– « C’est le Seigneur Beyrut qui nous a prévenus », répondit Dylin.
– « Peu après notre retour de la Nécropole des Dieux, le Seigneur Beyrut est venu nous dire que vous étiez en danger », expliqua à son tour le Dieu de la Guerre, « en précisant que si Dylin et Tarosse se dépêchaient, ils arriveraient peut-être à temps pour vous sauver… »
– « Si vous n’aviez pas été aussi rapide, Dylin, les choses auraient pu se corser », soupira Tarosse.
– « Comment cela ? » répondit ce dernier en souriant. « Je suis certain que si nous n’étions pas arrivés au moment le plus critique, le Seigneur Beyrut serait venu sauver Linley. »
– « Beyrut ? Croyez-vous que lui, qui ne se soucie certainement pas de la mort des humains sur le continent Yulan, serait venu le sauver ? Du reste, je trouve surprenant qu’il nous ait prévenus », répondit Tarosse qui avait encore en tête la brutalité impitoyable de Beyrut.
Mais Dylin n’était pas de cet avis.
– « Pas nécessairement », dit-il.
« C’est donc ainsi que les choses se sont passées », se dit Linley. Il n’était donc pas surprenant que lorsqu’il avait contacté Bébé, ce dernier n’ait pas été en mesure de l’assurer de l’intervention de Beyrut qui n’était même pas encore dans la Forêt des Ténèbres.
Personne ne s’aperçut qu’à quelques kilomètres du Château du Sang de Dragon, une silhouette humaine translucide planait dans les airs et absorbait chacun des rayons du soleil qui brillait sur lui. Or, lorsqu’une chose absorbe toute la lumière, elle devient naturellement invisible.
– « Ah ce Tarosse! », ricana l’homme invisible. « Il semblerait que les actions que j’ai menées durant les Guerres Apocalyptiques l’aient terrifié au point qu’il pense que je suis impitoyable. »
Sur ce, il disparut.
Aux confins de la forêt des ténèbres :
– « N’y allez pas, Bébé. Vous ne serez d’aucune utilité au Château du Sang de Dragon, à moins que vous vous sentiez en mesure de battre un vrai Dieu ? » Dirent les trois Rois des Rats Pourpre et Or pour tenter de le dissuader. Mais ce dernier avait pris sa décision.
Le cœur anxieux, il prenait son envol en direction du Sud lorsque soudain, il entendit dans sa tête la voix de Linley :
– « Tout va bien, Bébé! »
Ravi, il s’arrêta net, devant les trois rats déconcertés.
– « Patron ? »
La conversation dura un bon moment, après quoi Bébé dit à Linley :
– « Je viens vous voir, Patron »
Il avait tant envie de le voir que rien ni personne n’aurait pu l’arrêter.
Soudain, une voix graveleuse l’appela :
– « Bébé… »
La Créature Magique leva la tête et aussitôt, ses yeux se remplirent de tristesse :
– « Grand-père Beyrouth, vous voilà seulement ? »
– « Père », dirent à leur tour les trois Rois des Rats Pourpres et Or avec dignité.
Le sourire aux lèvres, Beyrut tendit ses bras dans l’intention de serrer Bébé contre lui :
– « Viens ici », dit-il.
Mais la Créature Magique se déroba et, mécontente, répondit :
– « Grand-père, le patron m’a appris que vous saviez qu’il avait des ennuis. Pourquoi n’êtes-vous pas intervenu personnellement ? Si vous l’aviez fait, ce bâtard d’Ojwin serait mort à l’heure qu’il est! »
Même si Bébé était extrêmement fier de son grand-père qu’il aimait énormément, personne, à ses yeux, n’était aussi important que Linley avec qui il avait grandi et ce sentiment était réciproque. Or Ojwin avait bien failli le tuer.
Durant combien d’années Linley et Bébé, tous deux orphelins, avaient-ils fait le chemin rien que tous les deux ? Ils avaient plaisanté, pris des risques ensemble et il existait entre eux un lien si solide que rien ni personne n’aurait pu le briser.
