Yi Yun et sa sœur rentrèrent chez eux escortés de presque tous les villageois.
Pour le clan Lian, le fait que le jeune Yi ait réussi l’examen était une grande nouvelle et sa connaissance des rouages des arts martiaux qui lui permettraient d’être sélectionné par le Royaume Divin de Taïa était inespéré!
– « Vous dites avoir vu grandir Yi Yun, sans jamais déceler aucun talent, est-ce bien vrai ? » Demanda l’un des villageois : « Serait-il un prodige ? »
– « Si l’Ambassadeur l’a dit, cela doit être vrai, mais je doute qu’il ait suffisamment de temps pour se préparer à la sélection », répondit un second.
La tribu savait combien il était difficile de pratiquer les arts martiaux et que pour devenir un Soldat d’Élite du Royaume Divin, il faudrait à Yi Yun plus que de la chance.
Aussi intelligent que puisse être un enfant, s’il n’avait jamais lu de manuels savants, jamais il ne pourrait, en deux mois, réussir l’examen et devenir un érudit.
Jiang et son frère arrivèrent enfin devant chez eux. Même si Jiang Xiaorou avait fermé la porte de la cour, cela n’empêcha pas les badauds d’escalader les murs pour regarder à l’intérieur. Les murs de terre du village n’étant pas très hauts, même un enfant aurait pu les franchir!
Tout cela ne préoccupait guère Jiang Xiaorou qui était très fière de son frère, même si une petite crainte la taraudait quant à leur avenir.
Il était désormais évident à ses yeux que son frère avait du talent mais était-il suffisamment fort ?
Il fallait être fort physiquement pour survivre dans les Grandes Plaines des Nuages, le talent seul n’étant d’aucune utilité.
– « Yun’er, le Seigneur Zhang a dit que tu avais un “Corps Sans Déperdition”. Sais-tu au moins ce que cela signifie ? » Demanda-t-elle en s’asseyant à son chevet et en lui prenant les mains.
– « Pourquoi Sœurette ? Tu sais ce que c’est, toi ? »
– « J’en ai entendu parler. Un “Corps Sans Déperdition” est un corps qui conserve intégralement l’énergie absorbée, une condition idéale pour la pratique des arts martiaux. Là aussi, il y a différents niveaux, le plus bas étant le “Corps Sans Déperdition de Sang Mortel”. Une personne qui ne perd rien lorsqu’elle est de niveau Sang Mortel peut très bien ne pas en être capable une fois atteint le domaine du Sang Pourpre. De même, quelqu’un qui n’aurait pas de déperdition d’énergie dans ces deux royaumes, pourrait en avoir dans les niveaux supérieurs. Je ne connais pas ton niveau actuel. »
– « Comment se fait-il que tu en saches autant ? »
Jiang Xiaorou lui caressa la tête :
– « Lorsque j’étais jeune, ma famille m’a testée pour voir si j’avais du talent, c’est pourquoi je m’y connais un peu. Quelqu’un qui possède un Corps Sans Déperdition est très apprécié dans un clan, un peu moins s’il n’est que de Sang Mortel. Mais il faut savoir que les personnes de haut niveau dotées d’un tel corps sont très rares. Je me souviens que lors d’un test, Jiang Mingzhe, l’un de mes cousins, s’est avéré posséder un Corps Sans Déperdition de niveau Sage. Toute sa famille était si joyeuse qu’elle a fait la fête plusieurs jours d’affilée et bon nombre de personnalités sont venues les voir. Pour le reste, je ne me souviens plus très bien »
Yi Yun en resta stupéfait.
« Un Corps Sans Déperdition de niveau Sage ? »
Même s’il ne connaissait pas ce niveau, celui-ci évoquait la puissance.
De quel clan pouvait bien venir Jiang Xiaorou pour que sa famille bénéficie d’une telle constitution ?
À sa connaissance, la jeune fille venait d’un milieu aisé et avait appris à lire et à écrire, ce qui n’était pas chose facile pour un enfant défavorisé. Comment avait-elle pu se retrouver dans Les Grandes Plaines ?
– « Sœurette, de quel genre de clan est issue ta famille ? »
– « Mes souvenirs ne sont plus très clairs. Je me rappelle seulement qu’il s’agissait d’un grand clan familial. Je me souviens également avoir appris à lire et à écrire très jeune et de l’endroit dans lequel j’ai grandi. Pour le reste, j’ai beau faire, je ne me rappelle de rien.
