Le temps continua de s’écouler, et rapidement, c’était déjà la fin du mois de mai.
Durant ces deux derniers mois, Linley passa chaque jour une partie de son temps libre en transe méditative, et le reste était occupé soit par de l’entraînement à la sculpture, soit par de la lecture. La bibliothèque de l’Institut Ernst possédait un nombre impressionnant de livres et, au travers de ses lectures, Linley augmenta grandement la somme de ses connaissances.
Le 29 mai. Le matin.
Linley, Yale, George, et Reynolds se tenaient sur la place, face à la galerie Proulx. Un carrosse à côté d’eux contenait trois caisses en bois. Durant ces deux derniers mois, Linley avait produit neuf nouvelles sculptures, mais étant donné que c’était la première fois qu’il livrait ses œuvres à la galerie, Linley voulait juste savoir comment tout cela fonctionnait et n’en avait amené que trois.
– Prenez ces trois caisses, ordonna Yale.
Des serviteurs du clan de Yale commencèrent à soulever et déplacer les caisses.
– Troisième frère, viens avec moi. Yale était clairement familier avec cette route et il se dirigea directement vers un côté de la galerie Proulx. À quelques centaines de mètres de l’entrée officielle de la galerie, il y avait une porte tout à fait ordinaire avec un homme d’âge mûr habillé en guerrier devant.
Lorsque l’homme d’âge mûr vit Yale s’avancer vers lui, ses yeux s’illuminèrent, et il se précipita immédiatement vers lui. Souriant, il l’accueillit en disant :
– Bienvenue, jeune maître Yale !
Yale sourit, et hocha la tête.
– J’imagine que vous savez déjà pourquoi je suis là. Voici mon bon ami, Linley. Ces trois sculptures sont les siennes. Où sont vos serviteurs ? Faîtes les amener les caisses à l’intérieur.
– Juste un instant, s’il vous plaît. L’homme d’âge mûr sourit et acquiesça.
Très rapidement, des employés sortirent du couloir et l’homme d’âge mûr fit un sourire à Linley :
– Jeune maître Linley, selon les règles de notre galerie Proulx, je vais vous demander de nous laisser une preuve de votre identité. Tout ce que vous avez à faire est de nous laisser récupérer les détails de vos papiers d’étudiant de l’Institut Ernst.
Les papiers d’étudiant de l’Institut Ernst étaient une preuve d’identité bien plus que suffisante.
Linley les présenta à l’homme, face à lui.
Récupérant les papiers de Linley, l’homme d’âge mûr les feuilleta rapidement, et ses yeux s’illuminèrent. Choqué, il contempla Linley.
– Cinquième cycle ? Le cycle des étudiants était visible sur leurs papiers d’identification. C’était assez surprenant que quelqu’un d’aussi jeune atteigne déjà le rang de mage du cinquième rang.
Yale ne put s’empêcher de dire avec fierté :
– Mon frère est l’un des deux génies absolus de l’Institut Ernst. L’an dernier, quand il n’avait que quatorze ans, aux examens de fin d’année, il a atteint le titre de mage du cinquième rang.
L’un des deux génies absolus de l’Institut Ernst ?
Dans son cœur, l’homme d’âge mûr savait clairement que l’avenir de ce jeune homme en face de lui, était illimité. Son attitude devint tout de suite bien plus obséquieuse. Après avoir enregistré les détails biographiques de Linley, il fit une marque sur chacune des trois caisses.
– Jeune maître Linley, tout est en ordre. Tout ce que vous avez à faire, jeune maître, c’est de revenir dans un mois pour récupérer votre rémunération, sourit l’homme d’âge mûr.
– Dans un mois ? Je n’aurais pas le temps le mois prochain. Peut-on repousser ça, à dans trois mois ? Demanda Linley. Il avait prévu de partir pour la Chaîne de Montagnes des Créatures Magiques dans une semaine ou deux et, pour son voyage, il avait prévu de passer deux mois là-bas.
– Pas de problème. Tant que vos sculptures trouvent un acquéreur, vous pouvez revenir à n’importe quel moment pour récupérer votre paye, acquiesça l’homme d’âge mûr.
Yale fronça les sourcils.
– Hum ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Je me rappelle qu’auparavant, avant d’accepter des sculptures, vous inspectiez d’abord le contenu des caisses. Pourquoi est-ce que vous ne le faîtes pas cette fois-ci ?
