– « Hmm… On dirait un gros bâton de bambou », commenta Rossignol en se rapprochant. « Comment ça s’appelle ? »

– « Un RPG », répondit Roland, « ou plutôt son ancêtre. » 

– « R – P – G… » Rossignol se contraignit à répéter ce mot difficile à prononcer pour elle. « Quel nom étrange!  S’agit-il d’un nom de code ou quelque chose de ce genre, à la mémoire de la personne qui a inventé cette arme ? »

Roland secoua la tête, amusé :  

– « Il a beaucoup de noms et de formes différentes dans le Monde des Rêves », expliqua-t-il, « mais celle-ci est la plus répandue. Cette arme est si populaire qu’une religion s’est créée autour d’elle. On l’appelle la “Religion RPG”. »

– « Comme les doubles épées légendaires qui ont sauvé et détruit le monde ? » Demanda vivement Rossignol, curieuse. « Est-elle puissante ? » 

Ces fameuses doubles épées étaient des objets sacrés décrits dans un poème épique qui se transmettait parmi les anciennes sorcières. Avant la première Bataille de la Divine Volonté, une organisation se serait-même lancée avec ferveur à leur recherche. Même si ce n’était qu’une vieille légende, il existait des similitudes entre ces doubles épées et les RPG.   

– « C’est peut-être valable pour les RPG modernes, mais pas pour leur ancêtre », répondit Roland, ces lance-roquettes modernes ayant certainement beaucoup contribué à la paix dans le monde.

– « Mais on ne peut pas passer directement aux RPG modernes », dit Rossignol qui commençait à comprendre. « Il faut d’abord créer son ancêtre et le retravailler progressivement, n’est-ce pas ? » 

– « Exactement », répondit Roland, très satisfait de la rapidité de constater qu’après plusieurs années passées à ses côtés, la sorcière commençait enfin à le suivre. « Vous avez très vite compris la nature du problème. »   

– « Je m’améliore, vous ne trouvez pas ? » Demanda Rossignol, triomphante, en fourrant dans sa bouche un morceau de poisson séché. « Lorsque, parfois, vous mentionnez les noms de Ruban Noir ou encore de Madame**, ne faites-vous pas allusion à des formes évoluées de planeur et de navire en ciment ? Vous voyez, j’ai beaucoup appris de vous au cours des dernières années ».

– « Oubliez ça voulez-vous ? » Dit Roland en se raclant la gorge. 

Il avait remarqué que le même problème s’était produit lors de la Bataille du Versant Nord et de l’attaque nocturne de la Station de la Tour No. 1, à savoir que les soldats réguliers étaient trop faibles pour faire face aux Diables Supérieurs. Selon les informations recueillies par l’Union, il existait différents types de Diables Supérieurs dotés de capacités différentes. S’il n’y avait pas de règle spécifique concernant les capacités qui étaient totalement aléatoires, il semblait évident que leur pouvoir magique permettait à tous les Diables Supérieurs de se protéger des dommages extérieurs.

Peut-être cette capacité de protection universelle n’était-elle que pure coïncidence, à moins qu’il ne s’agisse simplement du résultat de l’évolution naturelle après des décennies de combats et d’amélioration, les Diables qui ne la possédaient pas étant spontanément éliminés au fil du temps. Quoi qu’il en soit, mieux valait, pour les projets du Roi, anticiper le pire. 

Si la capacité de protection des Diables était très similaire à celle de Shavi, elle était limitée et ne les protégeait que des blessures physiques. Un ennemi qui serait frappé de plusieurs balles simultanément mourrait en quelques secondes.

Néanmoins, jamais les Diables, au cours d’un véritable combat, ne se laisseraient ainsi abattre.  

En supposant que l’infanterie de la Première Armée attaque un Diable Supérieur, ce dernier se cacherait immédiatement ou se défendrait, mais en aucun cas les soldats n’en tireraient avantage.  

Si les Sorcières du Châtiment Divin avaient été chargées de repousser les Diables Supérieurs, c’était parce qu’elles étaient aussi puissantes que des Extraordinaires et pouvaient aussi parer leurs attaques. Malheureusement, il semblait que ceux-ci aient perdu leur statut au cours des cent dernières années et qu’ils prenaient de plus en plus souvent part aux batailles. Si tel était le cas, les 300 Sorcières du Châtiment Divin ne suffiraient pas à les éradiquer. 