– « Moi, tuer personnellement Ojwin ? » Beyrut eut un sourire résigné : « Je ne peux tout de même pas intervenir partout! Mieux valait laisser Linley tenter de tuer cet adversaire et assouvir son besoin de vengeance. Je lui ai sauvé la vie, n’est-ce pas suffisant ? »
– « Ce sont Tarosse et Dylin qui ont sauvé la vie du Patron », répondit Bébé d’un air triste en se détournant.
Aucun des deux ne savait plus quoi dire.
Beyrut était quelqu’un d’extrêmement célèbre au sein des innombrables plans de l’univers, même parmi les personnalités de haut niveau et son caractère rude et impitoyable était légendaire. Mais s’il pouvait se montrer ainsi envers ses propres enfants, son cœur débordait d’amour pour Bébé, un peu comme ces gens qui savent se montrer sévères avec leurs enfants mais particulièrement indulgents avec leurs petits-enfants.
Comment Beyrut aurait-il pu se montrer strict avec Bébé, second Rat Dévoreur de Dieux à exister dans tout l’univers et descendant de son clan ?
– « Tarosse et Dylin ? » Beyrut secoua la tête : « Pour tout te dire, Bébé, j’étais au château bien avant eux et serais immédiatement intervenu s’ils n’étaient pas arrivés à temps. »
Bébé lui lança un regard méfiant :
– « Vraiment ? »
– « Évidemment! » Répondit Beyrut avec un sourire bienveillant. « Grand-père t’a-t-il déjà menti ? »
La Créature Magique eut un sourire.
– « Très bien », dit-il avant d’ajouter : « À présent, je veux me rendre au Château du Sang de Dragon. »
– « Entendu » répondit aimablement Beyrut. « Vas-y, mais n’oublie pas que tu vas bientôt atteindre l’âge adulte, moment de ta transformation définitive. Reviens vite! » Lui recommanda-t-il d’un ton grave.
– « Compris, grand-père Beyrut! »
Ce dernier, qui n’était pas tout à fait tranquille, ordonna :
– « Harry, tu l’accompagne! »
– « Bien sûr, Père », répondit le Roi des Rats Pourpre et Or.
– « Harry n’est pas obligé de venir. Du reste, jamais il ne pourra me protéger si je tombe sur des Divinités qui ont quelque chose contre moi », répondit Bébé, sachant très bien qu’Harry n’était qu’une Créature Magique de niveau Saint.
Harry échangea des regards avec ses deux frères, Hart et Harvey.
– « Tu iras avec lui », insista Beyrut qui ne voulait pas se donner la peine d’en dire davantage.
Les deux Créatures Magiques partirent donc ensemble pour le Château du Sang de Dragon.
Aux yeux du Dieu de la Guerre et du Grand Prêtre, l’arrivée de tous ces experts sur le continent Yulan était une véritable catastrophe, cependant, ils ne pouvaient faire autrement que de l’accepter.
Alors qu’ils bavardaient avec Linley, Olivier, Dylin, Tarosse et César dans la grande salle du château, une silhouette humaine arriva par les airs à grande vitesse : c’était Fain, le premier des proches de Linley à revenir après que ce dernier leur eut ordonnés de se disperser suite à l’attaque d’Ojwin.
En arrivant dans la pièce, il fut abasourdi à la vue d’O’Brien et tomba à genoux sur le sol :
– « Maître! » S’écria-t-il, les yeux remplis de larmes. « Tous mes compagnons, vos disciples, sont morts ainsi que les disciples honoraires! La montagne entière a été détruite! Votre serviteur a manqué à la confiance de son maître! » Dit-il en laissant libre cours à la douleur contenue dans son cœur.
Le Dieu de la Guerre se précipita aussitôt pour relever son premier disciple.
– « Vous n’y êtes pour rien, Fain, pour rien du tout », dit-il avec un soupir.
Si sa montagne était l’œuvre de toute une vie, il avait parfaitement compris que Fain, qui n’était qu’un simple saint, n’avait aucune chance de se défendre face à tant de Divinités.
– « Maître!!! » S’écrièrent Dixie et ses compagnons en arrivant par les airs et en s’agenouillant devant le Grand Prêtre.
– « Relevez-vous », dit celui-ci. Il était en bien meilleure posture que le Dieu de la Guerre dans la mesure où ceux qui avaient pris le contrôle de l’empire Yulan n’avaient attaqué que le palais impérial. Ses disciples n’étant pas concentrés sur un lieu particulier, seuls deux d’entre eux avaient péri.