Les propos de sa sœur attisèrent sa curiosité. Comment une famille aussi brillante avait-elle pu disparaitre ?
Dans ce monde où rien n’était éternel, même les plus grandes dynasties pouvaient s’éteindre!
– « Petit frère, essaye cet ensemble et vois s’il te va. Je l’ai cousu moi-même. » Dit-elle en tirant d’un vieux bagage un vêtement.
Faite de tissus vert, cette tenue était plutôt rugueuse. Or les habitants des Grandes Plaines Des Nuages avaient l’habitude de porter des vêtements de lin, solides et résistants.
Yi Yun en fut quelque peu dérouté. Les familles pauvres comme la sienne n’avaient pas de serrures et nullement besoin de protéger leurs biens. Dans les Grandes Plaines Des Nuages, les serrures de métal étaient si chères que toute la fortune d’une famille pauvre n’y suffirait pas.
Comment, dans de telles conditions, Jiang Xiaorou avait-elle pu se procurer du tissu pour confectionner ces vêtements ?
– « Enfile-le vite petit frère! C’est jour de fête aujourd’hui! J’avais l’intention de te l’offrir pour le nouvel an mais comme tu vas suivre l’enseignement de Maitre Zhang, il te faut porter quelque chose de joli. »
Touché par ces paroles, Yi Yun prit une profonde inspiration et alla se changer.
Cette tenue lui donnait un air soigné et élégant. L’extrémité du vêtement était parsemée de petites épingles, Jiang Xiaorou l’ayant cousu point par point.
Ravie, Jiang Xiaorou regardait son frère lorsque soudain, quelque chose lui revint à l’esprit :
– « Yun’er, le grand maitre t’apprécie, certes, mais dans trois jours, il sera parti et nous devrons nous débrouiller seuls.
« Tu es peut-être très doué selon le Seigneur Zhang, mais le talent ne suffit pas à te protéger. Pour mûrir, il faudrait que tu sois confronté à une catastrophe. Si l’on chasse les éléphants et les rhinocéros, c’est justement parce que l’un a des défenses et l’autre une corne. Lorsque tu pratiqueras sous la guidance de Maître Zhang, n’en fait pas trop. Reste discret et prudent, c’est la meilleure chose à faire.
« Surtout qu’il faudra marcher sur des œufs avec Lian Chengyu, qui ne t’épargnera pas si tu lui vole la vedette. Tant que le Seigneur Zhang sera là, il n’osera rien faire mais une fois le maître parti, que se passera-t-il ?
« Zhang Yuxian ne connait pas la situation de notre clan, pas plus qu’il ne connait l’infâme Lian. Il n’est venu jusqu’ici que pour les préliminaires de sélection du Royaume aussi, ne crois pas qu’il puisse s’immiscer dans les affaires internes de notre tribu! Il lui serait difficile de te protéger, comprends-tu ? »
Jiang Xiaorou était une enfant prudente qui en savait bien plus sur les gens que la majorité des filles de son âge.
N’importe quelle jeune fille se serait évanouie en apprenant que son frère avait été choisi par le Seigneur Zhang et au lieu de rester tranquillement chez elle à lui donner des conseils, elle se serait précipitée chez les voisins pour répandre la nouvelle.
– « Ne t’inquiète pas, Sœurette, je connais Lian Chengyu et n’ai pas peur de lui », dit-il en lui prenant la main.
Le jeune Yi avait pesé le pour et le contre avant de s’inscrire!
En réussissant les préliminaires, non seulement Yi Yun avait gagné son billet d’entrée pour la sélection du Royaume, mais il allait également pouvoir suivre les enseignements d’un grand maitre. C’était bien mieux que d’observer en catimini le professeur Yao Yuan.
Cependant, Yi Yun ne pouvait révéler son véritable entrainement au Seigneur Zhang.
Zhang Yuxian et Lian Chengyu ignoraient tout de son secret. Quelques jours auparavant, le jeune garçon travaillait encore au raffinage et ne suivait aucun cours, aussi aurait-il été ridicule de penser qu’il ait pu atteindre le Domaine des Méridiens.
Si Lian Chengyu avait eu le moindre soupçon, il en aurait averti Zhang Yuxian, mettant ainsi fin au jeu de dupe. Même en mangeant quotidiennement toutes sortes d’herbes précieuses, le chef de clan n’aurait jamais pu atteindre un tel niveau aussi rapidement!