Tard ce matin-là, Yi Yun arriva pour son premier cours. Maitre Zhang n’étant pas encore là, Zhao Tiezhu et les membres du camp de formation des guerriers s’entrainaient à leur jeu de force favori, soulever des meules et rouleaux de pierres. C’était quelque chose dont ces rustauds étaient extrêmement fiers.

Il y avait beaucoup de badauds dans les environs, il faut dire que regarder ces brutes soulever toutes ces charges était un spectacle impressionnant!

– « Mais n’est-ce-pas notre petit génie des arts martiaux ? » Dit Zhao Tiezhu en jetant un rouleau de pierre de 226 kg au pieds du jeune Yi : « Oserais-tu tenter ta chance ? » Demanda-t-il, le regard méprisant.

Il entendait bien prouver à tous que Yi Yun n’était pas un prodige des arts martiaux.

– « Frère Zhao, vous êtes trop dur avec lui. Comment pourrait-il soulever un poids pareil ? Viens petit frère, essaye donc avec ça », dit un autre homme en jetant un rocher de 90 kg à proximité de Yi Yun.

Aux yeux de ces balourds, soulever 22 kg serait une épreuve de force pour Yi, alors que dire de 90! Comment pourrait-il encore être un prodige ?

Yi Yun fit mine de n’avoir rien vu et continua à s’entrainer. Il avait déjà prouvé son talent pour les arts martiaux, peu lui importait qu’ils le croient ou non!

Le jeune garçon ne voulait pas entrer en conflit avec Lian Chengyu dont le niveau et l’expérience au combat étaient bien supérieurs aux siens. Mais surtout, c’était quelqu’un d’important, soutenu par le Patriarche, le professeur Yao Yuan et autres membres très estimés de la tribu.

Par ailleurs, il avait une autre faiblesse : Jiang Xiaorou.

– « Le Seigneur Zhang arrive! » Dit un homme à voix basse.

Tous les membres du camp d’entrainement se dispersèrent comme des poulets et reprirent leur démonstration de force.  

« Hey! Ha! Hey! Ha! »

Cela faisait des années que ces hommes soulevaient des pierres, aussi scandaient-ils tous en chœur.

L’atmosphère était à son comble, une vraie scène de théâtre.

Accompagné de Lian Chengyu, Zhang Yuxian arriva sur la place du village. Rouges d’excitation, les hommes redoublèrent d’efforts, espérant ainsi gagner quelques crédits aux yeux du maitre.

Zhao Tiezhu était de loin celui qui travaillait le plus. On pouvait lire sur son visage l’expression : « Regardez-moi! ». Il aurait pu s’amuser indéfiniment avec ce rouleau de 226 kg. Comment pourrait-il être comparé à ce freluquet ?

– « Seigneur Zhang, regardez bien. Peut-être vous êtes-vous trompé », dit Lian.

Zhang Yuxian fronça les sourcils devant cette mascarade. Ses supérieurs n’avaient aucune idée de la difficulté de la tâche qu’ils lui avaient confiée. Enseigner à cette bande d’incapable revenait à crier sans émettre aucun son!

– « Bande de ploucs! Faites donc un effort! » Rugit Zhang Yuxian avec un niveau sonore qui fit l’effet d’une bombe sur les guerriers du camp de formation. Aussitôt, ils relâchèrent leur prise, au risque de se blesser.

Zhao Tiezhu et les autres étaient abasourdis. Ils ne s’attendaient pas à ce que Maitre Zhang, habituellement aimable et mesuré dans ses propos fasse preuve d’autant d’austérité.

Le Jin Long Wei étant une division militaire d’élite au sein du Royaume Divin de Taïa, il était courant qu’un instructeur mène des combats à mort. Mais Zhang Yuxian, qui ne voulait pas ternir sa réputation, resterait modéré avec ces gens de petite envergure. 

– « Vous n’êtes qu’une bande d’idiots! Je suis venu ici pour vous enseigner les techniques de frappe et de mouvement. Mais avec un tel comportement et une telle ignorance, j’ai bien peur que trois jours ne suffisent pas! »  

Zhang Yuxian balaya les élèves d’un regard noir : on aurait dit qu’un couteau leur lacérait le visage. Puis il se dirigea vers le grand arbre aux pagodes que Zhao Tiezhu avait promis de manger. 

Un craquement se fit entendre : Zhang Yuxian venait de le scinder en deux d’un seul coup de hache.  

Tous les hommes du camp de formation, de même que les villageois en restèrent baba.

Lian Chengyu ne put s’empêcher de sourciller. Avec un coup de pied, il aurait pu en faire autant mais faire tomber ce grand arbre avec une hache et en une seule fois était une véritable démonstration de puissance.

Zhang Yuxian traina l’arbre, qui devait peser plus de 2000 kg, comme s’il s’agissait d’un vulgaire bâton de bois, puis le jeta devant ses élèves.

Était-ce cette technique que maitre Zhang comptait leur enseigner, se demandaient les membres du camp de formation.

Bon nombre d’entre-eux se voyaient déjà la pratiquer. Même s’ils ne pouvaient égaler Zhang Yuxian, un dixième de sa force serait déjà très bien.

– « Ce que je vais vous enseigner aujourd’hui n’est pas une technique de combat mais une technique mystique, une compétence fondamentale du Jin Long Wei. Si vous parvenez à en comprendre tous les rouages, elle vous permettra d’appréhender le chemin des arts martiaux avec beaucoup plus de sérénité. Cette technique augmentera considérablement votre force et votre capacité de survie. Puis, pointant du doigt Zhao Tiezhu, il ordonna : « Vous! Avancez! » 

Partagé entre nervosité et excitation, Zhao s’exécuta.

– « C’est vous qui allez faire la démonstration de cette technique! » 

À ces mots, Zhao Tiezhu, ravi, se dit que cette opportunité lui tombait toute cuite dans le bec.

Maitre Zhang allait lui transmettre personnellement la technique mystique. 

« S’il m’a choisi », pensa-t-il, « c’est bien parce que je suis le plus fort.  L’objectif étant le grand arbre aux pagodes, je serai au moins capable, d’un seul coup de hache, d’en couper une partie! » 

Maitre Zhang coupa un morceau de l’arbre : 

– « Mangez-le »

À ces mots, le chef du camp faillit tomber à la renverse.

« Quoi ? Bon sang!

Mange le grand pagode.

Manger l’arbre.

Manger… »

Les mots résonnaient dans la tête de Zhao Tiezhu qui ne pouvait y croire!

« Ais-je bien entendu ? »