« De vrais et délicieux plats… » Jiang Xiaorou regarda son frère, quelque peu distraite, avec l’impression que tout ce qu’elle vivait ce soir-là n’était qu’un rêve. Dans la nuit noire, ses yeux brillaient de mille feux.
– « Sœurette, détends-toi, le repas arrive. »
Yi Yun commença à se concentrer. Il avait déjà préparé bon nombre de repas dans sa vie mais celui-ci était de loin le plus important!
Le jeune garçon avait reçu du vieil homme toute une batterie de cuisine, mais aussi de très coûteux condiments et du vin. Il ne lui restait plus qu’à mettre à exécution ses talents culinaires.
Il mit de l’eau dans la marmite et y ajouta la viande, l’assaisonnement, du bouillon et de l’huile…
Yi prépara les plats l’un après l’autre et à chaque fois, il y mettait un soin particulier. Il prit pour planche à découper une souche d’arbre et sortit un couteau que Su Jie lui avait donné.
Depuis son corps trempé, Yi Yun n’était plus le même, sa force avait considérablement augmenté. Il maniait le couteau avec habileté, à une vitesse exceptionnelle, découpant les ingrédients aussi finement que des ailes de libellule.
À la lueur du feu, Xiaorou était stupéfaite du travail qu’accomplissait son jeune frère.
« D’où lui vient toute cette puissance ? » Pensa-t-elle.
Afin de régaler Xiaorou, Yi Yun, qui n’était pourtant pas un professionnel, avait entrepris de préparer plusieurs plats aux étapes complexes qui, même sur Terre, nécessitaient toute son attention. Une ou deux erreurs et adieu la perfection!
Depuis qu’il avait atteint le niveau des Méridiens, les canaux de son cerveau laissaient aisément passer l’énergie, rendant ses pensées très claires. Cela lui permit de réaliser trois plats en même temps!
Tout était préparé avec la précision d’une horloge.
Les arômes qui parvenaient aux narines de Xiaorou, frigorifiée, attisèrent son appétit.
Elle qui ne mangeait que très rarement du bacon était loin de s’imaginer pouvoir goûter un jour à une cuisine de cette qualité.
Yi Yun avait préparé tous ses plats à partir des viandes que Su lui avait données. Connaissant la stature et la gourmandise de ce dernier, toutes provenaient de Créatures Fabuleuses. Par ailleurs, il n’en avait gardé que les meilleurs morceaux.
« Tout cela est-il réel ? »
Alors que, quelques minutes auparavant, Xiaorou s’inquiétait de savoir comment ils allaient pouvoir manger et quel serait leur avenir, voilà qu’elle se retrouvait face à une table chargée de délices. Était-ce son frère qui avait fait tout cela ? Allait-elle pouvoir manger toute cette nourriture ?
– « Xiaorou, mange vite, tout va refroidir. » Yi prit un bol de viande, qui était presque transparente : « Goute-moi ça, c’est de la poitrine de porc cuite à la vapeur. »
Si, sur Terre, la poitrine de porc était déjà délicieuse cuite à la vapeur, que dire d’une viande provenant de Créature Fabuleuse!
Yi Yun prit un morceau de viande et le tendit à sa sœur.
Jusque-là, c’était toujours elle qui l’avait nourri, mais à présent les rôles étaient inversés. Xiaorou, qui n’avait pas l’habitude, en prit un petit morceau en rougissant et fut submergée par une explosion de saveurs.
Elle avait du mal à croire qu’il puisse exister, dans ce monde, quelque chose d’aussi délicieux. Même sur Terre, il n’existait rien de comparable à ces plats à base de viande de Créature Fabuleuse.
Lorsqu’elle était jeune, Xiaorou, qui était née dans une famille aisée, passait son temps à grignoter et n’avait pas appris à apprécier la nourriture. Ne s’intéressant qu’aux sucreries et n’ayant jamais souffert de la faim, elle ne savait pas à quel point le poisson et la viande pouvaient être délicieux.
Un à un, Yi Yun lui présenta ses plats :
– « Hongshao Rou, Poulet en croûte de sel, Légumes frits, Soupe de légumes au bouillon de viande. »
Le goût en était d’autant meilleur qu’il appliquait à la cuisine traditionnelle chinoise les ingrédients spécifiques à ce monde étrange. Aussi pointilleux qu’il puisse être sur sa cuisine, Yi Yun trouvait cela parfait.
Xiaorou mangeait si vite qu’elle faillit avaler sa langue. Ce repas était un rêve!
Par ailleurs, ces plats réchauffaient terriblement. La chaleur se répandait dans leurs corps et ils se sentaient bien, car cette viande était reconstituante.
Dans le désert, les gens pauvres avaient rarement accès à la viande de Créatures Fabuleuses. S’ils avaient pu en manger chaque jour, leurs corps auraient été plus résistants et ils ne succomberaient pas aux maladies.
Les plats défilaient sur la souche à une telle allure qu’en à peine 15 minutes, tout fut englouti.
Rassasiée, Xiaorou se sentit ragaillardie par toute l’énergie contenue dans cette nourriture. Il fallait avoir éprouvé la faim pour réaliser à quel point ces délices étaient un pur bonheur.
Peu après, le jeune garçon entreprit de construire une cabane dans l’arbre, ce qui pour lui était chose facile.
– « Yun’er, raconte-moi ce qui s’est passé ? Où étais-tu pendant tout ce temps ? »
Depuis quelques heures, les évènements avaient pris une tournure étonnante.
– « J’ai rencontré un homme formidable qui, voyant ma constitution, m’a donné quelques conseils, ainsi que de bonnes choses. C’est à peu près tout sœurette. Je ne suis plus celui que j’étais et tu n’as plus à t’inquiéter pour l’avenir »
La maison était terminée, mais compte tenu de l’humidité et du froid qui régnaient dans les montagnes, il ne ferait guère bon y dormir. Certes, un feu brûlait à proximité, mais il aurait fallu le surveiller en permanence afin qu’il ne s’éteigne pas durant la nuit.
Voyant que Xiaorou, de temps à autre, se frottait les oreilles, il descendit de la cabane et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, rapporta la tête de Chi Lin qui contenait une grande quantité d’énergie de type Feu. C’était comme s’ils avaient un petit poêle et très vite la maison se réchauffa.
Allongée sur le plancher, Xiaorou ne s’était jamais sentie aussi en sécurité. Une maison chaleureuse et Yi Yun à ses côtés, quoi de plus merveilleux ?!
« Yun’er, j’ai tellement peur que ce ne soit qu’un rêve… »
Xiaorou, qui trouvait tout cela irréel, craignait, si elle fermait les yeux et les rouvrait, de se retrouver dans cette maison froide, maculée de bouse et d’apprendre que Yi Yun avait effectivement contracté une maladie fatale.
– « Tu ne rêves pas sœurette. Dors, je te protégerai », dit-il en s’allongeant près d’elle et lui prenant la main.
La chaleur de la main de son frère eut tôt fait d’apaiser son esprit. En une journée, elle avait appris la mort de Yi Yun, été assiégée par les villageois… Toutes ces peurs et émotions fluctuantes l’avaient totalement épuisée.
Doucement, Xiaorou entra au pays des rêves, le visage souriant…