de Bernard pâlit instantanément.
– Votre Majesté ! Votre Majesté !
Bernard s’exclama précipitamment,
– Cela n’a rien à voir avec moi. Le Seigneur Duc m’a dit qu’il voulait rencontrer quelqu’un, donc j’ai préparé un endroit pour l’accommoder. Je ne pouvais pas lui refuser.
– Bernard. Ne sois pas trop hâtif. Je ne veux accuser faussement personne, dit Clayde en souriant.
– Merci, votre Majesté. Bernard recula rapidement de quelques pas, mais son visage était encore pâle.
Clayde se tourna pour regarder Linley et les autres.
– Si Patterson allait rencontrer quelqu’un, cette personne devait avoir un certain statut. Qui pourrait être cette personne ? Je pense… que cela doit être l’un des derniers invités à partir.
Le cœur de Linley trembla.
Le Duc Bonalt, le Comte Juneau, le Marquis Hampton, et les autres regardèrent tous Clayde avec stupéfaction. À présent, ils pouvaient deviner pourquoi le roi les avait convoqués ici à cette heure-ci.
Sa Majesté les suspectait !
– Votre Majesté, je ne l’ai définitivement pas rencontré, dirent immédiatement le comte Juneau, le Marquis Hampton, et les autres.
Clayde sourit.
– Je n’ai que des suppositions. Si aucun d’entre vous n’est coupable de quoi que ce soit, pourquoi tant de nervosité ? Regardez, Linley est celui qui est le plus calme, ici.
Linley sourit, mais ne fit pas un bruit.
Clayde contempla le groupe de nobles, riant froidement dans son cœur. Cela ne m’intéresse tellement pas de savoir lequel d’entre vous a fait disparaître Patterson. En vérité, je devrais plutôt remercier cette personne pour m’avoir donné une occasion aussi merveilleuse pour éradiquer toutes les connections secrètes que Patterson s’était construit au fil des années.
En tant que Ministre des Finances depuis un long moment, Patterson avait créé un énorme, et dense réseau de relations. Son influence était extrêmement grande. Clayde n’osait pas enquêter trop sérieusement sur Patterson, car il ne voulait pas causer trop de problème au royaume.
C’était aussi la raison pour laquelle le clan Debs avait décidé de travailler avec Patterson.
Mais maintenant, il avait disparu. Ce grand dragon et son groupe n’avait plus de tête.
Agissant aussi rapidement que l’éclair, Clayde avait usé de différentes techniques impitoyables pour rapidement arracher les ailes de Patterson et briser le réseau d’influence que son frère avait passé de si longues années à construire.
Ses collaborateurs seraient naturellement en situation périlleuse s’ils essayaient de résister. Il n’y avait aucun moyen pour eux de résister à la pression qu’exerçait le Roi Clayde.
Celui-ci regarda Linley et les autres. Riant, il dit,
– La disparition de mon frère puîné est quelque chose que je me dois d’enquêter. Mais ce qui m’a surpris, c’est que j’ai fini par découvrir quelques petites choses. Lodi, en particulier, a révélé de nombreux secrets.
Linley ne put s’empêcher de regarder celui-ci.
– Lodi, dit leur. Clayde lui sourit.
À ce moment, Clayde était extrêmement satisfait. La mort d’un frère n’était absolument pas importante, aux yeux de Clayde. Plus important… tous les pouvoirs du royaume résidaient de nouveau dans ses mains.
Lodi dit respectueusement,
– Votre Majesté, ce jour-là, lorsque le Duc Patterson s’est rendu à la cérémonie de fiançailles du clan Debs, la raison pour laquelle il avait besoin de rencontrer cette mystérieuse personne était dans le but d’obtenir une relation avec le Conglomérat Dawson. Ainsi… la personne qu’il a dû aller voir devait absolument avoir une quelconque relation avec le Conglomérat Dawson.
– Le Conglomérat Dawson ?
Linley sentit son cœur trembler violemment.
– Est-ce que tout le monde veut savoir pourquoi mon frère voulait obtenir l’aide du Conglomérat Dawson ? Clayde s’esclaffa en regardant les personnes présentes. Continue, Lodi.
– Oui, durant ces dernières années, le Duc Patterson a trahi son pays de nombreuses fois pour son propre profit et pour ses propres intérêts. Les derniers mois tout particulièrement, il a commencé un programme de grande envergure de contrebande d’eau de jade avec le clan Debs. Dans toute l’histoire de notre royaume, c’est le plus grand programme de contrebande d’eau de jade qui n’ait jamais existé. Lodi avait clairement été totalement intimidé par Clayde, et était maintenant prêt à révéler tout ce qu’on lui demandait.
*Paf !*
Le chef du clan Debs, Bernard s’agenouilla immédiatement, ses genoux s’écrasant au sol. Il s’exclama immédiatement,
– Votre Majesté, je suis victime d’un coup monté ! Notre clan Debs a toujours agi de manière ouverte et correcte. Nous n’avons jamais agi de manière contraire aux meilleurs intérêts du royaume. Notre clan Debs est victime d’un coup monté !
– Un coup monté ? Clayde jeta un regard froid à Bernard.
– Amenez les frères Lanseer !
En entendant les mots « frères Lanseer », le visage de Bernard, le chef du clan Debs, se vida de tout son sang.