L’homme d’âge mûr répondit :
– La raison pour laquelle nous inspectons l’intérieur des caisses est pour empêcher des personnes malhonnêtes de nous envoyer des sculptures déjà endommagées. Si nous sommes incapables de détecter les dommages, ils peuvent prétendre que ces dommages ont été causés par la galerie, et essayer ainsi de nous extorquer de l’argent. Mais comme ces trois sculptures ont été livrées par le jeune maître Linley, et vous-même, jeune maître Yale, je n’ai aucuns soucis à me faire. J’ai suffisamment confiance en vous, jeune maître Yale, pour savoir que vous ne feriez jamais de telles actions.
L’homme d’âge mûr savait exactement ce qu’il faisait.
Quelle sorte de personne était Yale ?
Extorquer la galerie Proulx ? Tout l’argent qu’il pourrait leur extorquer ne lui serait probablement pas suffisant pour pouvoir considérer cela comme de la petite monnaie. Et le créateur de ces sculptures, Linley, était connu comme l’un des deux génies absolus de l’Institut Ernst. Comment des personnalités comme celles-là auraient pu s’abaisser à de telles viles actions ?
………
Le jour laissa place à la nuit. Sur la route principale à l’Est de la ville de Fenlai, l’avenue du Pavillon Parfumé. Au troisième étage du Paradis de l’Eau de Jade. Linley et ses trois frères avaient réservés une chambre pour eux.
Les nuits à Fenlai étaient toujours très animées.
Mais les nuits dans le Paradis de l’Eau de Jade étaient encore plus animées, atteignant le sommet de l’animation. Les rires coquets de femmes pouvaient être entendus en continu, tout comme les rugissements de rire héroïques des hommes. Dans leur pièce privée, les quatre frères buvaient tout en discutant de tout et de rien. Au côté de chacun se tenait une délicate et jolie fille.
– Deuxième frère, troisième frère, je vais au lit, et quatrième frère aussi. Vous deux… Son bras passé autour d’une fille aux longs cheveux verts.
– Ça suffit, boss Yale. Arrête de parler, d’accord ? L’interrompit Linley.
Yale et Reynolds échangèrent un regard, puis contemplèrent Linley et George avec des regards de pitié. Puis Yale et Reynolds, chacun avec un bras autour de leurs compagnes respectives, quittèrent la pièce. Depuis deux ans maintenant, Linley et le groupe venaient souvent ici.
Généralement, Yale et Reynolds s’en allaient s’amuser, tandis que Linley et George s’en tenaient à boire un peu et discuter avec les filles.
– Jeune maître Linley, on se connaît depuis maintenant deux ans, mais tu… Dit d’une voix mécontente la jeune fille aux cheveux verts, assise à côté de Linley.
Linley ne put s’empêcher de sentir pointer une migraine.
– Ira [Ai’la], si tu es fatiguée, tu peux y aller, pour te reposer. Je te garantis que lorsque le temps viendra, tu ne recevras pas un sous de moins que ce que tu mérites. Linley n’avait pas d’autre choix que de dire cela d’une voix glaciale, faisant taire la jeune fille. C’était vraiment une chose rare que de voir quelqu’un venir au Paradis de l’Eau de Jade pour ne faire que boire.
Un rayon de lumière blanche sortit de l’anneau Panlong, et se transforma en Doehring Cowart.
Le vieux sage, le visage tout ridé, regarda Linley. En plaisantant, il dit :
– Hé, Linley. Pourquoi tu as une telle tête alors que tu as à tes côtés une si jolie jeune fille ? Hélas, moi, un vénérable Archimage de niveau Saint, ne suis qu’un esprit sans corps. Je ne peux pas toucher de femme, même si je le voulais. Et toi, gamin, tu agis d’une telle manière ?
– Papy Doehring. Linley fronça les sourcils de mécontentement en répondant mentalement.
Le vieillard pinça les lèvres.
– Tu n’as jamais goûté de femme. Si tu en avais, tu n’agirais pas de la même manière.
Linley leva la tête et regarda à l’extérieur de la fenêtre, ne faisait plus attention à ce vieux pervers de Doehring Cowart. L’air frais souffla sur son visage, l’aidant à se calmer.
– La Chaîne de Montagnes des Créatures Magiques. Comment est-ce que cela peut bien être à l’intérieur ?
Dans une ou deux semaines, Linley s’en irait pour son voyage. Dans l’Institut Ernst, Linley avait entendu de nombreuses légendes à propos de ces montagnes ainsi que de Doehring Cowart. Cependant, Linley n’y avait jamais été en personne. Il ne pouvait donc qu’utiliser sa propre imagination pour essayer de visualiser à quoi pouvait bien ressembler ce territoire.
– Dans une semaine, j’y vais.
Regardant toujours à l’extérieur, contemplant l’infini ciel étoilé, Linley avait pris sa décision.