Ceci dit, on avait pris possession de cet empire dont il était le maître depuis dix mille ans.
L’un après l’autre, tous revinrent, y compris le corps original de Linley qui fusionna aussitôt avec son clone divin.
– « Linley! » S’écria Délia qui, à peine revenue, se précipita pour l’embrasser, les yeux remplis de larmes contenues : « C’est merveilleux de voir que tu vas bien! »
Lors de leur fuite, le Linley original, qui craignait que l’ennemi ne se concentre sur lui, ne voulait pas que quiconque le suive. Si tous étaient terrifiés à ce moment-là, ils pouvaient enfin se détendre.
– « Tout va bien à présent », dit Linley, qui, lui-aussi, décompressait un peu.
Jusque-là, il était seul à porter un énorme poids sur ses épaules, mais maintenant il y avait Dylin et Tarosse, sauf si le Seigneur Adkins s’en prenait personnellement à eux, ils seraient au moins en mesure de se protéger.
– « Linley, savez-vous qui a détruit ma montagne ? » Demanda le Dieu de la Guerre dont on voyait qu’il avait du mal à l’accepter.
– « Oubliez cela », répondit Linley qui ne pouvait envisager l’idée que le Dieu de la Guerre reprenne un jour son royaume. « Les personnes qui ont détruit votre montagne et pris l’empire O’Brien constituent une force extrêmement puissante dont le chef, Adkins, est un Dieu Supérieur. »
– « Adkins!!! » S’écria Dylin qui, pour avoir séjourné à la Prison de Gebados, connaissait la terrifiante puissance de ce dernier.
En entendant parler de Dieu Supérieur, Tarosse, César, le Dieu de la Guerre, le Grand Prêtre et tous les autres blêmirent. Il était déjà très difficile de passer de Demi-dieu à un Dieu alors que dire d’un Dieu Supérieur, qui, pour eux, était invincible.
Les Souverains, en effet, ne prêtaient pas attention aux Divinités ordinaires et ne se donnaient pas la peine d’agir à leur encontre, c’est pourquoi les Dieux Supérieurs représentaient à leurs yeux le sommet de la montagne.
– « Adkins aussi s’en est bien tiré, ce qui n’est guère surprenant puisqu’il est de la Cité du Feu Bleu », Soupira Dylin. « Qui sait si le Seigneur Feu Bleu a pu s’enfuir lui-aussi », ajouta-t-il, conscient du pouvoir terrifiant de celui qui faisait partie des cinq Grands Rois et l’un des puissants Dieux Supérieurs.
Adkins lui-même devait baisser la tête, devant lui et obéir.
– « Haha… », s’exclama le Dieu de la Guerre avec un rire amer ou perçait l’impuissance, « un Dieu Supérieur s’intéresserait à mon empire ? »
Bien qu’il ait apporté quelques améliorations à la Nécropole, il n’était toujours qu’un Demi-Dieu.
– « Linley, savez-vous qui a pris le contrôle de mon empire ? » Demanda le Grand Prêtre d’une voix douce ?
Linley se remémora ce que Muba lui avait dit et répondit aussitôt :
– « C’est un Dieu nommé Oerph. »
Son interlocuteur fronça les sourcils :
– « Un Dieu ? »
Toutes les personnes présentes s’étaient améliorées au cours de leur séjour dans la nécropole. Dylin était passé de Demi Dieu haut placé à Dieu et le Grand Prêtre, il avait eu la chance d’acquérir une Étincelle Divine de niveau Dieu. Quant à César et au Dieu de la Guerre, ils possédaient désormais des artefacts divins.
– « Pour avoir survécu à la Prison de Gebados, ce ne doit pas être un Dieu ordinaire », dit Dylin en fronçant les sourcils. « À mon avis, pour le moment, il est préférable que nous ne nous fassions pas trop d’ennemis. Faisons de l’Empire Baruch, qui est notre fondation commune, notre base et ensemble, nous pourrons le protéger. »
Après un instant d’hésitation, le Dieu de la Guerre et le Grand Prêtre approuvèrent.