Roland devait donc améliorer l’armement. 

Le RPG, également connu sous le nom de lance-roquettes, semblait une idée très prometteuse mais jamais, en si peu de temps, la Cité Sans Hiver ne pourrait fabriquer cette arme légendaire.  Très exigeant sur le plan technologique, son modèle le plus simple nécessitait un système d’alimentation constitué de carburants et d’une chambre de combustion, et Roland ne voulait pas qu’Anna fabrique ou teste cette arme.  

Il avait donc décidé d’inventer un lance grenade sans recul, donc le modèle le plus célèbre était le Panzerfaust***. 

Même si la plupart des gens les qualifiaient de lance-roquettes, il s’agissait bien de deux types d’armes différentes. Un lance-roquettes étant destiné à tirer des projectiles, il était équipé d’une source d’énergie et pouvait fonctionner sans canon. Pour exemple le célèbre lance-roquettes de 107 mm qui pouvait être facilement mis à feu par l’intermédiaire de batteries sèches et avait une cadence de tir plutôt correcte. 

Le Panzerfaust et le RPG étaient des armes sans recul qui nécessitaient un canon pour fournir une force de poussée. S’ils n’en possédaient pas et que l’on vienne à y mettre le feu, ils se contenteraient de tournoyer sur le sol.  De plus, le RPG, qui utilisait une fusée pour augmenter sa portée et sa précision, était principalement alimenté par de la poudre à canon.

Le Panzerfaust, en revanche, était célèbre pour sa structure extrêmement simple comparée à ses divers successeurs. Son canon était un cylindre et sa tête se composait de fines feuilles de fer. Quant à la poudre utilisée, c’était de la poudre noire, très simple à fabriquer en masse. 

Néanmoins, Roland n’avait pas prévu de reproduire à l’identique le Panzerfaust, dont la courte portée de tir, le faible taux de précision et l’impact limité étaient inacceptables dans une guerre à grande échelle comme celle-ci. S’inspirant beaucoup de l’histoire, il savait que de petits ajustements pouvaient considérablement améliorer les performances des armes. 

Par exemple, le fait d’installer une buse à effet Laval en forme de gourde à l’arrière du canon permettait de transformer le projectile subsonique en un supersonique, augmentant ainsi la force de recul et donc la portée de tir de l’arme.

L’ajout d’une poignée, d’un viseur et d’un boîtier de bois permettrait d’améliorer encore le taux de précision et le rendre plus pratique d’utilisation.

Le projectile pourrait être stabilisé grâce à un empennage en acier doux, qui s’ouvrirait et pivoterait avec lui une fois dans les airs.  

Roland pensait également façonner la partie avant de l’ogive en un cône creux inversé pour diriger l’énergie vers un point, la rendant ainsi extrêmement explosive et perforante. Il pourrait ainsi maximiser l’impact de la grenade sur la Barrière Magique.

Or ces améliorations étaient toutes réalisables compte tenu du niveau de développement technologique de la Cité Sans Hiver. 

Roland plia le dessin et se dirigea vers la baie vitrée. 

Certes, même équipée de grenades, la Première Armée n’aurait aucune chance de repousser les Diables Supérieurs, mais elle aurait au moins de quoi rivaliser. Les Diables avaient beau être rapides, des ogives antichars hautement explosives pouvaient leur être fatales et le fait de pouvoir toucher l’ennemi changerait radicalement l’issue de la guerre.  

Avec un peu d’entraînement, n’importe quel soldat de métier pourrait tuer un Diable Supérieur. Dotée d’armes aussi sophistiquées, l’unité d’infanterie serait également en mesure de s’attaquer aux Diables blindés, comme les Diables Araignées ou le Squelette Géant. Par ailleurs, pour fabriquer cette arme, il n’avait besoin que de poudre à canon et d’un demi lingot d’acier.  

Aux yeux de Roland, c’était vraiment un bon plan. 

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NDT : * Un RPG (non, non, les gamers! ce n’est pas ce que vous croyez!), littéralement Rocket Propelled Grenade, est un lance-roquettes moderne, son ancêtre étant le lance grenades. 

** Semble renvoyer à un navire de guerre. 

*** Le Panzerfaust est le nom d’une famille de lance-grenades antichars sans recul à un coup, produite en Allemagne à partir de 1942 afin de doter les soldats d’une arme antichar individuelle à coût réduit. (Source : Wikipédia)